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Hypnose conversationnelle et césarienne, ça matche !

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Une femme sur cinq accouche par césarienne en France et cette situation n'est pas toujours très bien vécue. Au CHU Jeanne de Flandre à Lille, l'équipe obstétricale est formée à l'hypnose conversationnelle. Objectif : faire retomber la pression chez les futures mères.

Elles ont bien de la chance les futures mamans qui accouchent à l'hôpital Jeanne de Flandre à Lille ! Sous l'impulsion de la docteure Anne-Sophie Bouthors, anesthésiste et formée à l'hypnose il y a une dizaine d'années, le personnel du service obstétrical (sage-femme, obstétricien, anesthésiste, infirmière, auxiliaire de puériculture) a désormais toutes les clés pour utiliser l'hypnose conversationnelle au bloc opératoire et bien sûr en salle de naissance. L'hypnose ? Elle permet d'accéder à un état modifié de conscience, le(la) patient(e) est là mais pas vraiment là... C'est un peu la même chose lorsqu'on lit un livre mais qu'en même temps on pense à sa liste de courses. Ou lorsqu'on joue avec son enfant et que l'esprit s'envole et vagabonde par delà les murs vers le lieu de nos prochaines vacances.

L'hypnose conversationnelle, qu'est-ce que c'est ?

D'après le site hypnose-experts.fr, "Il s'agit d'un échange entre deux interlocuteurs où l'un est un praticien professionnel et l'autre, un patient qui cherche à trouver des solutions à son trouble émotionnel. De façon générale, l'hypnose conversationnelle est une façon de mobiliser subtilement l'inconscient ou le comportement d'une personne sans qu'il s'en rende compte". Pendant un accouchement par césarienne donc, l'idée est "de détourner l'attention de la future mère de son ressenti négatif afin qu'elle se focalise sur l'arrivée du bébé et non sur ce qui la stresse" explique la docteure Anne-Sophie Bouthors. En effet, il est fréquent (mais pas toujours) que les femmes enceintes ressentent de l'anxiété, de la peur quand on leur évoque une prochaine césarienne (crainte de l'opération à venir, crainte pour la santé du bébé...) quand ce n'est pas une certaine déception de ne pas pouvoir accoucher "naturellement" par voie basse comme des milliers de femmes l'ont fait avant disent-elles. "Il est nécessaire que nous tous, personnel comme patientes, modifions notre regard sur la césarienne poursuit Anne-Sophie Bouthors. Et quand on change de regard, cela change tout... La césarienne n'est qu'un mode d'accouchement différent, par voie haute". Et on s'y prépare comme on anticipe un accouchement par voie basse, un voyage, un rendez-vous, etc. "L'idée d'accoucher, c'est déjà accoucher" ajoute notre interlocutrice. A la future maman de se créer un imaginaire autour, de se projeter sur tous les instants qu'elle va vivre, d'y intégrer son compagnon ou de les lui faire vivre : qui sera présent ? Combien de temps cela va-t-il durer ? Pourrai-je prendre mon bébé dans les bras ? Faire du peau à peau ?

En pratique, ça se passe comment une césarienne avec l'hypnose conversationnelle ?

Selon notre interlocutrice, l'accueil de la patiente (et de son compagnon) au bloc est primordial et l'hypnose conversationnelle est une manière d'être à l'autre dans l'échange. Par exemple, pour détourner son attention de "l'horrible piqûre dans le dos avec une aiguille grande comme ça" au moment de la rachi-anesthésie, on confie à la future mère le capuchon de l'aiguille en lui demandant de bien le serrer. Le simple fait d'avoir quelque chose dans les mains et d'être investie d'une "mission" fait "oublier" à la future mère ce qui est en train de se passer dans le dos. C'est le principe de la catalepsie, une technique de l'hypnose. En outre, poursuit Anne-Sophie Bouthors, "je lui décris ce que je fais, je plaisante en lui disant que la douce sensation de chaleur qu'elle ressent doit être beaucoup agréable que la chaleur de ses chaussettes..." A la fin de la pose de la rachi-anesthésie, beaucoup de femmes disent : "c'est déjà fini ? Je n'ai rien senti !"... Certes, parfois "ça" ne marche pas toujours complètement mais même si ce n'est pas parfait, elles ont été un peu occupées.
L'hypnose conversationnelle se poursuit à toutes les étapes de la césarienne et les soignants se passent le relais. Tout au long en effet, l'équipe obstétricale maintient le contact en permanence avec la future mère par la parole. Cette dernière n'a pas les bras attachés et est libre de les bouger, une couverture chauffante est posée sur elle et remontée sur sa poitrine moment de l'incision. Le champ opératoire est abaissé pour qu'elle voit son enfant naître. En bloquant sa respiration, elle envoie une pression vers le bas de son corps ce qui facilite la sortie du bébé. Ce dernier est immédiatement placé en peau à peau et maintenu par une écharpe en jersey enroulée autour du buste de sa maman. Toutes ces attentions et les paroles choisies des soignants atténuent l'ambiance (froide) de la salle d'op' et font que la femme se sent active et actrice de son accouchement. Beaucoup expliquent qu'elles ont vraiment vécu la naissance de leur enfant et qu'elles se sont senties mères tout de suite. Le bénéfice est aussi pour l'équipe obstétricale, le contact étroit avec la patiente permet de redonner du sens au soin.
Après l'opération, à Jeanne de Flandre comme dans beaucoup de maternités maintenant, on pratique la réhabilitation précoce. Ce qui signifie une reprise rapide de l'alimentation (deux heures après), un retour dans la chambre sans sonde urinaire ni perfusion, un lever six heures plus tard ... Bref, un retour rapide de l'autonomie maternelle, la maman peut alors s'occuper de son bébé comme n'importe quelle femme venant d'accoucher par voie basse.

Lorsque la césarienne est en urgence, l'hypnose conversationnelle est-elle possible ?

Il y a urgence (la césarienne d'urgence est incontournable car la dilatation stagne et/ou le bébé fatigue) et urgence (elle est vitale, pour la mère ou pour l'enfant). Chaque situation est différente mais dans le premier cas, oui, il est généralement possible d'utiliser l'hypnose conversationnelle. Certes, la future mère est parfois dans un état d'anxiété extrême, elle craint pour la vie de son enfant ou pour elle-même, elle voit que l'équipe autour d'elle se dépêche... "Il faut sortir la patiente de son stress en utilisant des paroles positives comme "on va tout faire pour que tout aille bien, vous allez nous aider. Concentrez-vous sur votre respiration, cela envoie de l'oxygène à votre bébé..." souligne Anne-Sophie Bouthors. Même principe que le serrement du capuchon de l'aiguille, on lui propose également de tenir fermement son masque à oxygène.

Et quand on n'a pas d'équipe obstétricale formée à l'hypnose conversationnelle à ses côtés ?

Nous avons tou(te)s en nous des ressources internes et personnelles qui font qu'on peut utiliser ces techniques et accéder à un état de "là-pas là". Par exemple, pourquoi ne pas emporter au bloc le doudou de votre futur bébé (ou tout autre talisman cher à votre coeur !) et le serrer dans votre main très fort en pensant à lui. Faites-vous aider par votre compagnon qui peut à chaque instant vous murmurer à l'oreille des propos rassurants ou se projeter avec vous dans l'après lorsque vous tiendrez votre enfant dans vos bras...