Pete Buttigieg, le candidat gay à la primaire démocrate qui dérange
by La rédaction de Valeurs actuellesIl rêve d'un soutien du Pape, prétend parler huit langues et copine avec Mark Zuckerberg. Inconnu ou presque il y a un an, cet ancien maire d’une petite ville de l’Indiana est une pâle copie de Barack Obama. Un énième avatar du parti du politiquement correct. Portrait.
Son nom est aussi imprononçable que ses chances de victoire sont imprévisibles. Pete Buttigieg est le nouvel outsider dans la course aux primaires démocrates à neuf mois de l’élection présidentielle américaine. Ce mercredi, après avoir gagné de justesse dans l’Iowa, le candidat a failli devancer le favori Bernie Sanders dans le New Hampshire, un État enlevé par son rival avec 22 points d’avance il y a quatre ans. « L'ancien maire de South Bend passe une autre grosse soirée, mettant plus de vent dans les voiles de sa quête improbable », a salué David Axelrod, ancien stratège en chef du président Obama. « Bootedgeedge (Buttigieg) se débrouille plutôt bien ce soir. Et donne du fil à retordre à Bernie le fou. Très intéressant ! » a même réagi Donald Trump, sur Twitter. Un cadeau empoisonné dont il se serait bien passé.
« Lorsque les personnes de couleur craignent pour leur propre place dans leur propre pays, lorsque les nourrissons sont arrachés à leurs parents à la frontière, les enjeux ne peuvent être plus élevés. Nous devons mettre fin à l'ère de Donald Trump », a ainsi promis Pete Buttigieg, à ses partisans, fidèle à la ligne radicale de son parti. « Cette élection n'est pas seulement historique, elle est urgente. Et ce soir, nous avançons en sachant que c'est notre seul coup d’essai non seulement pour mettre fin à l'ère de Donald Trump, mais pour lancer une nouvelle ère. » S’il devait être miraculeusement choisi, Buttigieg effacerait en effet plusieurs records et deviendrait alors le premier maire élu à la tête du pays, le plus jeune locataire de la Maison Blanche à seulement 39 ans et surtout le premier président homosexuel des États-Unis.
Fan du « socialiste » Bernie Sanders
Inconnu il y a encore un an, le candidat a depuis été célébré avec son mari en une du Time, le magazine américain de gauche bien-pensant. Son titre ? « Première famille. » Adulé par la presse qui le dit « modéré », Buttigieg est en réalité le parfait représentant de son parti à la dérive. « Mayor Pete », c’est son surnom, a dirigé pendant huit ans la petite ville de l’Indiana où il est né. Issu d’une famille d’universitaires, ce jeune politicien surdoué et champion de la cause progressiste est diplômé d’Harvard et Oxford, prétend parler huit langues, dont le français, l’espagnol, l’italien, le maltais, l’arabe, le dari et le norvégien, et joue même de la guitare et du piano. Un profil privilégié et élitiste, un peu trop blanc, qui peine encore à séduire la base démocrate extrémiste et les minorités.
Pourtant, ne vous y trompez pas, Pete Buttigieg défend ouvertement les idées les plus gauchistes de son parti. Dans une ironie piquante et révélatrice, il remportait même, en 2000, au lycée, le concours d’essai national John F. Kennedy Profile in Courage, en vantant les mérites de… Bernie Sanders, qui deviendra plus tard sénateur du Vermont : « Le courage de Sanders est évident dans le premier mot qu’il utilise pour se décrire : “socialiste.” Dans un pays où le communisme est toujours le plus gros des gros mots idéologiques, dans un climat où même le libéralisme est considéré comme radical, et le socialisme est immédiatement et peut-être volontairement confondu avec le communisme, un politicien ose se dire socialiste ? Il le fait en effet », louait-il, admiratif. Vingt ans plus tard, “Wall Street Pete” et son opposant s’écharpent par supporters et médias interposés.
Un programme progressiste assumé
Comme ses rivaux démocrates, Pete Buttigieg est évidemment vent debout contre la politique anti-immigration stricte de l’administration républicaine. « L’imagination du président Trump concernant une stratégie de sécurité nationale est un grand mur et un fossé plein d’alligators. C’est une approche digne du 17e siècle… », a-t-il ainsi dénigré. Au soir de la primaire du New Hampshire, il lançait au contraire et en espagnol aux jeunes clandestins : « Nous célébrons votre appartenance à ce pays et, oui, ce pays est aussi le vôtre. » Auparavant, il avait déjà appelé le jour de Noel à célébrer Jésus « non pas comme citoyen mais comme réfugié », promis des soins de santé aux illégaux et même aidé à créer un système d’alerte automatique leur permettant d’être informés de l’arrivée de la police pour mieux les protéger dans sa ville.
« J’ai parfois l’impression de me sentir comme un étranger dans mon propre pays », a remarqué le candidat démocrate homosexuel.
