Pourquoi la pénétration n’est plus au centre de ma vie sexuelle

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Pendant 5 ans, la pénétration était au centre de la vie sexuelle de cette madmoiZelle. Un jour, elle a eu une révélation, et elle s'est rendu compte des automatismes dans lesquels elle était enfermée.

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©Charles/Unsplash

LA PÉNÉTRATION PÉNIS-VAGIN.

Le Saint-Graal, la sacro-sainte pratique sexuelle de notre monde hétéronormé sans laquelle un rapport sexuel n’est pas considéré comme du « vrai sexe ».

Ou en tout cas, c’est la conception que j’ai toujours eu en tête, moi, jeune femme aimant les garçons.

Cette conception, il m’a fallu des années pour la déconstruire, et aujourd’hui c’est chose faite, et dans mon couple, la pénétration s’est vite retrouvée reléguée au second plan.

Étape 1 : ma prise de conscience sur ma sexualité

J’ai 25 ans, et cela ne fait que 4 ou 5 ans que j’ai fait ce constat horrible : la pénétration vaginale ne me satisfait que très peu physiquement et je la pratique principalement pour faire plaisir à mes partenaires.

Et pourtant, avant 20 ans, je n’avais jamais questionné cet automatisme dans ma vie sexuelle.

Pourquoi est-ce que quand je me masturbe, je ne me pénètre jamais, ni avec des objets, ni avec mes doigts, alors que quand je suis avec un mec, je n’envisage pas le sexe sans ?

Il est très (pour ne pas dire très très très très très très) rare que j’atteigne l’orgasme avec une pénétration vaginale, quand bien même elle peut être agréable.

Alors pourquoi est-ce que les dites « préliminaires » qui me donnent plus de plaisir que le reste sont toujours si secondaires ?

Toutes ces questions, cela m’a fait beaucoup de mal de me les poser.

Je suis heureuse d’évoluer dans un environnement qui me permet de remettre en question mes automatismes pour avoir plus de prise sur mes choix et mon intimité.

Mais parfois, quand tout s’ébranle… c’est un peu dur à encaisser, même si c’est pour le meilleur.

Tout d’un coup, j’ai vu toute ma vie sexuelle défiler devant mes yeux, et je me suis sentie bête de n’avoir jamais questionné l’automatisme de la pénétration.

Pour autant, j’ai toujours considéré que j’étais épanouie sexuellement : j’avais toujours eu des partenaires sexuels à l’écoute, respectueux, gentils…

Mais toutes ces qualités n’empêchent pas d’être coincé dans les schémas préétablis des relations hétérosexuelles qui dictent que :

Le cunni, c’est une pratique préliminaire qui n’a pas lieu d’être après la pénétration et l’éjaculation masculine.
Et si madame n’a pas joui, et bien ce sera (peut-être) pour la prochaine fois.

Si moi-même je n’avais jamais interrogé ces évidences, pourquoi mes partenaires masculins l’auraient-ils fait ?

Étape 2 : la colère

Après avoir réalisé que du haut de ma grande gueule et ma sexualité libérée je n’étais finalement pas si libre que ça, j’ai vécu un petit moment de passage à vide.

À l’époque, j’étais en couple avec un garçon avec qui j’entretenais une relation plutôt toxique.

Il était toxique, et moi, il faut bien le dire, j’alimentais cette relation qui me faisait souffrir et qui ne m’apportait plus grand chose d’autre que de la tristesse.

Avec cette prise de conscience, une certaine dose de colère supplémentaire est montée en moi et a impacté notre vie sexuelle, qui était peut-être le seul paramètre dans notre relation qui fonctionnait à peu près bien.

Tout d’un coup je trouvais totalement anormal de ne pas jouir pendant chaque rapport, et je refusais que tout l’acte sexuel tourne autour de la pénétration, et de l’orgasme de monsieur.

Au lieu d’en discuter et d’amener mon partenaire dans cette nouvelle réflexion pour l’aider lui aussi à revoir ses automatismes et l’emmener vers une sexualité plus consciente et potentiellement plus heureuse…

Je me suis braquée.

Bien sûr, ma réaction à cet instant précis tenait aussi dans le fait que l’ensemble de notre relation était peu épanouissante et fonctionnelle.

Mais comme beaucoup de mes révélations féministes, elle s’est malheureusement faite dans la colère.

Étape 3 : ma rencontre avec Philippe

Heureusement, j’ai fini par mettre fin à cette terrible relation, et à partir de là, c’était le début du cercle vertueux.

J’ai été célibataire pendant près d’un an, ce qui était plutôt inhabituel et agréable pour moi. Puis au terme de cette année presque complète, j’ai rencontré l’HOMME DE MA VIE.

Oh ça va, j’ai encore le droit d’être niaise.

Philippe (qui n’est de toute évidence pas son vrai prénom) m’a tapé dans l’œil à une soirée. Il est rentré dans le salon à une heure fort tardive et alors que j’avais perdu tout espoir qu’un seul beau mec ne participe à cette soirée.

