Turquie: la romancière Asli Erdogan acquittée dans un procès pour « terrorisme »
Un tribunal d’Istanbul a acquitté vendredi la romancière turque Asli Erdogan à l’issue d’un procès controversé pour « activités terroristes », une affaire qui a suscité l’inquiétude de la communauté internationale.
Le tribunal a acquitté la romancière des accusations de « tentative de porter atteinte à l’intégrité de l’Etat » et d' »appartenance à un groupe terroriste », et ordonné l’abandon des poursuites pour « propagande terroriste », selon une correspondante de l’AFP.
Ce procès était très suivi par les ONG et les observateurs étrangers qui y voyaient un symbole de la dérive autoritaire du pouvoir turc après une tentative de coup d’Etat visant le président Recep Tayyip Erdogan en juillet 2016.
Auteure de plusieurs romans traduits à l’étranger, lauréate 2018 du prix Simone de Beauvoir pour la liberté des femmes, Asli Erdogan était jugée pour avoir collaboré au journal prokurde Ozgür Gündem, fermé par décret en 2016.
Les autorités turques accusaient Asli Erdogan d’avoir, en collaborant à Ozgür Gündem, aidé le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe armé qui mène une sanglante guérilla en Turquie et est qualifié de « terroriste » par Ankara.
La romancière âgée de 52 ans, qui ne réside plus en Turquie mais en Allemagne, n’était pas présente à l’audience vendredi.
Sa mère, Mine Aydostlu, a fait part de sa surprise après l’énoncé du verdict. « Croyez-moi, je suis très heureuse. C’est ce que je voulais, mais j’ai eu du mal à y croire. J’ai dû demander plusieurs fois si elle avait réellement été acquittée », a-t-elle dit à l’AFP.
« J’ai fini par l’accepter après avoir entendu le mot +acquittée+ neuf ou dix fois! », a-t-elle ajouté avec un large sourire.
Selon son avocat, la romancière suit un traitement médical en Allemagne et pourrait rentrer en Turquie une fois que celui-ci sera achevé.
« Elle est malade et ne peut pas trop se déplacer. Elle ne rentrera pas aujourd’hui en Turquie, mais elle rentrera, bien sûr, c’est son pays, sa patrie », a déclaré Me Erdal Dogan.
– « Textes littéraires » –
Dans un texte lu par son avocat lors de l’audience vendredi, Asli Erdogan a estimé que l’accuser sur la base « de textes littéraires est une chose que la raison peut difficilement accepter au 21e siècle » et que cela revient à « piétiner les valeurs sur lesquelles reposent le droit et la littérature ».
Elle a en outre souligné que le caractère politique de ses écrits pour Ozgür Gündem « se limitait à (la dénonciation des) violations des droits humains » et réclamé son acquittement.
L’arrestation et la détention pendant plus de 130 jours en 2016 d’Asli Erdogan ont suscité une vague d’indignation à travers le monde.
Libérée en décembre 2016, elle avait dû attendre septembre 2017 pour récupérer son passeport et pouvoir quitter la Turquie.
Pour les ONG, son procès était emblématique des atteintes croissantes à la liberté d’expression en Turquie, en particulier depuis la tentative de coup d’Etat du 15 juillet 2016.
Après le putsch manqué, le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan a mené une répression implacable qui n’a pas épargné les intellectuels et les médias, comme le quotidien d’opposition Cumhuriyet dont plusieurs journalistes ont été condamnés pour « terrorisme ».
Dans un entretien avec l’AFP en 2018, Asli Erdogan faisait part de son inquiétude au sujet de la situation dans son pays, qualifiant de « fasciste » le gouvernement actuel.
Asli Erdogan n’a aucun lien de parenté avec le président Erdogan.
Outre la romancière, le tribunal a acquitté deux autres personnes, dont la linguiste Necmiye Alpay, jugées avec elle dans le procès Ozgür Gündem.