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Le vendredi 24 janvier au soir, le drame s’est joué dans cette allée de garages jouxtant la résidence Marcel-Cachin, avenue de la République, où Pascaline vivait depuis quelques mois.

Drame de Billy-Montigny : « Elle était persuadée qu’un jour il la tuerait »

Si les résultats d’expertise balistique se font toujours attendre, il ne fait guère de doutes que, fin janvier, Pascaline, 60 ans, a été tuée par son ex-conjoint, avant que celui-ci ne s’ôte la vie, après plusieurs années passées à – notamment – harceler sa victime.

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Vendredi 24 janvier, 21 h 30, Pascaline quitte son travail au Flash bar d’Hénin-Beaumont, boulevard Schweitzer. « Elle m’a appelé parce qu’elle avait un souci avec la fermeture du volet, se remémore Jules Cornu, son patron. Je lui ai dit comment faire. » L’établissement sécurisé, l’employée de 60 ans regagne sa Clio, direction Billy-Montigny. Un trajet de 15 minutes pour arriver résidence Cachin. L’a-t-il suivie tout du long ? L’attendait-il devant le 16 bis avenue de la République ? Dans l’allée de garages jouxtant l’immeuble, Patrick brandit un fusil de chasse, tue Pascaline, puis se suicide.

Trente-trois ans plus tôt, Pascaline et Patrick, jeune couple de 28 ans, s’installent à Arleux-en-Gohelle pour y rénover un corps de ferme et y élever un fils. Lui, est commercial, à Lens, pour une société spécialisée dans la vente de commerces. Elle, travaille comme serveuse ou vendeuse dans diverses enseignes. C’est un chasseur au gros gibier, elle préfère la randonnée. « C’était un dominant, il avait toujours raison », confie une proche du couple.

Il y a quelques années, après une liquidation judiciaire, Patrick perd son travail. Il vit du chômage, se met à boire, ne retrouvera jamais d’emploi. Au même moment, après un contrat dans un bar-tabac d’Avion, Pascaline est embauchée au Flash. « Elle était très agréable, conviviale, souriante, courageuse et dégourdie », résume Jules Cornu. Prise comme serveuse, elle devient vite polyvalente. « Au bout d’un an, son mari s’est fait des idées sur sa fidélité. » Le patron de bar fait partie des soupçonnés. « Il lui interdisait de mettre du parfum, alors que Pascaline prenait soin d’elle, elle était coquette. »

« Quand on se promenait, elle avait toujours la tête à droite ou à gauche »

Si l’Arleusien pouvait être violent, il était surtout harceleur. « Il montait la garde devant le bar, explique le patron, à 5 h 30 quand elle commençait, à 21 heures quand elle terminait. Elle travaillait en horaires décalés. » Parfois assisté dans cette opération, l’homme change aussi de véhicule, se déguise. Ce harcèlement est remonté au commissariat d’Hénin-Beaumont. « Pourquoi n’est-on jamais venu lui demander ce qu’il faisait là ? », déplore une proche.

Début 2018, après une énième altercation, c’est la rupture. Un divorce se profile, au corps défendant de Patrick. Pascaline part chez sa mère à Billy-Montigny, cité 10, puis déménage résidence Cachin. Cet éloignement ne la tranquillise pas. « Quand on se promenait, livre une amie, elle avait toujours la tête à droite ou à gauche. Elle n’était jamais sereine. Elle l’appelait ch’fou. » Pascaline le disait autour d’elle, notamment à Jules Cornu, « elle était persuadée qu’un jour il la tuerait ». Ne manquait que l’étincelle. Après deux ans de procédure, le divorce était acté.

3919, numéro d’écoute national, anonyme et gratuit, destiné aux femmes victimes de violences et à leur entourage.

Un harceleur qui pouvait aussi se montrer violent
Selon les témoignages de proches du couple, Patrick ne se contentait pas de harceler Pascaline, tapi dans sa voiture, à quelques mètres du Flash bar. « Une fois, se souvient son patron, par jalousie, il est entré avec la bouteille de parfum que mettait Pascaline. Il en a aspergé tout le monde, en disant que, comme ça, tout le monde sentirait son odeur. » Jules Cornu était absent ce jour-là, mais deux employés étaient présents et la vidéosurveillance tournait.
Plus d’un an avant le drame, l’Arleusien s’était montré violent avec sa future victime. « C’était dans ma cour, relate le patron du débit de boisson. Il était 5 h 30, il l’a attrapée, mise à terre et rouée de coups », le tout une nouvelle fois filmé par une caméra de l’établissement. Pour Jules Cornu, une plainte avait été déposée, ce qui n’a pu être vérifié. « Moi, j’ai fait une main courante. Je suis responsable quand un employé se fait maltraiter dans ma cour. »
Lorsque, début 2018, Pascaline quitte le domicile familial pour se réfugier chez sa mère, elle le fait après une scène d’une rare violence. Une dispute dégénérant en pleine journée, l’habitante se sauve devant un homme la poursuivant avec un gros morceau de bois en main. Elle a tout juste le temps de monter dans sa voiture, la bûche s’écrase sur le pare-brise. Pascaline trouve refuge à la mairie, quand son époux demeure enfermé tout l’après-midi.
Trop d’alertes ignorées, pour les proches de Pascaline
Les proches de Pascaline déplorent que les multiples excès dont son ex-conjoint s’est rendu coupable les années précédant l’issue fatale de leur relation n’aient pas été pris davantage en compte par les forces de sécurité et la justice. « Tout le monde savait. On ressent de l’impuissance, une injustice », lâche une amie. Les gendarmes étaient là quand l’Arleusienne a dû quitter précipitamment le domicile familial en janvier 2018. « C’est à elle qu’on a demandé de se presser de mettre des affaires dans un sac et de partir », ajoute cette proche, l’agresseur laissé dans sa maison, au milieu de ses armes de chasse.
La sexagénaire avait déposé deux plaintes en zone police, en 2017, puis en 2018, les deux pour harcèlement, la seconde classée sans suite en 2019. Quant à la première, il ne nous a pas été possible de savoir ce qu’elle était devenue, si ce n’est qu’elle a transité par la gendarmerie de Phalempin, selon le commissariat de Lens. Des mains courantes auraient par ailleurs été déposées. Les témoignages recueillis en évoquent d’autres, en zone gendarmerie, de même que, d’après une amie, une plainte, finalement retirée, de Pascaline. Toutefois, le commandement de la gendarmerie d’Arras assure n’avoir pris ni plainte ni main courante de la part de la victime. Le patron du Flash bar, qui craignait pour sa vie, a quant à lui déposé une main courante à la police, comme une de ses employées.