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Nicolas Schmitt porte haut l'humanité de ses personnages, à commencer par celui d'Etienne A. © Xavier Cantat - Estilo Studio

« Etienne A. », le conte de l'entrepôt

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Etienne est employé à l'entrepôt Amazon de Saran, dans le Loiret. Il est séparé de sa femme Lucie, qui partage sa vie désormais avec un manager de l'entreprise. Il a un petit garçon qu'il emmène se promener parfois le long des vestiges de la voie d'essai de l'aérotrain d'Orléans, ce bolide sur coussin d'air dont le projet fut abandonné dans les années 1970. Il s'occupe comme il peut de son père, qui a un problème de hanche. Il est terriblement seul. Mais il est amoureux. D'une collègue de travail, Sandrine. Une nuit de Noël, dans le local fantôme des « objets retournés non distribués », il lui parle enfin. Il lui confie sa solitude, sa flamme, et sa décision de tout plaquer, « de ne plus être dans la course ».

C'est un bien joli texte qu'a signé Florian Pâque, un seul en scène sur mesure pour le jeune comédien Nicolas Schmitt, directeur artistique de la compagnie Le nez au milieu du village. « Etienne A. », à l'affiche du Lavoir Moderne Parisien, est une fable singulière sur le désarroi de l'homme moderne et sur le travail précaire, en même temps qu'un conte de Noël doux-amer. L'entrepôt de Saran évoque l'atelier du Père Noël avec ses lutins sous pression, managés par des chefs qui n'ont pas la bienveillance de Santa Claus... Rien d'appuyé ou de convenu toutefois dans cette courte pièce qui se veut une comédie humaine, non un brûlot social. Sensible, pleine de rebonds, elle distille une intrigante poésie du quotidien.

Puissance tranquille

En une heure quinze chrono, ce spectacle subtil est l'occasion d'apprécier toute la palette de jeu de Nicolas Schmitt, qui avait fait ses premières armes en 2015 dans la « Trilogie du revoir » de Botho Strauss, mise en scène par Alain Françon à l'Ensatt (Ecole nationale supérieure des arts et techniques du théâtre). Evoluant dans un dédale de cartons, le comédien se démultiplie : il campe le héros, mais aussi son ex-femme à cran (Lucie), son père bougon (Léon), son fils candide, son chef faussement bonhomme (Franck), son rival pas si méchant (Lionel), et même Mamie Nova, l'icône laitière, qui lui prodigue ses conseils de santé le soir dans sa cuisine. Nicolas Schmitt porte haut l'humanité de ses personnages, les stylise sans les caricaturer, avec ce qu'il faut de distance et d'humour.

Logiquement c'est dans le rôle d'Etienne A. qu'il donne toute sa mesure. Déployant une puissance tranquille émaillée de quelques accès de fièvre, confondant de naturel, il distille une émotion intense, savamment maîtrisée. Le public, conquis, applaudit le coeur serré ce beau conte théâtral si tendrement incarné.