César 2020 : la 45e cérémonie est-elle menacée?
by A. Zune & L. JanssensLa démission collective de la direction de l’Académie des César intervient plusieurs jours après la parution d’une tribune dans laquelle 400 personnalités du cinéma français ont dénoncé les dysfonctionnements et le manque de démocratie au sein de l’Académie. De quoi menacer la tenue de la cérémonie le 28 février prochain?
Un contexte tendu
Le scénario semblait écrit depuis plusieurs semaines. La première étincelle remonte au 13 janvier dernier avec la mise à l’écart pas l’Académie des César de la cinéaste Claire Denis et de l’écrivaine Virginie Despentes de la soirée des Révélations des César, pourtant choisies comme marraines de deux jeunes talents. La Société des Réalisateurs de Films (SRF) dénonçait alors "des agissements opaques et discriminatoires".
Une seconde polémique intervient deux semaines plus tard avec la multi-nomination de Roman Polanski pour son film J’accuse. Accusé de viol, le réalisateur fait office de favori avec douze nominations au total.
La tribune délivrée ce lundi a finalement sonné le glas de la direction en place, malgré la tentative d’Alain Terzian, le président de l’Académie depuis 2003, d’apaiser les tensions avec l’annonce de mesures pour instaurer la parité au sein de l’organisation dont les femmes ne représentent que 35% des membres.
Une décision applaudie pour une réforme en profondeur
Outre un problème de parité, l’absence de régime démocratique fait partie des soucis mis en avant par les signataires de la tribune. En effet, les 4700 membres (dont la liste est confidentielle) qui composent l’Académie n’ont aucune prise sur l’institution. Il n’existe pas de vote pour élire les 47 membres de l’Association pour la Promotion du Cinéma, l’organe qui chapeaute l’Académie. Ces 47 membres sont soit cooptés à vie, soit intégrés car ils sont français et ont reçu un Oscar aux Etats-Unis. Le manque de transparence au niveau des comptes et des statuts au sein de l’Académie pose aussi question.
Le monde du cinéma français a réagi favorablement à la décision collective de la direction de l’Académie. Pour l’actrice Marina Foïs, il est normal que l’institution se réinvente car le monde bouge : "Le cinéma est toujours un peu politique et ne peut pas être en retard sur la nécessité de parité, de diversité et de mixité”.
De son côté, Franck Riester, le ministre français de la culture a commenté l’événement sur Twitter et insiste sur la nécessité de préserver “l’indépendance de l’Académie tout en assurant une gouvernance renouvelée qui doit permettre de représenter le cinéma français dans toutes ses esthétiques et sa diversité”.
Une cérémonie perturbée ?
La cérémonie devrait en en principe être maintenue le 28 février, à la salle Pleyel de Paris. Une assemblée générale aura lieu dans la foulée pour procéder à l’élection d’une nouvelle équipe de direction et entamer les réformes demandées.
Néanmoins, l’événement prévu dans deux semaines, soulève de nombreux questionnements. Pour Hugues Dayez, critique et journaliste cinéma à la RTBF, “on distingue clairement deux camps : les partisans de Polanski et puis les partisans d’Adèle Haenel, également nommée et qui vient courageusement de dénoncer un cas personnel d’harcèlement sexuel” (accusant le réalisateur Christophe Ruggia, NDLR). “La situation est donc totalement explosive et peu sereine pour faire la grande fête du cinéma”, explique-t-il.
Quelle sera donc la marge de manœuvre de Florence Foresti, qui endossera le costume de maîtresse de cérémonie pour cette édition 2020 ? Elle avait déjà adressé une pique à Roman Polanski dans un lapsus assumé, annonçant “Je suis accusé” au lieu de “J’accuse”. La question de la remise des prix est aussi brûlante, face aux possibles refus de remettre à l’équipe le précieux César.
Le réalisateur Guillaume Senez, évoque les crispations autour du film : “Si J’accuse reçoit un César, ce qui est fort probable, je n’ose même pas imaginer les tensions qu’il va y avoir dans la salle. Voter pour ce film, au-delà de sa qualité, dépasse le simple jugement. Il y a un vrai positionnement politique et moral”.
Ce nouvel épisode autour des César s’inscrit par ailleurs dans un climat particulier en France, avec en parallèle l’affaire Matzneff qui ébranle le monde littéraire.