En fait, Buttigieg coche toutes les cases du progressisme bon teint. Il entend ainsi légaliser les clandestins par millions, socialiser totalement le système de santé, démanteler « les systèmes et structures racistes » qui discriminent les communautés noire et LGBT, nommer un cabinet paritaire ou mieux à « majorité féminine », aggraver le contrôle des armes à feu, renforcer le droit à l’avortement (malgré les critiques de son beau-frère pasteur évangélique), décriminaliser la possession de drogues (donc libérer 74 000 trafiquants des prisons fédérales) et lancer un plan d’un trillion de dollars pour lutter contre le réchauffement climatique, accusé d’avoir causé… la guerre en Syrie et les feux en Australie, voire « de futures guerres climatiques », dans un défi historique « peut-être plus difficile encore » que la Seconde Guerre mondiale !
Une carrière militaire enjolivée
En politique étrangère, ses positions pacifistes à tout crin sont toutes aussi candides et irresponsables. En janvier, après avoir critiqué l’assassinat du puissant général iranien Soleimani, considérant qu’« éliminer un méchant n'est pas nécessairement une bonne idée » (le triste sire a causé la mort de plus de 600 soldats américains et blessé des milliers d’autres), Pete Buttigieg accusait carrément Donald Trump d’être responsable du crash de l’avion ukrainien abattu par Téhéran, qui visait au même moment des bases américaines en Irak. Une dénonciation reprise aussitôt en chœur par le régime terroriste des Mollahs. « Ils deviennent des apologistes pour les méchants et c'est affligeant. Buttigieg, que voulait-il que le président fasse ? Inviter Soleimani dans sa cave à vin ? » tançait alors Kellyanne Conway, conseillère de Donald Trump.
Pour sa défense, le candidat démocrate se prévaut de son passé dans l’armée et assure même avoir « plus d'expérience militaire que quiconque est entré dans le Bureau ovale depuis le président George H. W. Bush ». La réalité est pourtant moins glorieuse que la légende relayée complaisamment par les médias énamourés. Pete Buttigieg a rejoint la réserve de la Navy, en 2009, comme officier de renseignement, par une voie détournée, une commission directe lui évitant le parcours du combattant, les entraînement aux armes et toutes autres évaluations. Déployé en Afghanistan, en 2014, il n’y aura aussi passé que cinq mois à ne pas faire grand-chose loin du front. Son service comme lieutenant a pris fin en 2017. « Exposé au danger », il osera malgré tout affirmer plus tard avoir souffert, durant un an, de « dépression », à son retour.
Son problème avec les noirs
Décidément en délicatesse avec la vérité, Pete Buttigieg collectionne également son lot de scandales personnels. Passé par la société de conseil McKinsey & Company, à Chicago, le candidat a accepté plus de 30 000 dollars de dons de la part de 39 lobbyistes avant de les rembourser face au tollé. A South Bend, il avait aussi dû rétrograder son chef de la police et limoger le directeur de la communication pour avoir enregistré illégalement des appels d’officiers blancs soi-disant racistes. Le candidat a même dû suspendre sa campagne pour gérer en urgence la mort d’un administré noir, tué par un policier blanc, s’attirant les foudres sur le manque de diversité dans la police. Quelques années plus tôt, il s’était déjà excusé d’avoir employé l’expression « toutes les vies comptent » au lieu de « toutes les vies noires comptent », du nom du mouvement racialiste d'extrême gauche.
« En tant que personne gay, c'est quelqu'un qui vient d'une communauté marginalisée, les gens d'autres groupes ethniques peuvent donc s'identifier à lui, même s'ils ne sont pas gays, parce qu'ils savent ce que c'est… », explique l’acteur Robert de Niro, soutien de Pete Buttigieg.
Aujourd’hui, Pete Buttigieg a beau alléguer que « le racisme systémique a sans aucun doute pénétré tous les niveaux de notre système et ma ville n’est pas immunisée », il peine toujours à convaincre les minorités noire et latino. Pour renverser la tendance, sa campagne a donc diffusé une liste de 400 soutiens afro-américains en Caroline du Sud, sauf que la tentative a misérablement échoué. Parmi eux, 42% étaient blancs, beaucoup ne le soutenaient pas bien au contraire et la photo qui illustrait la publicité avait été prise au Kenya ! Prêt à tout, il a même cru utile d’affirmer à tort que James Bond n’est pas « intrinsèquement blanc ». Surtout, son homosexualité n’arrange rien à son affaire, la communauté noire étant l’une des plus hostiles au mariage gay du pays ; elle serait même un frein pour 41% des électeurs noirs, indique un récent sondage.
Zuckerberg, De Niro, le Pape…
A gauche et dans son parti, certains ont accablé Pete Buttigieg pour avoir comparé les discriminations subies par la communauté LGBT avec la lutte pour les droits civiques. D’autres l’ont aussi accusé de racisme pour avoir évoqué… « les valeurs de l’Amérique profonde ». C’est peu dire, pourtant, que le candidat a multiplié les gages en matière de politiquement correct, affirmant que le passé des États-Unis « n’a jamais été aussi grand qu’annoncé », militant pour l’abolition de la peine de mort et l’indemnisation des descendants d’esclaves, ou approuvant les appels à débaptiser les monuments nommés en l’honneur de l’ex-président Thomas Jefferson. « Les gens qui ont écrit la Constitution n’ont pas compris que l’esclavage était une mauvaise chose », a même osé Buttigieg, dans un mensonge historique éhonté.
