Afrique de l’Est : polémique autour du fournisseur de micro-crédits Opera
Accusée de ne pas respecter les règles du Google Play Store avec ses applications de micro-crédit OKash et OPesa au Kenya et OPay au Nigeria, la société norvégienne de logiciels Opera dénonce une manœuvre pour faire chuter son cours en bourse.
Le 16 janvier dernier, Hindenburg Research publiait un rapport accablant sur la société Opera, l’accusant notamment d' »ignorer de manière flagrante les nouvelles politiques de Google sur les prêts prédateurs à court terme » avec ses applications de microcrédits OKash et OPesa au Kenya et son porte-monnaie virtuel OPay au Nigeria.
Depuis août 2019, le Google Play Store interdit en effet aux développeurs de proposer sur sa plateforme des applications « qui favorisent les prêts personnels nécessitant un remboursement intégral dans un délai de soixante jours ou moins à compter de la date d’octroi du prêt (appelés « prêts personnels à court terme ») ». « Ces règles s’appliquent aux applications proposant des prêts directement, aux applications de génération de prospects et à celles qui mettent les consommateurs en relation avec des prêteurs tiers », précise même la plateforme.
Prêts à court terme
Les applications affichent des conditions conformes aux règles émises par Google Play Store (OKash comme OPesa annonçant des durées de prêt allant de 61 à 365 jours). Elles semblent même en conformité avec la limite de taux d’intérêt de 36 % par an, même si Google Play Store n’impose cette règle que pour le marché américain. Hindenburg a pourtant produit une série d’échanges de courriels – dont Opera n’a à ce jour pas contesté l’authenticité – montrant des prêts obtenus au Kenya pour des durées de quinze, vingt-deux ou vingt-neuf jours.
Le rapport affirmait également que les applications pratiquent des taux d’intérêt prohibitifs, allant de 365 % sur un an à 876 % en cas de retard dans les remboursements. Il accuse enfin la société Opera de ne pas avoir expliqué le changement des règles de Google aux investisseurs lors du tour de table qui lui a permis de lever 82 millions de dollars, en septembre 2019.
à lire [Tribune] Prêts numériques : le danger du surendettement
Opera récuse en bloc toutes ces accusations. « Nos applications de microcrédit sont et ont été entièrement conformes aux politiques de Google Play Store et des réseaux partenaires sur lesquels nous comptons », a déclaré Alejandro Viquez, responsable des communications d’Opera – le PDG d’Opera, Yahui Zhou, a refusé d’être interviewé pour ce rapport.
Spéculation à la baisse
À la question des taux d’intérêt pratiqués, Alejandro Viquez répond qu’ils n’atteignent jamais les 365 % à 876 % annoncés par Hindenburg car « nous n’avons jamais laissé les frais s’accumuler à proximité des taux annuels présentés », explique-t-il.
Mais la ligne principale de défense de l’éditeur de logiciel tient à l’intérêt qu’avait Hindenburg Research de voir l’action d’Opera, cotée au Nasdaq (New York), chuter. Hindenburg en en effet un vendeur à découvert, ce qui consiste pour un acteur boursier à vendre à terme un actif qu’il ne détient pas encore, mais doit obtenir pour le jour où sa livraison est prévue. Il a donc tout intérêt à une baisse des cours pour ne pas s’exposer lui-même à des pertes. Le détaillant en ligne africain Jumia a ainsi vu sa valorisation boursière chuter en 2019 après une attaque du vendeur à découvert Citron Research.
Les vendeurs à découvert soutiennent que leur activité sert un objectif plus large que leurs propres intérêts en alertant les marchés des entreprises qui, selon eux, sont malhonnêtes ou simplement surévaluées.
Dans le cas d’Opera, l’action, qui se négociait à 9,02 dollars le 15 janvier, a chuté dès la publication du rapport d’Hindenburg, pour atteindre 7,01 dollars le 21 janvier. Elle est depuis remontée à 7,83 dollars.
Article initialement paru chez nos confrères de The Africa Report, traduit et adapté par Nelly Fualdes