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Passant devant une affiche vantant la Saint-Valentin. Photo © Valery Sharifulin/TASS/Sipa USA/SIPA

[Chronique] Père Danziec - La « Saint-Valentin » ou l’imposture de la révolution sexuelle

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Sous des dehors de tendre complicité, voire de messages suggestifs, la célébration de la fête des amoureux masque surtout, selon le Père Danziec, le grand vide qu’a laissé derrière lui le chambardement affectif des années post 68. Etat des lieux.

Il n’y a pas que les bijouteries Swarovski ou les franchises comme Interflora qui flirtent avec la Saint-Valentin. Même Castorama trouve dans la fête des amoureux de quoi inspirer ses opérations commerciales. Dans une vidéo décalée, l’enseigne de bricolage et de décoration vous propose un véritable kit d’urgence si jamais l’envie vous prend de « reconquérir votre ex »« Des tournevis pour briser la glace », « des chiffons pour passer l’éponge », « du ruban adhésif pour recoller les morceaux », « des sets de table pour remettre le couvert », « des bougies pour raviver la flamme » : toute une gamme de produits à petit prix pour revivre le grand amour. Si le procédé est original, on doute bien évidemment du résultat.

Un bouleversement anthropologique

Car pour expérimenter le grand amour, encore faudrait-il savoir de quoi l’on parle. Dans le refrain de l’un des tubes de son 3ème album – Ne s’aimer que la nuit – le chanteur Emmanuel Moire s’interroge justement : « On pourrait faire l’amour. Mais l’amour, c’est fait de quoi ? » La question révèle tout le drame des relations intimes de notre temps. Et le tragique de la Saint-Valentin en 2020. L’ancien vainqueur de Danse avec les stars, sans le savoir probablement, met le doigt sur l’une des plus graves contradictions de la postmodernité. Doté de capacités extraordinaires, l’homme se trouve en même temps dessaisi du sens des choses. Les progrès développent comme jamais son pouvoir sur la nature mais, en le coupant du réel, ils infantilisent inéluctablement sa raison. Et troublent ses repères. Tel un monarque immature, les décisions de l’homme postmoderne le muent en irresponsable ou en despote, c’est selon. La révolution sexuelle pensait délivrer les désirs humains de leurs contraintes naturelles ou sociales. Elle aura surtout passablement abimé la qualité de leur réalisation. L’ère de la contraception, de l’amour libre et de la décontraction morale a opéré un bouleversement anthropologique majeur dans les relations humaines, et dans ce qu’elles ont de plus intime. Toutes les révolutions ont leur retour de bâtons. La facilité déconcertante avec laquelle est envisagée aujourd’hui l’union de deux êtres dit beaucoup de l’insoutenable légèreté de notre société sur des sujets aussi lourds et sérieux que peuvent être ceux de l’amour, de la fidélité ou de la prévenance de cœur. Non, il n’y a rien d’anodin à déshabiller son être. On ne fait pas l’amour comme l’on fait un gâteau ou un château de sable. Pas plus qu’on ne « fait » la fête ou un enfant. On célèbre quelque chose ; et en cela on offre à l’amour toute sa majesté. On se rencontre, on se retrouve. On échange et on se communique. Dans les choses les plus ordinaires du quotidien comme dans le secret d’une relation. Dans la délicatesse comme dans la tendresse. On se donne d’une façon spéciale. On se transporte aussi. Au final, surtout, on s’élève. Et cela s’apprend. Non pas techniquement, à coup de cours d’éducation sexuelle ou d’objets coquins sensés pimenter ce qui devrait être déjà sublime en soi. Sinon à perdre son âme, l’amour ne saurait devenir un produit de consommation. Imagine-t-on un seul instant le prince charmant assis sur la margelle d’une fontaine proposer à Cendrillon un coup d’un soir ? L’amour, ce ne peut être s’aimer que la nuit. C’est s’aimer pour toujours. La nuance est de taille.

Les fruits amers de la libéralisation des mœurs : scandales à répétition et prolifération de célibataires

Le 9 février dernier, lors de ses grands entretiens sur la chaine parlementaire (LCP), Maïtena Biraben a ainsi recueilli sur son divan les confidences de Brigitte Lahaie. Invitée particulière parce qu’ancienne actrice de film pour adultes dans les années 70, celle qui est désormais une animatrice parmi d’autres sur Sud Radio s’inquiète : « Je pense vraiment que si les gens étaient plus heureux dans leur vie amoureuse, la société irait mieux. » Mais comment cette dernière pourrait-elle aller mieux quand on la prive de toute transcendance et que l’on nie à cette vie amoureuse les exigences liées à sa survie ? Aimer son conjoint, aimer son pays, aimer sa famille, aimer son Seigneur imposent des sacrifices et réclament fidélité. L’appétit de l’autre, la complétude que l’on trouve dans la fusion des cœurs demande un pas à pas, une approche lente et progressive, un dévoilement prudentiel. Tout le contraire du déshabillage empressé, de « la hâtive et irrépressible jouissance, la brûlure que donne au corps le seul contact d’un corps, le plaisir gâché et gaspillé » dont parle Brasillach avec un indéniable talent dans l’une des plus belles pages de son roman Les Sept Couleurs. Le monde érotisé ne rend pas les gens davantage heureux. Le tout sexuel réduit l’amour humain à sa pesanteur terrestre quand, au contraire, sa dimension charnelle devrait lui donner des ailes.

La Saint-Valentin, loin de célébrer l’amour vrai, exploite les passions humaines pour mieux en tirer profit. Et se rire d’elles ensuite. Or l’ironie de l’amour libéré est sévère. 50 ans après mai 68, à l’heure de tous les possibles et de toutes les permissivités, l’état de l’amour dans la société, entre scandales à répétition et prolifération des célibataires, laisse à désirer. Plutôt que de jouir sans entrave, il est temps de rappeler qu’il s’agit plutôt d’aimer sans limite. Jusqu’à l’oubli de soi. Jusqu’au don de sa vie. Et parfois même son sacrifice. Le sublime ou un ouvrage intime nécessite des efforts, du courage, de l’abandon. De la patience aussi. Si Rome ne s’est pas faite en un jour, l’amour ne saurait se dessiner en une nuit. Il est le travail d’une vie. Et selon saint Jean de la Croix, nous serons même jugés sur lui.