Un Youtubeur en prison pour leurre et extorsion

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Carlos Desjardins a connu la gloire sur Facebook. Et sur Instagram. Et sur Youtube. Et c’est aussi sur les réseaux sociaux qu’il a vécu sa déchéance, en y annonçant le premier qu’il allait plaider coupable à de multiples accusations de leurre informatique et d’extorsion de jeunes filles.

Le jeune homme aujourd’hui âgé de 22 ans a déjà eu des milliers de gens abonnés à ses différents comptes sur les réseaux sociaux. Vendredi, seule une poignée d’adolescentes, le visage grave, assises dans la salle d’audience, attendaient de le voir partir pour la prison. 

Comme il l’a annoncé lui-même via Snapchat, Desjardins a plaidé coupable vendredi à une kyrielle d’accusations pour des crimes commis aux dépens de 16 jeunes filles âgées de 14 à 18 ans : leurre informatique, extorsion, production et distribution de pornographie juvénile, publication d’images intimes sans le consentement, agression sexuelle et voies de fait. Les victimes proviennent de plusieurs régions du Québec; Montréal, Gatineau, Trois-Rivières et Québec.

Ces crimes répétés lui valent une peine de quatre ans et demi de prison, dont il reste un peu plus de 28 mois à purger.

Carlos Desjardins multipliait les rencontres sur Internet. Et il n’avait pas à chercher bien loin : les adolescentes le contactaient elles-mêmes parce qu’elles le trouvaient drôle et cool. 

Entre 2016 et 2018, la «vedette» des réseaux sociaux a demandé à une dizaine de ses admiratrices de lui envoyer des photos de leurs seins, de leurs fesses. Certaines ont consenti. Lorsqu’elles refusaient, Desjardins se fâchait, les insultait et menaçait de salir leur réputation en les exposant à ses milliers de «followers» sur les réseaux sociaux.

En septembre 2018, une adolescente de 17 ans dénonce Carlos Desjardins aux policiers. Depuis qu’elle a 13 ans, elle est en contact avec l’influenceur. Elle a toujours refusé de céder à ses menaces et de lui envoyer des photos d’elle nue.

Elle s’inquiète parce que Desjardins lui a envoyé des photos de lacérations sur ses bras.

Les policiers se présentent chez Carlos Desjardins pour vérifier son état de santé. Ils vont aussi l’arrêter pour leurre, production de pornographie juvénile et extorsion.

L’adolescente décide de faire une publication sur Instagram pour faire connaître les gestes de Desjardins. Elle invite toutes les autres jeunes qui auraient pu être victimes à communiquer avec elle. Elle recevra plusieurs messages qu’elle a pu communiquer à la police de Québec et à la Sûreté du Québec.

Vidéos dans les partys

En janvier 2018, alors qu’il participait à une fête très arrosée, Desjardins a convaincu une adolescente de 16 ans de faire une vidéo osée. La jeune fille a baissé ses pantalons. Desjardins lui a ensuite versé du champagne sur les fesses, sous l’oeil d’une caméra. L’influenceur a partagé la vidéo sur son compte Snapchat.

Quelques mois plus tôt, dans un autre party tenu à Lévis cette fois, deux jeunes filles de 17 ans ont accepté de se laisser filmer alors qu’elles étaient à quatre pattes, montrant leurs petites culottes de style «g-string». Selon le récit fait à la cour, la très courte vidéo a été diffusée via Snapchat par Dylan Demers, un autre influenceur québécois, accusé de production et distribution de pornographie juvénile et de leurre. 

Plusieurs personnes auraient reconnu les deux jeunes filles après la diffusion.

En 2016, après une soirée dans un bar de Trois-Rivières, Carlos Desjardins a fait une vidéo d’une jeune femme de 19 ans en train d’avoir une relation sexuelle avec un de leurs amis. Il a ensuite partagé cette vidéo sur Snapchat. Desjardins l’a retirée du Web quelques heures plus tard, à la demande de la jeune femme. 

Un autre individu a eu le temps de repartager la vidéo en identifiant la jeune femme, dont on ne voyait pas le visage. Plus de 20 000 personnes ont vu la vidéo. 

La procureure de la Couronne Me Jennifer Landry est bien placée pour constater que les séquelles sont encore présentes chez les jeunes victimes, plusieurs mois après leurs interactions pénibles avec Desjardins. «On voit que l’estime de soi est affectée, qu’il y a une réticence envers les étrangers, de l’anxiété», énumère Me Landry.

Un slam de remords

Carlos Desjardins avait écrit un texte pour demander pardon aux victimes. Son avocate, Me Catherine Rigali-Boivin, l’a averti de bien regarder le juge en le lisant.

L’ancienne vedette du Web s’est toutefois vite tournée vers le public pour scander les paroles, comme un slam, menottes aux poignets. «Cher monsieur le juge. Je suis conscient que j’ai fait perdre la confiance aux filles, des personnes que j’ai blessées, que j’ai détruites. Elles n’ont plus le goût de rien savoir des gars à cause de moi. Aujourd’hui, elles ont probablement un problème de faible estime de soi à cause de moi. Tu comprends?»

Desjardins dit imaginer la colère des parents qui ont vu leur fille se faire traiter comme un objet. «Je voudrais leur demander pardon pour ce que j’ai faite [sic], je le regrette. Je réalisais pas le mal que je faisais à ces filles-là.»

Carlos Desjardins semble avoir perdu ses illusions. «Je vivais dans un monde irréel […] je me sentais un peu dans une autre vie superficielle, déclame-t-il. À la fin de tout ça, tu réalises que personne ne t’aimait vraiment pour toi.»

Après sa peine de prison, Carlos Desjardins aura l’interdiction de fréquenter les réseaux sociaux pour une période de trois ans.