QFM aime « cette adversité avec Martin et Boe pour le gros globe »
Quentin Fillon Maillet s'est confié à « 20 Minutes » avant les Mondiaux de biathlon à Antholz
by William Pereira2018, Pyeongchang. Martin Fourcade célèbre sa victoire sur la mass-start olympique depuis un peu plus de trois minutes quand Quentin Fillon Maillet franchit la ligne à l’avant-dernière place. Il a tourné sept fois sur l’anneau de pénalité, comme lors de la poursuite. Affecté par des problèmes personnels et plombé par une carabine défaillante, le français quitte les JO la tête basse. Deux ans plus tard, le Jurassien a sorti la tête de l’eau. Mieux que ça, il joue le gros globe de cristal et vise « une médaille d’or en relais et en individuel » aux Mondiaux d'Antholz. A tel point que Martin Fourcade le considère non plus seulement comme un ami, mais aussi comme son rival. Un nouveau statut qui plait à QFM sans pour autant lui faire prendre le melon. Entretien ambition avec le leader bis de l’équipe de France de biathlon.
Avant les Mondiaux vous étiez en pleine forme. Auriez-vous préféré enchaîner directement sur les Mondiaux, ou cette pause a été salutaire ?
Les deux. C’est vrai qu’il y avait une très bonne dynamique, que la forme était là donc j’aurais presque voulu partir directement sur les championnats du monde. Après, il y avait une certaine fatigue mentale donc j’étais content de rentrer à la maison pour faire une pause. Cette transition est pas spécialement évidente. Il fallait trouver le juste milieu pour être en forme et avoir de bonnes sensations. Les derniers chronos que j’ai pu faire avec Martin étaient bons, c’est encourageant, la stratégie a été bien pensée.
En parlant de bons chronos, physiquement vous êtes presque le seul à tenir tête à Johannes Boe sur les skis. Comment l’expliquer ?
C’est une progression assez régulière depuis le début de ma carrière. Chaque année, j’essaye d’être de plus en plus pointu dans ma préparation et les choses évoluent comme je le souhaite dans l’hiver. Et je peux aussi remercier mes parents qui m’ont donné cette morphologie qui me permet d’avoir une bonne récupération entre les courses. J’ai peut-être pas les qualités explosives de certains pour un sprint ou une accélération à certains moments mais je suis capable d’être régulier sur toute la saison. Ça me permet d’être presque à chaque fois d’être dans les meilleurs temps de ski.
L'objectif, c'est le gros globe de cristal ?
Bien sûr. Je l’ai déjà dit, ça fait partie de mes objectifs. Aujourd’hui je suis en plein dedans parce que je suis deuxième mondial à 69 points de Martin (actuel leader de la Coupe du monde). C’est pas mal mais il reste beaucoup de courses. Je suis dans mes objectifs même si le globe va être très difficile à atteindre. Il va falloir être plus régulier que Martin mais aussi que Johannes, qui n’est pas loin derrière.
Vous abordez les Mondiaux sur un pied d’égalité avec les deux autres favoris, Johannes et Martin. Comment l'appréhendez-vous ?
Ça s’est fait doucement jusqu’à l’année dernière où j’ai fait une super saison avec la troisième place mondiale. Cette transition dans le statut s’est faite en douceur. J’ai pas été projeté tout de suite dans le duel Martin-Johannes. Ça s’est fait un peu tout seul et maintenant avec l’expérience, j’arrive de mieux en mieux à gérer cette pression médiatique. Je fais du biathlon pour moi avant tout et cette façon de penser, de me détacher du résultat me permet d’être plus décontracté au départ des courses.
Cette exposition médiatique, elle n’a pas toujours existé. On s’est toujours beaucoup focalisés (à juste titre) sur les exploits de Martin Fourcade au détriment du reste de l’équipe de France. Avez-vous le sentiment aujourd’hui d’être reconnu en tant que QFM et pas seulement comme un coéquipier de Martin ?
Je sens qu’il y a un changement, que les gens me portent plus d’intérêt, je suis plus médiatique. La thématique Martin revient souvent dans mes interviews et c’est complètement normal vu ce qu’il a accompli et apporté au biathlon, vu son palmarès. Après c’est sûr que ça a pas toujours été évident d’être dans l’ombre de Martin parce qu’il a toujours tellement banalisé l’exploit. Je pouvais faire une course qui était très correcte mais qui au final passait inaperçue face à un de ses résultats. Donc ça a été dur à une certaine période mais, d’un autre côté, on a aussi été protégés de la pression médiatique. C’était un aspect positif.
Maintenant que c’est passé, cette période où on ne parlait que de Martin… entre nous, c’était chiant les questions de journalistes qui parlaient de tout sauf de vous ?
