Affaire Mila : l'islam aboie, les progressistes se couchent
by valeursactuelles.comTandis que de nombreuses voix se sont élevées pour défendre la jeune iséroise de 16 ans, d'autres ont brillé par leur silence complice.
C’est un poison à effet de diffusion lent. Chaque jour, il teste les capacités de résistance de nos sociétés démocratiques. Il impose son agenda aux Etats, s’éploie dans la sphère publique et suscite de vives inquiétudes. Mais l’islamisme, puisque c’est de ce chancre dont il est question, a au moins une vertu : faire tomber les masques et tracer une frontière entre les défenseurs inconditionnels de la liberté et les autres - ceux qui détournent leur regard par lâcheté, cécité idéologique ou complicité objective.
De ce point de vue, l’affaire Mila, du nom de cette jeune fille menacée et jetée en pâture par une cohorte de fanatiques musulmans, a agi comme un révélateur. Le 19 janvier, sur son compte Instagram dédié au chant, la lycéenne homosexuelle évoque ses préférences sexuelles dans un live avec ses abonnés. L’un d’eux l’entreprend de manière insistante. La jeune fille, un brin moqueuse mais urbaine, éconduit le malappris. Vexé, ce dernier explose de colère et agonit Mila d’injures à caractère raciste, misogyne et homophobe. Rapidement, d’autres internautes se joignent aux hostilités et l’invectivent à leur tour : « Sale blanche », « gouine », « Française de merde », le tout mâtiné d’imprécations religieuses : « Inch’allah tu meurs sale pute », « pétasse, d’où tu dis ça notre dieu Allah c’est le seul et l’unique, j’espère que tu vas brûler en enfer. »
Une émulation haineuse
Face au tour que prennent les événements, la jeune fille accusée d’être raciste et de blasphémer décide de s’épancher dans une story Instagram : « Je déteste la religion, le Coran, il n’y a que de la haine là-dedans, c’est de la merde, c’est ce que j’en pense. On ne peut pas être raciste d’une religion. L’islam est une religion, j’ai dit ce que j’en pensais, vous n’allez pas me le faire regretter. Votre religion c’est de la merde. »
Sortis de leur contexte, ses propos sont instamment partagés et commentés sur les différents réseaux sociaux. En quelques heures, une véritable lame de fond s’abat sur la lycéenne de seconde. Menaces de meurtre, appels au viol et au lynchage, l’émulation haineuse atteint des proportions sidérantes. En public, comme en message privé, Mila est ciblée par des dizaines de milliers de messages.
Sûrs de leur fait, les participants de cette croisade estiment que la jeune fille paie le prix de ses provocations : « Qui sème le vent, récolte la tempête », ose le délégué général du Conseil français du culte musulman (CFCM) Abdallah Zekri au micro de Sud Radio. 160 000 abonnés au compteur, donc doté d’important pouvoir de nuisance, l’humoriste Jérémy Dethelot ne dit pas autre chose lorsqu’il affirme sur Twitter : « La haine engendre la haine, donc n’en semez pas. » Naturellement, aucun d’eux n’évoque les raisons qui ont amené Mila à publier cette vidéo : une campagne de harcèlement la visant pour avoir refusé les avances d’un dragueur insistant.
Qu’à cela ne tienne, les mieux renseignés de la meute divulguent son adresse personnelle et celle de son lycée. Sa sécurité n’étant pas assurée, Mila doit être déscolarisée. Acculée, l’adolescente iséroise dépose plainte.
Face à cette vague de violence, une campagne de soutiens s’organise sur et en dehors des réseaux sociaux. Le mot-clef “#JeSuisMila” fleurit sur Twitter, atteignant quelque 110 000 occurrences en vingt-quatre heures. Plusieurs personnalités politiques et publiques, telles que Djordje Kuzmanovic, Raphaël Enthoven, Marine Le Pen, Robert Ménard ou encore Amine El-Khatmi sont rapidement montés au créneau pour défendre tout à la fois Mila et le droit au blasphème.
Silence radio des progressistes
La gauche progressiste, elle, brille par son silence. Si prompte à dénoncer la masculinité toxique et les structures de domination patriarcale, l’association Osez le féminisme est aux abonnés absents. Questionnée à ce sujet dans l’émission Les Grandes Gueules, sa porte-parole Alyssa Ahrabare louvoie : « C’est un sujet sur lequel on a pas choisi de se prononcer car ce sont des questions extrêmement complexes et délicates. » A l’instar d’Osez le féminisme, les associations LGBT, antiracistes et de défense des droits de l’homme, si bruyantes et procédurières d’ordinaire, font l’autruche.
Silencieux dans les premiers jours suivant le début de l’affaire, le gouvernement et notamment Marlène Schiappa ont été sommés de prendre position. Contactée par Valeurs actuelles, la secrétaire d’Etat récuse l’accusation selon laquelle les pouvoirs publics ont tergiversé : « Contrairement à ce qui a été suggéré, je ne me suis pas désintéressé de cette affaire. Je me suis entretenu avec le père de Mila au téléphone. Il m’a confié que sa fille ne souhaitait aucune récupération politique. Ne pas m’exprimer plus avant, c’est respecter sa volonté. »
Le 23 janvier, l’affaire prend une tournure judiciaire avec l’ouverture d’une double enquête par le parquet de Vienne, l’une pour les menaces de mort dont Mila est l’objet, l’autre… contre la lycéenne elle-même pour incitation à la haine raciale. Une seconde enquête qui n’a pas manqué d’interpeller car si Mila a eu des propos très durs sur la religion, à aucun moment elle ne s’en est pris à des individus à raison de leur foi.
Sauf à réintroduire le délit de blasphème, la critique d’une religion, si violente soit-elle, n’est pas punissable. Jeudi, le parquet de Vienne a finalement décidé du classement sans suite des accusations d’incitation à la haine : « L'enquête a démontré que les propos diffusés, quelle que soit leur tonalité outrageante, avaient pour seul objet d'exprimer une opinion personnelle à l'égard d'une religion, sans volonté d'exhorter à la haine ou à la violence contre des individus à raison de leur origine ou de leur appartenance à cette communauté de croyance », explique le ministère public dans un communiqué.
Partition et soumission
Une mise au point salutaire quelques jours après la sortie polémique de la Garde des Sceaux Nicole Belloubet. Mercredi, la ministre avait déclaré au micro d’Europe 1 que « l’insulte à la religion » était « évidemment une atteinte à la liberté de conscience ». Face au tollé suscité par ses propos, Nicole Belloubet avait fait son mea culpa quelques heures plus tard, concédant une maladresse.
Phénomène inquiétant, cette affaire qui a pris une dimension nationale, révèle la partition à l’oeuvre dans le pays. « A partir d’un certain nombre, la quantité devient une qualité », écrivait le philosophe Friedrich Engels. A ce titre, difficile d’affirmer que les dizaines de milliers de messages reçus par Mila sont « le fait d’une minorité », selon la formule consacrée. Aujourd’hui en France, c’est entendu, user de la liberté d’expression pour critiquer l’islam est un acte extrêmement risqué. Quant à ceux qui se désolidarisent de Mila, comme la majorité des chroniqueurs présents jeudi soir dans l’émission de Cyril Hanouna, leur cécité est le masque de leur soumission.