Il est rentré, j’ai levé les yeux, il m’a tendu sa main :

« Salut, moi c’est Philippe. »

Et c’était le coup de foudre.

Ce soir-là, j’ai passé la nuit la plus apaisante de toute ma vie, à moitié nue collée contre Philippe.

Nous nous sommes embrassés, nous avons discuté, il a passé toute la nuit à me dire que j’étais magnifique, et ni lui ni moi n’avons entamé un quelconque rapprochement plus sexuel.

C’était déjà de bonne augure.

À partir de cette nuit-là, nous ne nous sommes pas quittés, et ça fait désormais huit petits mois que nous sommes ensemble.

Pour la première fois de ma vie, sans même en avoir discuté ou avoir évoqué l’injustice du schéma hétérosexuel pour la jouissance féminine… il est extrêmement rare que nous passions par la case pénétration pénis-vagin.

Étape 4 : le sexe sans pénétration pénis-vagin

Ce qui est drôle c’est que, maintenant que j’y pense en l’écrivant, il y a bien une fois où nous avons joué le pilote automatique du sexe entre un homme et une femme, et c’était le soir de notre première fois.

Cette première fois était étrange et plutôt nulle, alors que la soirée commençait très bien.

J’avais pris un Airbnb pour pouvoir éviter de dormir chez sa mère ou chez la mienne, nous avions passé une très bonne soirée à discuter, boire du vin, et dîner.

Et quand il a été tard, je crois qu’on s’est dit que c’était ce qui devait se passer :

Du sexe.

Alors nous avons fait l’amour, et pour le coup il n’y avait que ça, de la pénétration. Mais je crois que lui comme moi, nous jouions notre rôle ce soir-là.

Après cette première fois, toutes les autres ont été de mieux en mieux, et de moins en moins pénétrantes, comme ça, tout naturellement.

Philippe a pour passion le cunnilingus, et moi la fellation, et nous pouvons passer des heures (oui, vraiment des heures), à juste nous lécher, nous caresser, nous enduire d’huile et nous masser tout le corps et les parties génitales.

Bien sûr, parfois nous avons envie que son pénis rentre dans mon vagin, mais c’est juste l’envie du moment et le plaisir qui nous anime, et ce n’est jamais la pratique centrale ou finale de nos rapports, ce qui fait, de mon point de vue, toute la différence.

Parfois, il arrive que Philippe ait envie de me faire plaisir et qu’il s’occupe de moi sans jouir, parfois c’est l’inverse. Et ce n’est jamais un problème, ni dans un sens, ni dans l’autre.

Ne plus avoir de rituel pré-établi dans nos rapports, ça me donne l’impression que tout est possible, que tout peut arriver, et ça me donne plus que jamais envie de tester de nouvelles choses.

Avec tout ce plaisir, nous sommes aussi en train d’explorer le plaisir anal de Philippe, et je crois que ça participe grandement au fait qu’il ne ressente pas spécialement le besoin ou l’envie de me pénétrer.

En explorant sa prostate, il accède à une dose de plaisir nouvelle et incroyable. Il est en pleine découverte d’une nouvelle zone de son corps, pour mon plus grand bonheur, et le sien.

Redéfinir le schéma des relations hétérosexuelles

Ça peut paraître étrange, je le conçois, d’écrire tout un article sur le fait que j’ai une vie sexuelle basée sur le plaisir mutuel et non-dictée par les injonctions de la société.

Ça devrait être la norme.

Pour autant, même si j’imagine que pour plein de personnes qui liront cet article, ce que je décris est banal…

Je pense qu’il est important de rappeler que centrer sa vie sexuelle sur le plaisir de chaque partenaire et ne pas juste reproduire ce qu’on voit dans le porno ou dans les films n’est pas une évidence.

J’ai pu moi-même l’observer dans ma propre sexualité et dans mon cercle amical au fur et à mesure de mes prises de conscience féministes.

Et j’ai pu le voir quand j’ai évoqué ma vie sexuelle sans pénétration autour de moi et qu’on m’a regardée avec des gros yeux en me disant :

« Mais ça ne dérange pas ton mec ? »

Je crois que l’une des révolutions féministes de notre temps est bien une révolution de l’intime et du sexuel, et que c’est parfois là qu’il est le plus difficile de la faire.

Alors si je peux apporter ma petite pierre à l’édifice, je le fais ici avec plaisir !

Et toi, est-ce que tu as eu des prises de conscience féministes qui ont chamboulé ta vie sexuelle ?

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Philomuse

Vendredi à 19:23

Mea maxima culpa : j'ai râlé ailleurs sur l'illustration de l'article, qui est quand même très secondaire à côté de la qualité de ce témoignage. C'est vraiment intéressant à lire, et très encourageant. Bravo et merci à l'auteure !
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