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Bulthaup

La Cornue, Bulthaup... quand le luxe passe en cuisine

Autrefois cachée au fond de l’appartement, la cuisine est devenue un lieu où l’on reçoit. Un changement de standing qui exige un équipement haut de gamme.


Rendez-vous avenue Sunny Isles Beach, au nord de Miami, pour admirer la tour du programme immobilier Mansions at Acqualina. Un bâtiment qui fait rêver tous ceux qui envisagent d’investir dans un refuge de grand standing. En vente : des appartements de prestige, dont un penthouse affiché à 38 millions de dollars. Pour combler les futurs habitants, chaque détail a été soigné. Parmi les plus notables, une voiture de luxe dans le garage, et, dans la cuisine… un piano La Cornue de la ligne Châteaux, du sur-mesure d’une valeur minimum de 30.000 euros, un objet de désir pour les amateurs, de plus en plus nombreux, de gastronomie faite maison.

«Autrefois, ce type de programme proposait des cuisines fonctionnelles avec de l’électroménager encastré, décrypte Camille Syren, directrice du marketing de La Cornue. Mais depuis environ trois ans, la clientèle très haut de gamme veut, dans cette pièce, le nec plus ultra en matière d’équipements, de mobilier, d’accessoires. Le luxe est présent jusque dans les interrupteurs.» Cette tendance est une aubaine pour La Cornue, qui pourrait afficher fin 2019 une croissance de son chiffre d’affaires de 10% et qui voit sa production de fourneaux Châteaux, fabriqués à Saint-Ouen-l’Aumône par trente compagnons, augmenter régulièrement. Environ 800 pièces sont ainsi sorties de l’atelier cette année.

Ce succès a donné des idées à d’autres acteurs du marché comme Enodis, entreprise française détenue à 100% par la famille Houpert et qui équipe les plus grands étoilés comme Thierry Marx ou Frédéric Anton. Référence de la restauration, la marque se lance sur le marché des particuliers, signe qu’il y a bien sur ce créneau de nouvelles opportunités de développement. «Les gens qui gagnent très bien leur vie ont tout expérimenté : voyages au bout du monde, plages paradisiaques, grandes tables…

Le bonheur pour eux est désormais de se retrouver entre copains autour d’une bonne bouteille et d’un bon plat. On revient donc à la maison, constate François Houpert, P-DG d’Enodis. Voilà pourquoi, depuis environ trois ans, nous réfléchissons à des solutions pour les particuliers qui allient une esthétique adaptée à leurs attentes à une technologie de pointe permettant des cuissons précises et un nettoyage aisé.» Enodis souhaite ainsi permettre à une population en quête d’expériences plus authentiques de reproduire l’atmosphère d’un repas à la table d’hôtes des chefs, celle nichée au coeur du laboratoire et réservée à quelques VIP et privilégiés.

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© Enodis

Abdu Gnaba, anthropologue spécialiste de la société de consommation, confirme ce besoin de renouer avec l’hospitalité et le chez-soi. Selon lui, dans un monde agité, se reconnecter avec le sensoriel est nécessaire pour se rassurer, et cela quelle que soit sa classe sociale. Il insiste également sur l’évolution de la pièce cuisine au fil des époques. «Historiquement, c’est dans le monde ouvrier ou rural que la cuisine occupait une place centrale, raconte- t-il.

Dans l’architecture haussmannienne, elle était au contraire cachée au bout de l’appartement. Or dans les années 1980, dans un contexte de spéculation immobilière, les promoteurs ont introduit la cuisine américaine, ouverte, pour rendre attractifs des appartements plus petits. Faire de la cuisine un lieu de vie a permis de contrebalancer la perte de mètres carrés. Et, peu à peu, cette structure est devenue un signe de modernité.»

Tous les symboles de classe, de l’électronique au mobilier design, se sont ainsi déplacés des pièces comme le salon, où traditionnellement on recevait, à la cuisine, aujourd’hui coeur de la maison. D’ailleurs, Cyril Leperck, country manager France Nord de Bulthaup, ne parle plus de cuisine ni de salle à manger. Il préfère utiliser la formule «zones de convivialité». A ces mutations structurelles, il faut ajouter la starisation des chefs et la volonté de cuisiner plus sainement, un souhait que doivent prendre en compte les architectes d’intérieur comme Stéphanie Coutas. «Ma clientèle se divise en deux typologies, détaille-telle. L’une a du personnel et veut une cuisine grande et efficace. Son intérêt pour l’esthétique est moindre. L’autre, de plus en plus nombreuse depuis trois ans, attache une grande importance à l’art de vivre et est prête à investir pour avoir une cuisine adéquate. Elle est attirée par des modes de cuisson sans gras et veut, par exemple, des plaques de “teppanyaki”, des woks intégrés, des fours vapeur, et elle est aussi sensible aux idées sophistiquées permettant d’insuffler une atmosphère agréable. Les trentenaires à hauts revenus sont leaders en la matière : ils aiment faire à manger et montrer leur savoir-faire.»

