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La dernière sortie du Conseil de l'ordre des avocats gabonais a été diversement appréciée jusque dans les rangs de la profession © DR

Gabon : Taxé de corporatisme, le Barreau prié de faire le ménage dans ses rangs et d’écarter les brebis galeuses

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La sortie des avocats du Barreau du Gabon ce mercredi contre les propos du procureur de la République le 7 février dernier mettant « en garde toutes les personnes, y compris les avocats des personnes incarcérées (dans le cadre de l’opération Scorpion), quant aux dérives actuellement observées et à la diffusion d’informations mensongères dans le but de créer l’émoi au sein de la population et de ternir l’image de la Justice et des services pénitentiaires » n’est pas du goût de tout le monde. Y compris dans les rangs de la profession.

Suite aux accusations sans preuves de torture supposément infligée en prison sur deux des prévenus de l’opération anti-corruption Scorpion (Patrichi Christian Tanasa et Justin Ndoundangoye) fin janvier dernier faites par leurs avocats (lire ici et ici), le procureur de la République, André Patrick Roponat, avait mis en garde dans une intervention publique toute personne, y compris des avocats, se livrant à « la diffusion d’informations mensongères ». Ce faisant, le procureur semblait être dans son rôle de préservation de l’ordre public.

Mais sa sortie n’a pas été du goût de la profession. « Le Barreau du Gabon a été particulièrement choqué par de tels propos », avait rétorqué quelques jours plus tard, mercredi 12 février, Me Lubin Ntoutoume du Conseil de l’ordre des avocats, menaçant même de « suspendre la participation des avocats aux sessions criminelles à venir » s’il n’était pas fait droit à « sa demande l’ouverture d’une enquête complémentaire » sur les faits de torture allégués par certains de ses confrères.

Cette position, très tranchée, est toutefois loin d’être partagée par l’ensemble des professionnels du droit, y compris chez les avocats, à l’instar de cette robe noire expérimentée qui officie au Barreau de Libreville depuis plus de 30 ans. « Cette affaire me pose deux problèmes » explique-t-il. « D’une part, à l’appui de ces allégations, qui sont particulièrement graves, d’actes torture, aucune preuve matérielle, ni même aucun témoignage n’est rapporté, si ce n’est celui de l’intéressé et de son avocat. D’autre part », poursuit-il, « le Barreau demande l’ouverture d’une information judiciaire. Soit. Mais encore une fois, sur la base de quels éléments ? Des faits rapportés par l’avocat et son client ? En somme, c’est comme si on inversait la charge de la preuve. C’est à la défense (l’Etat en l’occurrence) de faire la preuve de son innocence et non à l’accusation ? C’est une inversion complète de la procédure, totalement contraire à notre droit, à laquelle je ne souscrits pas », cingle cet avocat.

Une défense jugée caricaturale et corporatiste 

Un point de vue partagé par l’un de ses confrères, la petite quarantaine, inscrit lui au Barreau de Port-Gentil. « Personnellement, je n’ai pas apprécié la sortie du Procureur que j’ai trouvé trop véhémente. Mais la réplique du Barreau n’est, selon moi, en rien convaincante. On peut défendre nos membres quand ils sont mis en cause mais les dédouaner a priori alors que leur comportement n’est pas dénué de tout reproche, c’est une erreur », s’insurge-t-il, rappelant lui aussi qu’en l’espèce, les avocats n’apportent pas la moindre preuve à l’appui de leurs accusations pourtant particulièrement graves.

Selon lui, le problème se situerait au niveau du Conseil de l’ordre. « Il y a manifestement un problème avec le Conseil de l’ordre. Plutôt que de prendre des positions aussi caricaturales et de prêter ainsi facilement le flanc à la critique de corporatisme, le bâtonnier et ses adjoints feraient mieux de balayer devant leur porte et d’écarter les brebis galeuses. Car, c’est un tabou dans la profession, mais chacun sait qu’il y en a. Il y aurait besoin, sinon de faire le ménage, à tout le moins d’en rappeler certains à l’ordre », lâche-t-il, un brin dépité.