Avant fermeture, France-Antilles publie un dernier numéro collector
by Cyril PetitEn Guadeloupe et en Martinique, France-Antilles sort ce samedi un ultime numéro, dont le produit de la vente ira aux salariés.
Le numéro de France-Antilles de jeudi matin annonçant "les dernières pages" ne sera pas tout à fait la dernière de l’histoire. Les journalistes du groupe de presse mis en liquidation jeudi préparent ce vendredi un numéro spécial. "En Guadeloupe, il fera 32 ou 40 pages, explique Caroline Bablin, rédactrice en chef du quotidien. Ce sera un numéro collector, avec des coulisses et des hommages à tous ceux qui ont fait France-Antilles." Les derniers articles d’actualité des journalistes seront également publiés. Sur une double page sera publiée la longue liste de tous les salariés perdant leur travail avec cette liquidation.
Un journal similaire est finalement sorti en Martinique, malgré un doute, vendredi, sur la possibilité de l'imprimer. "En Guadeloupe, nous comptons imprimer au moins 55.000 exemplaires (contre 20.000 habituellement le samedi) en hommage aux 55 ans qu’aura vécu France-Antilles", précise Caroline Bablin. En Guyane, le quotidien France-Guyane n’était déjà plus imprimé depuis plusieurs jours par manque d’encre.
Le produit de la vente de cet ultime numéro, le 14.993e pour France-Antilles Guadeloupe et, peut-être, le 15.949e pour France-Antilles Martinique, abondera la caisse destinée aux salariés désormais au chômage. La liquidation judiciaire a en effet entraîné la cessation immédiate des activités du groupe mais aussi la perte de leur emploi pour 235 salariés.
Aucun repreneur fiable
"Après la décision du tribunal, les représentants du personnel sont allés négocier pour obtenir cette dernière autorisation de publier, ce qui n’était pas gagné", poursuit Caroline Bablin, qui précise que le journal restera en vente jusque mercredi au prix de 2,20 euros. Le temps que les habitants rendent un dernier hommage à leur journal local. La Guadeloupe, la Martinique et la Guyane sont désormais, avec Mayotte, les seuls départements français ne disposant pas de quotidien local.
Après plusieurs mois d'incertitude, le groupe France-Antilles, ancienne filiale du groupe Hersant, était en redressement judiciaire depuis le 25 juin 2019. Et le groupe, créé en mars 1964 à l'occasion de la visite officielle du président Charles de Gaulle en Martinique, n'a depuis pas réussi à trouver de repreneur fiable. France-Antilles faisait face à des pertes de 500.000 euros par mois, pour un chiffre d'affaires annuel de 28 millions d'euros.
55 ans d'histoire disparaissent
Son directeur général, Frédéric Verbrugghe, avait souligné à l'automne que "l'édition d'un quotidien dans chacun des trois départements demeurera structurellement déficitaire", à cause d'"un lectorat limité par sa géographie et sa démographie" et d'"un marché publicitaire contraint". "Politiquement, précisait-il au JDD. Il est hors de question de laisser mourir le seul groupe de presse écrite des Antilles car les citoyens en ont besoin ; socialement, il s’agit de maintenir le maximum d’emplois."
"J’ai si souvent entendu 'C’est pas possible'... Eh bien si, un quotidien qui informe chaque jour la population depuis 55 ans peut disparaître du jour au lendemain", a tweeté jeudi la rédactrice en chef de France Antilles Guadeloupe. Sur place, l’ambiance est à la tristesse et à la stupéfaction. D’autant que tout s’arrête du jour au lendemain. "On n’aura plus le droit de rien publier, même sur le web, se désole Caroline Bablin. Même nos vieux articles sur Internet vont être inaccessibles et tomber en page d’erreur 404, car l’hébergement va être coupé." 55 ans d’histoire(s) disparaissent.