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Des femmes payées pour être inséminées artificiellement et étudier les embryons

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La méthode choisie pour effectuer une étude scientifique pose de nombreuses questions éthiques. Des femmes ont été inséminées artificiellement et les embryons ont ensuite été expulsés pour être étudiés.

Santiago Munne, un chercheur hispano-américain, a mené une étude controversée au Mexique. Moyennant rémunération, il a demandé à 81 femmes de se porter volontaires pour une insémination artificielle. Les embryons ainsi conçus ont ensuite été expulsés de leur corps pour être étudiés d'un point de vue génétique. Certains ont ensuite été implantés chez des femmes ayant des problèmes de fertilité, ce qui a conduit à trois grossesses, tandis que les autres ont été congelés avec ce même objectif.

L'objectif était d'étudier une méthode plus simple et moins onéreuse que la fécondation in vitro (FIV) aux couples qui rencontrent des problèmes d'infertilité. Les résultats ont été publiés dans la revue Human Reproduction en janvier 2020 et "nous avons maintenant une méthode qui peut produire des embryons de bonne qualité ou de meilleure [qualité] que la fécondation in vitro", se félicite le scientifique. Cependant, la façon dont la recherche a été effectuée, pose de nombreuses questions éthiques.

Des méthodes "profondément dérangeantes"

Les instances universitaires ont salué les résultats de l'étude. Néanmoins, d'autres voix se sont élevées pour dénoncer la façon dont elle avait été menée. Cela ne revient-il pas à exploiter le corps de femme et à le traiter comme un cobaye ? "Je pense que cette recherche est contraire à l'éthique", critique Laurie Zoloth, bioéthicienne à l'Université de Chicago, au micro de la radio américaine NPR. Elle ajoute "qu'il y a quelque chose à ce sujet qui semble profondément dérangeant", estimant que cela revient à manipuler le corps des femmes "comme on le ferait d'une boîte de Pétri", soit d'un contenant utilisé par les biologistes pour la mise en culture de micro-organismes. "Plutôt que d'utiliser l'éprouvette de laboratoire, on utilise l'utérus d'une femme qui sert un peu de donneuse initiale dont on recueille l'embryon. Cela s'apparente à une utilisation - très transitoire - de l'utérus d'une femme donneuse. Il ne s'agit toutefois pas de femme porteuse comme pour les GPA", estime de son côté le député LREM Jean-Louis Touraine, rapporteur de la loi bioéthique, professeur de médecin et praticien hospitalier, dans Le Figaro.

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Laurie Zoloth souligne par ailleurs que les femmes ont été payées 1400 dollars, soit plus l'équivalent de plus de deux fois le salaire moyen de la région de Nayarit, où elles ont été recrutées, ce qui pose la question d'un réel volontariat. "C'est important : à Nayarit, l'hôpital de Punta Mita a autorisé cette instrumentalisation du corps des femmes, prenant place dans le cadre d'une expérience non éthique", alerte ainsi la journaliste indépendante féminine Mariana Límon.

Du côté de la revue Human Reproduction, le rédacteur en chef reconnaît que certains aspects du protocole ont de quoi faire "lever les sourcils". Cependant, C.B Lambalk ajoute que l'étude n'a été publiée qu'"après avoir vérifié que la recherche avait été soigneusement menée" et que "les résultats pourraient être utiles". Le ministère de la Santé de l'état de Nayarit partage le même avis. De son côté, Santiago Munne affirme avoir reçu la validation de différents comités d'éthique.

Un processus moins cher ?

Pour le chercheur, analyser des embryons "conçus naturellement" avec des tests génétiques "pour voir s'ils sont normaux, affectés ou non", sans passer par un processus de fécondation in vitro serait moins onéreux et prendrait moins de temps qu'une FIV classique. Pour lui, "il n'y a pas de différence entre un don d’ovocytes et ce que nous avons fait ici", d'autant que cela serait plus efficace qu'une fécondation in vitro. "Dans des conditions naturelles, ne s'implantent que les embryons sans grosses anomalies chromosomiques, il y a une sorte de filtre naturel. Or en laboratoire, lors d'une FIV, à moins de faire des tests génétiques, on n'élimine pas ces anomalies, et l'embryon mal formé ne peut s'implanter dans l'utérus", explique ainsi Jean-Louis Touraine.

Cependant, il juge que cette étude n'est pas "éthiquement acceptable" : "On n'a pas besoin de passer par des femmes devant porter ces embryons. On peut faire des recherches sur des embryons surnuméraires en laboratoire". Il ajoute que "l'idée de vouloir diminuer le prix ne me semble pas non plus être une justification suffisante". Le député conçoit toutefois qu'il faut "faire des recherches pour améliorer l'efficacité des FIV", notamment parce qu'"en France, on ne peut pas sélectionner les embryons si on ne sait pas que la famille a une maladie génétique connue. On s'expose donc à des taux très élevés d'échecs de FIV".