Billet d’humeur et d’amour… à ma justice
by Robin SerradeilÀ l’occasion de la Saint-Valentin, une déclaration d’amour adressée à la justice par les avocats toulousains et leur bâtonnier, Me Manuel Furet, en grève depuis six semaines.
Ma Très Chère Amie,
Ne pensez pas ma démarche intéressée en ce jour de Saint-Valentin, ne me jugez pas trop vite, vous qui savez si bien le faire…
Je prends la plume, et non la parole - et oui tout change - parce que depuis quelques semaines nos nuits rêvées et nos jours vécus sont bien tourmentés : je n’aspire comme vous qu’à entrecouper mes nuits et rêves de jours heureux.
Mais c’est ainsi, et ni vous ni moi n’en sommes les coupables, n’en déplaise à certains.
Je viens ici moins plaider ma propre cause que la nôtre, celle qui nous est commune.
Vieux amants que nous sommes, nous ne livrons que le meilleur lors de nos (d)ébats, dépendants l’un de l’autre dans nos chambres, indépendants de tous pouvoirs.
Nous sommes indissociables. Ce qui vous préoccupe me tourmente, ce qui m’affecte vous perturbe. D’aucuns probablement nous en veulent. Soit qu’ils ne vous parent pas des attributs qui vous reviennent de droit, lésant votre administration, soit qu’ils me retirent des acquis qui m’appartiennent en droit, entravant ma profession.
Voilà bien des années que vous veillez sur vos fidèles sujets, arbitre bienveillant et juste balance de leurs incompréhensions quotidiennes, de leurs querelles terrestres et de leurs forfaits humains.
Sur vos frêles épaules repose un fléau dont les plateaux n’ont cessé de s’alourdir, sous le poids de fièvres réformatrices, toujours plus violentes, grippes ministérielles et saisonnières.
Votre cour, toujours aussi proche, n’a connu ni l’inflation d’hommes et de femmes, ni l’augmentation des dotations, corrélatives à la croissance des sujets de votre royaume et à leur demande de Justice.
Vous avez traversé toutes les époques, de celle où peu accédaient à vous, où longtemps vos yeux bandés vous empêchaient de voir la situation des plus démunis, jusqu’à celle d’aujourd’hui où, la vue retrouvée, vous voilà de nouveau privée d’un de vos sens, pieds et mains liés, budget en berne et réformes en peine.
Votre roi n’a plus d’égard pour vous, Madame. Son cœur cède aux sirènes de ses courtisanes Protection Juridique et Fonds de pension.
Que votre nom résonne avec douceur, en comparaison de ceux de ces mornes fossoyeurs.
Vous le savez, votre roi a toujours préféré financer ses guerres et ses festins, au lieu de vous offrir les plus beaux joyaux, essentiels à votre quotidien.
Vous n’êtes pas seule délaissée : vos sœurs Éducation, Santé et Culture, ont connu le même désintérêt.
Alors oui, Madame, je viens aujourd’hui renouveler mon serment, vous déclarer ma flamme intense comme au premier jour, rappeler qu’enfant du même lit que d’autres de vos sujets, juges et greffiers, frères et sœurs de faculté, je n’ai de cesse et d’envie pour demain et surtout pour l’avenir, de vous accompagner.
Souvenez-vous que Dignité, Conscience, Indépendance, Probité et Humanité, armoiries de mon blason, sont vos plus fidèles alliées pour maintenir l’équilibre de votre balance.
Vous voyez que cette lettre, plus opportune qu’opportunisme, n’a pour but - car je le peux encore, et espère le pouvoir toujours demain - que de vous prouver la profonde sincérité de mes sentiments, l’attachement viscéral à contribuer à votre œuvre et la constance de mes engagements... en toute indépendance, ce qui nous a permis de tenir aussi longtemps.
Ma Très Chère Amie, nos rencontres me manquent. J’aspire à vous retrouver bientôt.
Votre Avocat Préféré.