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Le rappeur Mac Miller est décédé en septembre 2018 d'une overdose accidentelle. © AFP

Mac Miller, la dernière ballade d'un rappeur avant la paix

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Certains artistes ont-ils des prédispositions à lire l'avenir ? Voient-ils arriver les glorieuses heures et les chutes ? Comme le romancier américain Morgan Robertson qui raconta le naufrage du Titanic quatorze années avant que la catastrophe n'eût lieu, le rappeur Mac Miller semblait avoir le don, dans les premières lignes de ses albums, de prédire ses catastrophes personnelles.

En août 2018, traversant une dépression, il publiait l'album « Swimming » dans lequel il confiait : « I just need a way out of my head » (« j'ai juste besoin d'une manière de m'évader de ma tête »). Un mois plus tard, Malcom James McCormick était retrouvé sans vie à son domicile près de Los Angles, ayant succombé d'une overdose accidentelle... Un an et demi plus tard, parait l'album posthume « Circles » et cette première phrase foudroyante prononcée la mâchoire serrée, comme résistante aux effets des substances et des douleurs : «  Eh bien, c'est donc à cela que ça ressemble juste avant de tomber...  »

Beau et poignant

Rassemblés et produits par le producteur Jon Brion, ce dernier connu pour être derrière l'album « Blonde » de Frank Ocean, les morceaux de « Circles » n'ont plus grand-chose à voir avec le rap « Old School » des premières années de la carrière de Mac Miller. Ici, le chanteur - parce que c'est bien de chant dont il s'agit -, évoque l'anxiété dans des balades introspectives, des riffs psychédéliques et un flow intimiste. Mac Miller parle et murmure plus qu'il ne rappe. « Circles » est un ensemble de réflexion sur le temps qui passe. Lentement. Après « Swimming », publié un an plus tôt, cette nouvelle oeuvre rayonne des derniers éclats d'un génie submergé par la lassitude. Réunis, les titres de ces deux albums forment d'ailleurs l'expression « Swimming in Circles », nager en boucle, et évoquent comment les choses sont figées, quand, impuissant, on souhaite qu'elles changent.

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Circles est sorti le 17 janvier 2020 chez Warner. - Warner Music

Cette idée de cercles dont on n'échappe pas est illustrée par des boucles infinies et lancinantes, sur des mélodies indie-folk échappant aux saccades et aux exigences rythmiques du hip-hop. Quand bien même Mac Miller tente des bribes d'optimisme et des retours au flow qui a fait sa réputation sur ses précédents albums, « Circles » reste l'un des albums les plus déchirants de 2020 : une oeuvre inachevée où certains titres semblent avoir été enregistrés en live, comme de puissants derniers témoignages de vie.

Paradoxalement, malgré la tension tragique de cet album, il est aussi l'un des plus beau que le hip-hop ait produit ces dernières années. Des balbutiements prémonitoires d'un homme qui souhaite enfin trouver la paix : « De temps en temps, je me défonce, et tout le monde a besoin de quelque chose quand ils sont coincés dans leur esprit, mais de temps en temps, pourquoi ne pouvons-nous pas être bien ? », murmure Mac Miller sur le morceau « Once a day ». Une des dernières phrases, du dernier morceau, de son dernier album.