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Alain Terzian lors de l'annonce des nominations des Césars en janvier. Le président de l'Académie était déjà dans la tourmente.(AFP)

Les 4 pistes pour réformer l'Académie des Césars après la démission collective de sa direction

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La démission collective, jeudi soir, de la direction de l'Académie des Césars ne changera pas le programme de la cérémonie qui doit avoir lieu le 28 février. Les vraies réformes sont attendues pour le printemps.

C'est un coup de tonnerre qui ne changera rien dans l'immédiat. Jeudi soir, la direction de l'Académie des Césars, accusée d'opacité et d'entre-soi, a démissionné en bloc à peine quinze jours avant la cérémonie de remise des prix. Le programme de l'édition 2020, retransmise le 28 février sur Canal+, ne va pas changer pour autant. Comme le précise le communiqué de jeudi soir, la nouvelle direction sera élue à l'occasion de l'assemblée générale ordinaire, courant mars. Dans un second temps, au printemps, une assemblée générale, cette fois extraordinaire, lancera la réforme des statuts.

Lire notre interview publiée dimanche dernier - Alain Terzian, président des Césars : "Il est vital d'arriver à la parité au sein de l'Académie"

L'Etat aura son mot à dire par l'intermédiaire du Centre national du cinéma (CNC) qui supervisera la réforme. S'il a rappelé que l'Académie des Césars est une "institution de droit privé", le ministre de la Culture, Franck Riester, a tout de même fixé une feuille de route, en réclamant "un fonctionnement démocratique" et "des exigences d'ouverture, de transparence, de parité et de diversité". Plusieurs propositions sont d'ores et déjà sur la table.

1 - Une plus grande parité dans les instances des Césars

Si les 12 nominations dont bénéficient le film J'Accuse de Roman Polanski a créé un climat délétère au sein du cinéma français, ce n'est pas cette affaire qui déclenche la crise actuelle. C'est le 13 janvier que l'implosion a lieu. Ce jour-là, l'Académie des Césars organise son traditionnel dîner des révélations à l'occasion duquel des artistes reconnus doivent parrainer les jeunes acteurs et actrices nommés pour une récompense.

Or, quelques heures avant la cérémonie, la Société des réalisateurs de films (SRF) s'indigne publiquement que deux femmes, la réalisatrice Claire Denis et l'auteure Virginie Despentes, aient été, selon cette organisation professionnelle, écartées du dîner. Pendant le dîner, à la surprise générale, plusieurs artistes de premier plan, dont Marina Foïs, Louis Garrel, Michel Hazanavicius et Cédric Klapisch, prennent la parole et mettent en cause directement la direction de l'Académie.

Aussitôt, le sujet épineux de la parité revient dans le débat. Depuis deux ans et l'affaire MeToo, le président de l'Académie Alain Terzian promet des chiffres sur le nombre de femmes au sein de ses instances, sans en donner. Dans le JDD, dimanche dernier, il dévoile enfin que seules 35% des membres de l'Académie sont des femmes. Et promet "une révolution culturelle pour atteindre la parité".

"Nous allons ouvrir massivement à 700 ou 800  femmes supplémentaires le collège des votants", explique-t-il encore dans le JDD. Cette proposition est aujourd'hui toujours sur la table et devrait être débattue à l'occasion de l'assemblée générale extraordinaire du printemps.

2 - Un collège plus large et désigné par un vote

L'affaire de la parité en cache une autre : celle de la diversité en règle générale. Toutes les familles du cinéma français ne sont pas représentées au sein des 4.680 membres de l'Académie des Césars. C'est ce qu'ont dénoncé mardi, dans une tribune publiée dans Le Monde, 400 personnalités qui sont pourtant toutes membres de l'Académie. Ces dernières dénoncent en particulier le système de cooptation en vigueur.

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Aujourd'hui, pour être membre de l'Académie, il faut avoir travaillé sur trois films en cinq ans, avoir deux parrains et faire acte de candidature. C'est ce système contraignant qui fait polémique tant il exclut des pans entiers de la profession.

Les 400 signatures de la tribune réclament donc un système moins restreint comme dans d'autres pays. Aux Etats-Unis par exemple, les membres de l'Académie des Oscars doivent juste être parrainés par deux membres, sans autre critère. Leur nomination est ensuite entérinée par un vote. Résultat : les Oscars comptent plus de 9.000 membres aujourd'hui.

Une élection plutôt qu'une cooptation aurait les suffrages de nombreuses personnalités. Au-delà du collège de l'Académie, les signataires de la tribune posent également la question de la rééligibilité des membres, aujourd'hui désignés à vie.

3 - Un mode de nomination plus transparent et, pourquoi pas, un vote du public

Le processus de désignation des nommés aux récompenses fait aussi débat, même si, sur ce point, la direction de l'Académie n'y est pour rien. Aujourd'hui, tous les films qui reçoivent l'agrément du CNC entre le 1er janvier et le 31 décembre sont éligibles. Les membres de l'Académie doivent ensuite voter en ligne de manière anonyme et sécurisée, la procédure étant sous le contrôle d'huissiers.

Les membres reçoivent au préalable un coffre de DVD de la part de l'Académie. Les producteurs doivent en fait débourser 6.600 euros hors taxes pour faire apparaître leurs films dans ce coffre. Plusieurs professionnels y voient là une mesure d'iniquité : la somme est considérable autant pour les petites sociétés que pour les gros producteurs qui, ayant financé cinq à six films par an, n'en choisissent qu'un.

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Ainsi, chaque année, plusieurs films, pourtant salués par le public et/ou la critique, passent sous les radars des Césars. Et, à l'inverse, certaines personnalités, abonnées à la cérémonie, cumulent les nominations. Parmi les pistes évoquées, rendre accessible le prix pour apparaître dans le coffret des Césars ou, comme pour les catégories "révélations" des Bafta britanniques, permettre au public de choisir par un vote en ligne les nommés de certaines récompenses.

4 - Publier les comptes de l'association qui gère les Césars

L'autre réforme qui sera évoquée concerne la gestion financière de l'Académie des Césars. Celle-ci est supervisée par l'Association pour la promotion du cinéma (APC), régie par loi de 1901, à but non lucratif donc. Elle a pour filiale une société anonyme, Europe Cinéma Evénement (ECE SA), qui est chargée de négocier les droits de diffusion de la cérémonie. Et dont le but est lucratif donc.

Alain Terzian préside à la fois l'APC et sa filiale ECE. C'est cette dernière qui finance véritablement les Césars, puisqu'elle a la main sur le nerf de la guerre : le juteux contrat avec Canal+ qui a été renouvelé jusqu'en 2022. Cité par Le Monde vendredi, le président du directoire du groupe Canal+, Maxime Saada, assure que "la dotation a augmenté continuellement ces dernières années".

Les 400 signataires de la tribune de mardi disent vouloir connaître les comptes de l'APC, et notamment ceux de sa filiale ECE dont le chiffre d'affaires atteignait en 2018 1,691.947 euros pour un résultat net de 205.790 euros, selon des chiffres diffusés vendredi par Le Monde. Toujours selon le quotidien, Alain Terzian serait rémunéré par ECE, à hauteur de 135.000 euros. Une "opacité des comptes dommageable", selon les signatures de la tribune qui appellent à rendre obligatoire la publication des comptes.