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La justice turque met un terme à trois ans de poursuites contre la romancière devenue un symbole.

La romancière turque Asli Erdogan acquittée !

La justice turque met un terme à trois ans de poursuites contre la romancière turque devenue un symbole.

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Elle attendait ce jour depuis trois ans, ce procès sans arrêt reporté s'est enfin tenu ce matin à Istanbul. Acquittée. Telle est enfin la décision de la justice turque, qui a lavé Asli Erdogan des accusations de « tentative de porter atteinte à l'intégrité de l'État » et d' « appartenance à un groupe terroriste », abandonnant les poursuites pour « propagande terroriste ». Une victoire des droits de l'homme sous le régime du président Erdogan. Celle qu'on espérait au moment où un autre écrivain et journaliste, Ahmet Altan, fut libéré sous contrôle judiciaire, et qui fut démentie huit jours après lorsqu'il fut de nouveau remis en prison.

Outre la romancière, le tribunal a acquitté deux autres personnes, dont la linguiste Necmiye Alpay, jugée avec elle dans le procès du journal Ozgür Gündem et dont elle a partagé la cellule, comme elle nous le racontait lorsque de notre rencontre en Allemagne.

Liberté

Asli Erdogan avait été prévenue seulement quinze jours en amont, justement pour ne pas avoir le temps de préparer sa défense, pense-t-elle. Dans la lettre qu'elle a adressée à l'opinion internationale le 28 janvier à l'approche de cette nouvelle échéance, elle précisait le nouveau motif du nouveau procureur qui se penchait sur le dossier du journal prokurde auquel elle a collaboré :

« Il a demandé que les rédacteurs en chef, ainsi qu'Eren Keskin, président de l'Association des droits humains et ancien rédacteur en chef soient jugés pour avoir été membres du PKK (jusqu'à 15 ans d'emprisonnement). Il a aussi demandé une peine de prison de 2 à 9 ans pour moi, pour quatre articles que j'ai écrits, disant qu'il s'agissait de propagande. » Articles que l'on peut retrouver dans le recueil Le silence n'est plus à moi, paru chez Actes Sud, et d'ailleurs publié par la suite en Turquie sans poursuites…

Libérée en décembre 2016, après plus de 130 jours de détention, Asli Erdogan, placée sous contrôle judiciaire, vit en résidence à Francfort. Depuis l'automne dernier, elle était placée sous protection judiciaire, après avoir été la cible de menaces émanant de ses détracteurs en Turquie. Venue à Paris dès la veille du procès pour ne pas vivre seule cette attente, elle y est entourée par ses soutiens et amis, qu'il s'agisse des membres du prix Simone de Beauvoir qu'elle a reçu en 2018, des éditions des Femmes, du Pen club (grâce auquel elle a été accueillie en Allemagne) et, bien sûr, des éditions Actes Sud, qui publieront en avril Requiem pour une ville perdue, « un superbe texte poétique, incantatoire où la romancière déploie tous ses thèmes et revient sur la douleur d'être une femme au Moyen-Orient… », nous indique son éditeur Timour Muhidine.

Ville retrouvée ?

On ne sait encore quand la romancière décidera de rentrer au pays, retrouver sa mère et les 3 000 livres de son appartement dont elle a tant dit qu'ils lui manquaient, ou si elle passera quelque temps en France ? Sa dernière intervention en tant qu'écrivaine est toute récente : une revisite de l'enlèvement au sérail de Mozart, avec le metteur en scène belge Luk Perceval qui s'est donnée au Grand Théâtre de Genève début février. Asli Erdogan a souffert de nombreux problèmes de santé ces derniers temps. Elle fêtera ses 52 ans le 7 mars prochain. Sa mère, Mine Aydostlu, a fait part de sa surprise après l'énoncé du verdict. « Croyez-moi, je suis très heureuse. C'est ce que je voulais, mais j'ai eu du mal à y croire. J'ai dû demander plusieurs fois si elle avait réellement été acquittée », a-t-elle dit à l'AFP. « J'ai fini par l'accepter après avoir entendu le mot "acquitté" neuf ou dix fois ! » a-t-elle ajouté avec un large sourire.