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Stéphanie Coutas : du sur-mesure pour clients exigeants. Cette architecte d’intérieur, spécialisée dans l’ultraluxe, note une évolution dans les demandes de ses clients : même s’ils ont du personnel, ils veulent des cuisines accueillantes , des pièces de vie. - © Francis Amiand

Chez Le Berre Vevaud, agence d’architecture d’intérieur menée par Raphaël Le Berre et Thomas Vevaud, voilà déjà quinze ans que la cuisine est pensée pour remplir différentes fonctions, de la préparation des repas en famille en passant par les dîners plus mondains. Le duo la conçoit selon les exigences de ses clients et souvent dans un esprit modulable, avec des jeux de claustras, de cloisons amovibles, afin de répondre à tous les besoins. Si la personnalisation est de mise, un élément fait pourtant presque toujours l’unanimité : l’îlot central. On s’y installe au quotidien, en famille, et il permet aussi de se retrouver à quatre ou cinq. Il est moins formel que la table, qui reste cependant d’actualité. Les deux éléments cohabitant dans cette pièce multi-ambiances où l’on n’hésite pas à intégrer des matériaux précieux : marbre, pierre, laiton, laque, bois rares…

«Aujourd’hui, la cuisine s’intègre dans un projet de décoration global, avec des codes matières et couleurs qui sont en harmonie avec le reste de l’appartement, explique Philippe Gilman, président de Boffi France. Cela peut aller très loin. Nous avons ainsi réalisé une cuisine avec des portes habillées de cuir. Notre département sur-mesure permet de répondre à toutes les attentes et, dans nos magasins, tous les collaborateurs sont des architectes d’intérieur, ce qui permet d’être efficace dès le premier contact.

Car quand on peut mettre 100.000 euros dans une cave à vins, le nouveau produit incontournable dans la cuisine, on attend de ses fournisseurs qu’ils soient capables de concrétiser les idées les plus folles.» Même constat chez Bulthaup, où Cyril Leperck insiste sur l’écoute et le service. L’année prochaine, il va même embaucher un cuisinier qui pourra venir préparer un dîner dans les nouvelles cuisines et ainsi inaugurer comme il se doit ces outils de rêve !

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Le Berre Vevaud : l’îlot central en star. Pour ce cabinet d’architecture parisien , l’îlot central, qui fait le lien entre la cuisine et la pièce de vie, est désormais un élément incontournable : il est à la fois pratique et convivial, et tous les types de clientèle le plébiscitent. - © Jean-Marc Palisse

C’est un esprit haute couture, donc, qui flotte dans les enseignes spécialisées. Tout doit être maîtrisé, même les odeurs. Les hottes se mettent ainsi au diapason. Fini les grosses machines bruyantes. La discrétion est de mise. «Pour nos hottes, nous associons design et efficacité, c’est le secret de notre réussite, résume Philippe Reverseau, directeur général France d’Elica. Nous proposons des gammes adaptées aux cuisines ouvertes et aux îlots centraux, avec des hottes intégrées aux plaques à induction qui aspirent vers le bas, des hottes-luminaires très belles… La demande croissante d’esthétique stimule l’innovation.»

L’univers de la robinetterie n’est pas en reste, comme le prouvent les nouveautés de la marque THG. «On connaît nos produits pour la salle de bains, mais nous avons décidé de nous ouvrir à la cuisine. Notre offre robinets pour cette pièce est encore limitée, mais notre ambition est d’enrichir notre catalogue avec, par exemple, des collaborations avec des créateurs. Actuellement, nous avons déjà de superbes finitions : des teintes or pâle, or rose, bronze. Et nous savons que nous pouvons faire du sur-mesure , un atout sur un marché haut de gamme en pleine expansion», détaille Anne- Sophie Gosse, directrice stratégique et artistique de la marque.

Pour s’offrir cette touche finale, il faut débourser entre 500 et 2.000 euros. Une paille quand on sait qu’il n’y a pas de limite pour les amoureux des cuisines. «Chez Bulthaup, les prix de nos modèles oscillent entre 40.000 et 50.000 euros. On est dans le simple et le fonctionnel, souligne Philippe Gilman. La fourchette haute est plutôt autour de 100 .000 euros. Mais après, tout est possible. » Chez Boffi ou La Cornue, on reconnaît également qu’il n’est pas rare de voir des devis à plus de 300.000 euros. Pour Abdu Gnaba, cette surenchère est aussi une façon de contrôler son existence et d’exprimer un parcours de vie. «Le “faire” est important, car il symbolise aujourd’hui l’appartenance à une élite. Je vais bien car je me nour

ris bien. Je réunis des ingrédients que j’ai choisis, je les assemble, je les partage dans un cadre à mon image. Dans la cuisine, j’exprime mes valeurs. » Une analyse qui conduit l’anthropologue à prophétiser l’avènement prochain de l’atelier comme nouveau refuge chic : «Le bricolage a les mêmes vertus que la cuisine. Et je ne serais pas étonné de voir dans les années à venir de grands patrons quitter leur cuisine et s’afficher dans leurs garages vidés de leur voiture, mais équipés de superbes établis !»

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Boffi : la cuisine qui ne ressemble pas à une cuisine. La marque italienne est une référence en matière de design et d’innovation. Ses cuisines sont, certes, fonctionnelles et très bien équipées, mais elles sont surtout belles, chaleureuses et très originales. - © Anne-Emmanuelle Thion