A défaut de satisfaire la base démocrate, le candidat suscite sans peine l’admiration des élites blanches progressistes. Pete Buttigieg a d'ailleurs reçu l’appui de plusieurs riches familles de la Big Tech, ces grandes entreprises de l’industrie des technologies et de l’information. Une levée de fonds a notamment réuni, en Californie, le PDG de Netflix, l’épouse du cofondateur de Google et la sœur de la directrice des opérations de Facebook (Zuckerberg a aussi conseillé Buttigieg en secret), soit une fortune combinée de 80 milliards de dollars. Au total, 39 milliardaires ont ainsi contribué à sa campagne en 2019. Les stars d’Hollywood ne sont pas en reste, comme les acteurs Robert de Niro, Sharon Stone et Kevin Costner, séduites par la perspective d’un président gay. Mais Buttigieg l’ambitieux voit plus grand. « Le Pape, je veux le soutien du Pape », a-t-il plaisanté.
« Le premier président gay ? »
Élevé en catholique et désormais épiscopalien, le candidat assume en tout cas sans complexe son homosexualité, révélée dans une tribune en 2015. Un « arrêt de mort de ma carrière », pensait-il alors, devenu depuis son principal atout dans la presse. « Le premier président gay ? » fantasmait même, un an plus tard, un chroniqueur influent du New York Times. « Nous avons probablement déjà eu d’excellents présidents gays, nous ne les connaissons pas… », a simplement relevé Buttigieg, en réponse aux éventuelles attaques du camp républicain. Le candidat, marié en 2018 avec un enseignant rencontré sur une application, n’a pas hésité d’ailleurs à s'en prendre directement aux opinions conservatrices du vice-président Mike Pence, au lancement de sa campagne, en avril dernier. « Si vous avez un problème avec ce que je suis - votre problème n'est pas avec moi, mais avec mon créateur », lui a lancé Pete Buttigieg au cours d'une réunion LGBT.
« Je ne me présente pas pour être le président gay des États-Unis. Je me présente pour être un président pour chacun », affirme Pete Buttigieg, qui y voit « un sens de l’humour de Dieu ».
L’ancien maire de South Bend et l’ex-gouverneur de l’Indiana se connaissent et s’apprécient pourtant depuis des années. « Il a dit des choses qui critiquent ma foi chrétienne et à mon sujet. Il le sait bien. Il me connaît, a réagi Mike Pence. Mais je comprends. 19 personnes qui se présentent à la présidence dans un parti qui glisse vers la gauche. Ils sont tous dans la surenchère... » Une dérive qui n’épargne pas Donald Trump, que Pete Buttigieg qualifie sans vergogne de « nationaliste blanc », au comportement « criminel », aux partisans « racistes » et aux promesses « toutes rompues ». Et de diaboliser : « Nous avons fait face à de nombreux défis, mais celui qui a presque mis fin à ce pays lors de la guerre de Sécession était la suprématie blanche. Ce pourrait être le problème qui achève ce pays à l'avenir, si nous ne l’affrontons pas aujourd’hui. »
Une « erreur » de casting
Prêt à voter pour un candidat homosexuel, le président des États-Unis aime, lui, ridiculiser l’impétrant progressiste en manque d’expérience, de notoriété et de charisme. Au point de le comparer à Alfred E. Neuman, la mascotte du magazine d’humour Mad, aux oreilles décollées. « Je rêve de lui, a même lancé Donald Trump à ses supporters, lors d’un meeting en décembre dernier. C’est vrai. » En revanche, au Parti démocrate, c’est l’inquiétude qui prédomine. « Obama est profondément sceptique quant aux perspectives du maire Pete Buttigieg », a confié un des plus proches conseillers de l’ancien président. « Nous aurons besoin d’un commandant en chef prêt à entrer dans le Bureau ovale dès le premier jour », a renchéri depuis une conseillère de son ex-vice-président et concurrent, Joe Biden, pour qui ce choix est « une erreur ».
L’outsider à l’allure de gendre idéal n’est pourtant pas sans rappeler le premier président afro-américain. Comme lui, Pete Buttigieg parle d’« espoir », veut « unifier » les Américains et « tourner la page ». Mais il n’est encore, pour le moment, que « le maire le plus intéressant dont vous n’avez jamais entendu parler », dixit le Washington Post. Une pâle copie sans relief. Dernièrement, sa campagne a ainsi dû ajouter de faux applaudissements à une de ses vidéos de propagande, histoire d’y croire. En tête du nombre de délégués (22 sur 3979) en ce début des primaires, Buttigieg est à la traîne à l’échelle nationale (10,6%, selon RealClearPolitics) et figure en 4e position des favoris (1 chance sur 25, selon FiveThirtyEight). La signification de son patronyme d’origine maltaise, qui se prononce « Boot-edge-edge », ne fait rien pour aider : « Éleveur de volailles. »