Pas chiant parce que je suis vraiment fier d’avoir Martin dans mon équipe et je peux le remercier pour tout ce qu’il a fait. Mais certaines fois c’était pénible parce qu’on se retrouve… Je peux donner l’exemple d’une fois où je passe la ligne d’arrivée et j’ai à peine eu le temps de me changer, je passe en zone mixte devant les caméras et on me demande d’expliquer ce qu’avait fait Martin dans son dernier tour, il avait chuté, je me souviens plus des circonstances. Moi je venais d’arriver, j’ai pas du tout vu la course parce que j’étais derrière lui et du coup on me demandait de raconter quelque chose que je connaissais pas. Donc un peu frustré de devoir toujours ramener Martin dans la conversation. Je suis pas en quête de notoriété, de gloire. Je suis là pour aller chercher des podiums, des victoires et après ce qui en découle derrière me fait plaisir quand ça marche bien, mais c’est pas un but en soi.
Il y a deux ans vous viviez des JO très compliqués. Quel regard portez-vous sur le chemin parcouru entre cette période et maintenant ?
Clairement ça me permet de relativiser. J’ai fait face à des problèmes bien plus graves que le biathlon. Le biathlon passe désormais au second plan, alors qu’auparavant c’était toute ma vie. C’est ma façon de penser aujourd'hui. Je fais un sport médiatique, j’ai des résultats, je fais du ski tous les jours, je vis de ma passion… Ça marche ou ça marche pas, j’aurais essayé et je serai content de ce que j’ai eu. Je vais pas me monter la tête quand je fais une mauvaise course. Ça me permet vraiment de relativiser et d’aborder les choses dans le bon sens. Le fait de partir dans une course et de dire « je veux gagner » c’est pas forcément la bonne démarche. Dans mon sens c’est plus « qu’est-ce que je mets en place pour gagner et donner le meilleur de moi-même ».
Quand vous faites X tours de pénalité à Pyeongchang, que se passe-t-il dans votre tête ?
Ca a été des courses très dures. Sprint, poursuite, mass-start… Des courses où j’ai franchi la ligne vraiment super déçu, avec beaucoup d’émotions négatives. C’était des moments durs, j’ai beaucoup réfléchi pendant les Jeux. Pour moi les JO n’ont pas été un super souvenir avec les résultats et les circonstances personnelles du moment. Derrière j’ai pas couru le relais garçons alors que j’avais ma place dans l’équipe, mais mes sélectionneurs ont décidé de pas me mettre dedans. Donc je suis rentré à la maison et là, c’était soit je pleure encore pendant deux mois en attendant la saison suivante, soit je trouve une solution. Ça m’a permis de me construire, ça fait partie de ma carrière.
Deux ans plus tard, vous visez le titre et Martin parle désormais de vous comme de son rival...
Ça fait plaisir. J’aime beaucoup cette adversité qu’on peut avoir dans l’équipe parce que ça se passe à la fois super bien mais à la fois on est complètement rivaux. On était ensemble la semaine dernière, on est des copains qui s’entendent bien. Je suis content de faire partie de cette adversité avec Martin et Johannes et jouer le globe du classement général avec lui parce que c’est un beau défi de me retrouver avec un athlète comme lui à la fois en équipe et aussi comme adversaire.
Même si elle est saine, cette rivalité a dû impliquer des changements dans vos relations…
Bien sûr. Mais on s’est pas réunis un jour autour d’une table pour se dire comment gérer cette adversité. Les choses se font naturellement et on arrive vraiment à faire le switch entre la bagarre sur les skis et la vie de groupe qui est à mon sens super importante étant donné que je vois plus souvent Martin que je vois ma copine. Donc si je m’entendais pas avec lui parce qu’il y a cette rivalité je pense que ça détériorerait mes résultats.
Il s’est passé quoi exactement dans ce fameux virage à Hochfilzen ? C’est quoi la version officielle de l’histoire ?
La version officielle ne sortira jamais parce que ce moment n’a pas été filmé. Nous, on a notre vision chacun, on se retrouve en fin de course, on a 12 kilomètres dans les jambes, un cerveau mal oxygéné parce qu’on a fait un effort violent, donc on n’a pas toutes nos têtes pour réfléchir. Quand on est en compétition, il faut prendre des décisions tout de suite. Moi j’en ai pris une, lui une autre. Les deux n’étaient pas bonnes et au final on a eu un accrochage. Ça fait partie des faits de course, on a perdu quelques places chacun. On a mis les choses au clair dès le soir pour qu’il y ait pas de mauvaise entente, et on a vraiment bien fait parce qu’il n’y a plus qu’un problème là-dessus. On en reparle en rigolant.
Le genre de petite embrouille qui se termine par des rires et une petite accolade, en gros ?
Oui voilà, sur le moment on est énervés parce qu’on est des compétiteurs, on veut gagner, on n’est pas là pour se marcher sur les skis et tomber bêtement. Ça nous permettra de pas refaire l’erreur par la suite.
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