Les patrons de services secrets belges ne sont pas contents

Société

Ch.Ly.

Publié le vendredi 31 janvier 2020 à 17h04 - Mis à jour le vendredi 31 janvier 2020 à 19h12

Les patrons des deux services de renseignement belges – la Sûreté et le Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS) – sortent de leurs gonds après la parution de deux articles dans le Tijd qui évoquent, l’un des possibles infiltrations russes dans les services belges et l’autre les critiques d’un certain nombre d’agents civils contre le chef du SGRS, le général Claude Van De Voorde.

Une partie de ces articles a été répercutée par l’agence Belga et par la presse belge, dont La Libre.

Les deux chefs démentent catégoriquement.

Claude Van De Voorde : "Alea Jacta est"

Le général Van De Voorde n’avait pipé mot du premier article lors de son discours à la réception de Nouvel An qu’il organisait le 27 janvier dernier à Tervuren mais il vient de réagir dans un mail interne dont La Libre a reçu écho. « Bien que des commentaires négatifs continuent à alimenter les colonnes de nos journaux et ont pour seul but d’entacher notre réputation, le soutien de nos autorités tant militaires que civiles nous reste acquis. La modernité peut faire peur et quelques-uns seront toujours réfractaires au changement. Voilà pourquoi nous devons agir à l’unisson et nous serrer les coudes.

», déclare-t-il aux membres de son service.

« Alea Jacta Est ! La réorganisation se poursuivra », conclut-il, faisant référence au plan de transformation du SGRS qui est d’application depuis janvier 2020. Cette réforme entend favoriser les échanges entre une dizaine de "plate-formes" qui ont remplacé les anciennes directions du service de renseignement militaire. C’est ce point qui semble faire difficulté pour un certain nombre d’agents civils du SGRS.

Jaak Raes : « contraire à la défense de l’intérêt général »

Du côté de la Sûreté de l’Etat, ce qui irrite surtout, c’est d’avoir laissé entendre que le Comité R enquêtait sur une vingtaine d’infiltrations par des services étrangers, dont russes. Le Tijd évoquait une quinzaine de cas possibles au sein du SGRS et cinq à l’intérieur de la Sûreté. Depuis la parution de ces articles, plusieurs services étrangers ont interrogé la Sûreté. La crainte est qu’ils ne partagent plus leurs informations avec le service belge. Or l’échange d’informations est un moteur capital pour le renseignement belge dont les moyens sont limités.

« La Sûreté de l’Etat dément catégoriquement cette information et le Comité R peut le confirmer: il n’existe pas d’enquête par le Comité R de cinq cas possibles d’infiltration au sein de la Sûreté », réagit la Sûreté dans un communiqué publié jeudi. “Nous soutenons la liberté de la presse”, y déclare l’administrateur-général Jaak Raes. “Mais lancer des informations qui semblent insuffisamment recoupées et qui, donc, peuvent mettre en danger la sécurité du pays, est contraire à la défense de l’intérêt général. »

Dans De Tijd ce vendredi, l’auteur de ce remue-ménage conteste qu'il y ait des « informations manifestement erronées» dans son article et affirme que plusieurs dossiers d’infiltration sont « hautement confidentiels » et n’ont pas pu vraisemblablement être communiqués aux parlementaires qui suivent les travaux du Comité R.

Au sein du SGRS, il y a bien eu deux cas d’infiltration qui ont été évoqués ces derniers mois. Un cas concerne un capitaine commandant du SGRS à qui l’habilitation “Secret” a été retirée et qui a été licencié. Recruté en 2004, cet homme travaillait pour la division du Renseignement (Div I) du SGRS. Il travaillait aussi dans l’import-export. Il avait notamment de nombreux contacts avec la Russie, notamment avec un oligarque.

Un autre dossier a été mis sous enquête au parquet fédéral. Il concernait la mise à pied d’un major soupçonné d’avoir transmis en 2016 des informations sensibles à la Russie via une femme travaillant pour les services secrets serbes. Mais ce dossier a été clôturé par le parquet fédéral en octobre dernier avec un non-lieu.