Le Royaume-Uni part, les divisions restent

Bérets européens contre drapeaux britanniques, pancarte «Nous reviendrons» contre inscription pro-américaine: près du Parlement, en ce jour J du Brexit, vendredi, des supporters de chaque camp se regardent en chien de faïence, illustrant la persistance des fractures du pays.

À quelques heures du grand saut du Royaume-Uni hors de l’Union européenne, les pancartes des europhiles proclament leur volonté de revenir dans l’UE, et clament leur désarroi: «vous avez détruit ma future carrière et mes rêves». Chez les Brexiters, l’Union Jack vole au vent, un homme porte un chapeau à la gloire des États-Unis.

«C’est un désastre, c’est affreux», peste Daniel Price, directeur des ventes à Brighton (sud). «Dans un monde qui a l’air de devenir fou, on a besoin de se rapprocher, de se rassembler», estime-t-il, bonnet gris sur la tête. «Les protections que nous apporte l’UE», «tous les partenariats que nous avons, pourquoi tout jeter à la poubelle? Je ne comprends pas».

La tristesse domine chez certains

Chez Katarina Graham, 31 ans, activiste pour les droits de femmes, c’est la tristesse qui domine. «C’est vraiment épouvantable que ça arrive». Pour cette Irlandaise qui travaille à Bruxelles, c’est «un jour de deuil». Pas de doute pour elle non plus, le Royaume-Uni reviendra dans l’UE.

En visite à Londres, Wayne Green, habitant la banlieue de la capitale britannique, voit dans le Brexit un «grand soulagement que l’on quitte enfin l’Union européenne». «L’UE est une arnaque, c’est une arnaque depuis le début et que je suis content que nous partions», explique cet homme au crâne dégarni, dans sa doudoune orange.

– «Pour le peuple» – Non loin de la statue de Churchill, gilet aux couleurs de l’Union Jack sur les épaules, Douggie Loverbridge, pense lui que «tout l’argent que nous allons économiser au lieu de le donner à l’UE et à Bruxelles», sera dépensé pour «le peuple britannique».

Âgée de 20 ans, Lucy Dixon n’a pas pu voter lors du référendum de 2016 qui a vu le «leave» l’emporter à 52%. Étudiante en tourisme, elle veut devenir hôtesse de l’air. «Ce sera plus difficile pour moi de travailler dans l’industrie du voyage et d’avoir un visa de travail», dit-elle. Ses amis ne se préoccupent pas du Brexit, «j’ai l’impression que je suis la seule à faire quelque chose», souffle-t-elle dépitée.

Un pays isolé désormais

«Le Royaume-Uni s’isole du reste du monde», regrette Peter Benson. Pour ce comptable de 57 ans, la Grande-Bretagne de naguère devrait être rebaptisée «Petite-Bretagne». «Certain» que le Royaume-Uni réintègrera l’Union européenne, «peut-être dans 10 ans», il va se serrer les coudes avec ses proches ce vendredi soir à 23h00 heure londonienne, quand le pays basculera. Ses deux enfants de 16 et 19 ans «sont l’avenir» et «l’avenir du Royaume-Uni est avec l’Europe», insiste-t-il. «La France et Hong Kong ont montré comment manifester, on est trop polis», juge-t-il. «On aurait dû bloquer la circulation, les autoroutes. Il faudra qu’on fasse ça la prochaine fois!»

Angela Merkel: «Le Brexit? Une rupture pour l’Europe»

Le Brexit constitue «une profonde rupture» pour l’Allemagne et pour toute l’Europe, a jugé vendredi Angela Merkel, disant s’attendre désormais à des négociations «intenses» sur la future relation avec le Royaume-Uni.

«L’Union européenne nous garantit une voix forte dans un monde qui change sans cesse et nous sommes déterminés à poursuivre l’histoire à succès de l’Europe avec les 26 autres pays membres restants», a souligné le porte-parole de la chancelière.

«L’Allemagne souhaite rester un partenaire étroit et un ami de la Grande-Bretagne», a déclaré Angela Merkel dans un message vidéo diffusé à quelques heures seulement de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne. Mais dans le même temps, elle a signifié que l’Europe défendrait ses intérêts, notamment «l’intégrité» du marché intérieur européen, dans les négociations difficiles à venir cette année pour tenter de définir la relation future en matière commerciale entre le bloc des 27 pays restant et Londres.

Ces négociations «vont rythmer l’année en cours», a-t-elle pointé, affirmant s’attendre à des discussions «intenses» et lançant un avertissement voilé aux Britanniques. «Plus les Britanniques s’éloigneront des conditions du marché intérieur, plus notre relation future changera», a-t-elle dit.

Le Royaume-Uni devient vendredi le premier pays à quitter l’UE, mettant fin à un mariage houleux de 47 ans.

Ce départ marque le début d’une deuxième phase: celles des complexes négociations sur les liens qui uniront Londres et Bruxelles après une transition jusqu’au 31 décembre, mais aussi Londres et les autres puissances comme les États-Unis de Donald Trump.