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Le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, au Forum économique mondial à Davos, le 22 janvier.
Photo Fabrice Coffrini. AFP

Gros coup de mou pour la croissance française

Pour la première fois depuis 2016, le PIB a reculé de 0,1% au quatrième trimestre en raison des grèves et s’établit à 1,2% sur l’année. Une surprise pour les instituts de prévision et le gouvernement qui tablaient sur une hausse de 0,2%.

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Badaboum. Après avoir affiché une progression identique de 0,3% sur les trois premiers trimestres de 2019, le Produit intérieur brut s’est affaissé de 0,1% au quatrième trimestre. C’est une première depuis le printemps 2016, période au cours de laquelle le PIB, cet indicateur économique clé correspondant à la somme de la richesse créée par le pays, avait également marqué un retrait. Pour rappel, il faut deux trimestres consécutifs de croissance négative pour qu’un pays soit considéré en récession.

La France ne fait cependant pas figure d’exception en Europe. Avec une croissance économique qui a ralenti à 1,2% sur l’ensemble de 2019 (+1,7% en 2018), elle est au diapason de la zone euro selon des données préliminaires de l’Office européen des statistiques Eurostat : 1,2% de croissance l’an passé contre 1,8% en 2018 et 2,4% en 2017. La Commission européenne, qui anticipait pour sa part en novembre une croissance de 1,1% pour 2019 doit publier un nouveau chiffre à la mi-février.

En deçà des prévisions

Dans sa dernière note de conjoncture concernant l’Hexagone, l’Insee anticipait 0,3% pour le quatrième trimestre tout comme la Banque de France et le gouvernement qui pariaient sur une croissance de 1,3% en 2019. Les statisticiens publics comptaient sur la bonne tenue des exportations et une consommation bien orientée. Mais le chiffre annoncé ce vendredi est également bien inférieur au consensus des économistes, qui tablaient sur une hausse de 0,2% du PIB.

Ce décalage s’explique par la contre-performance de l’économie française au dernier trimestre. La production de biens et services a particulièrement souffert sur la période (-0,2% par rapport au trimestre précédent), illustrant par exemple les blocages des raffineries ou la grève dans les transports. Les entreprises ont ainsi préféré écouler leurs stocks. Les grèves contre la réforme des retraites ont-elles eu raison de la croissance en fin d’année ? Pour Julien Pouget, chef du service de la conjoncture à l’Insee, «l’effet des grèves est probablement proche d’au moins 0,1% mais il faudra étudier de plus près ce qui s’est réellement passé car d’autres facteurs ont pu jouer au mois de décembre».

L’investissement a lui aussi fortement ralenti à +0,3% après +1,6% à l’automne, même si sur l’année, il est en hausse (+3,6 % après +2,8 % en 2018). Un ralentissement qui affecte également, dans une moindre mesure, la consommation des ménages, une baisse sans doute en lien avec le mouvement social : +0,2% au quatrième trimestre après +0,4% au troisième. Mais là aussi, «en moyenne sur l’année, note l’Insee, la consommation des ménages accélère légèrement» à +1,2 %, après +0,9 % en 2018.

Morosité de l’économie mondiale

Quant au commerce extérieur, il n’a pas d’effet sur l’activité sur le seul quatrième trimestre, ni en positif ni en négatif. Mais sur l’ensemble de l’année, il aura pénalisé la croissance, avec une forte augmentation des importations (+2,3%, après +1,2% en 2018) et un ralentissement des exportations (+1,8% après +3,5% en 2018). Une tendance qui s’explique notamment par la morosité de l’économie mondiale, marquée l’an dernier par la hausse des tensions commerciales entre la Chine et les Etats-Unis.

Ce recul momentané du PIB ne fait guère l’affaire du gouvernement qui, ces derniers jours, se félicitait de la baisse du chômage et de la hausse des investissements étrangers en France l’an dernier. L’acquis de croissance (c’est-à-dire le niveau que le PIB atteindrait si l’activité stagnait d’ici au 31 décembre) n’est que de 0,16%. Cela signifie que pour atteindre les 1,3% de croissance sur lequel l’exécutif a construit son budget pour 2020, il faudrait que le PIB progresse de 0,45% à chaque trimestre. Soit un niveau largement supérieur au rythme de la croissance ces dernières années. «Cela paraît excessif, réagit dans une note Philippe Waechter, chef économiste chez Ostrum Asset Management. Ce serait plus du double de la croissance constatée en 2019, soit 0,21% en moyenne par trimestre», prévient-il.

«Un ralentissement passager» selon Bercy

Pour autant, Bruno Le Maire, qui affirmait il y a quelques jours que les grèves n’auraient qu’un impact minime sur la croissance – tout en s’inquiétant de forts effets sur le commerce – tient à relativiser cette incursion du PIB en territoire négatif. Il s’agit d’un «ralentissement passager, qui ne remet donc pas en cause les fondamentaux de la croissance française qui sont solides», a-t-il indiqué. Et d’insister : «La consommation des ménages et les investissements des entreprises résistent.» Alors que l’Insee anticipait en décembre un petit fléchissement de la croissance au premier trimestre (+0,2%) avant de remonter à +0,3% au printemps pour arriver à une progression de 0,9% à la mi-2020, d’autres facteurs pourraient désormais ternir la situation. Après les grèves, les retombées économiques du coronavirus chinois vont-elles à leur tour venir bousculer les prévisions du gouvernement ?