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Jean-Luc Mélenchon, à l'Assemblée nationale en décembre.
Photo Denis Allard pour Libération

Retraites : un record d'amendements pour le débat en commission

Sur les 22 000 amendements déposés, un record sous cette législature, 19 000 viennent de La France insoumise, qui assume une stratégie d'obstruction. Le débat commence lundi.

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C’est à une montagne d’amendements que vont s’attaquer, à partir de lundi, les 71 députés de la commission spéciale sur la réforme des retraites. Sans surprise, le compteur a grimpé, ce vendredi midi – date limite du dépôt –, jusqu’à 22 160. Un record sous cette législature, même si tous ces amendements ne passeront pas le filtre du sévère «article 40»  de la Constitution qui permet de déclarer irrecevable un amendement qui aurait «pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique».

Les oppositions critiquent à l’unisson la méthode employée par le gouvernement accusé de livrer un «texte à trous», d’abuser du recours aux ordonnances et d’avoir apporté, comme le Conseil d’Etat l’a regretté, un éclairage insuffisant et partial au travers de l’étude d’impact. Mais les groupes parlementaires ont adopté des stratégies différentes.

«Zadisme législatif»

De très loin les plus prolixes, les députés LFI ont inondé le serveur interne, déposant à eux seuls, plus de 19 000 amendements, qui débutent par le même propos liminaire : «Comme la majorité des Français·es, nous nous opposons totalement à l’ensemble de ce projet de loi et demandons le retrait de l’ensemble de ses dispositions, y compris celles qui auraient pour fonction de limiter les dégâts d’un texte dévastateur.» Leur chef de file, Jean-Luc Mélenchon, avait prévenu mercredi : «Nous allons assumer que nous faisons de l’obstruction.»

«Ce n’est même plus de l’obstruction, c’est du zadisme législatif et ce n’est pas à la hauteur des enjeux», avait balancé, dès jeudi sur Twitter, le député LREM Olivier Véran, rapporteur du volet organique de la réforme. Un bon mot qui a plutôt flatté les intéressés : «LREM nous accuse de "zadisme législatif". Accepté ! Les retraites sont un territoire à défendre. Et la loi Macron [sur les retraites] doit finir comme l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes !» a répliqué Mélenchon, proposant au passage un référendum.

Les députés LR, qui avaient fait une apparition mardi salle des Quatre-Colonnes pour dénoncer, par la voix de Damien Abad, «l’amateurisme et l’improvisation permanente du gouvernement» qui «prive le Parlement d’un vrai débat» ont déposé un peu plus de 1 000 amendements. Les communistes en ont fait enregistrer près de 500 et les socialistes, 280. «Nous comptons questionner et aller au fond du texte, le plus possible dans le détail», prévoit Boris Vallaud (PS) : «Une forme d’instruction, article par article» qui doit «démontrer que le gouvernement cache sa copie, bidonne ses calculs et ne sait pas où il va».

Profusion

Appelés par leur président de groupe, Gilles Le Gendre, à la «retenue» pour ne pas bousculer l’«édifice déjà bien stabilisé» du texte, les députés LREM portent tout de même 300 amendements, dont une moitié seulement validée par le groupe. Les députés Modem et du groupe UDI-Agir s’en sont tenus respectivement à une cinquantaine et une trentaine. Viendront encore ceux des rapporteurs et du gouvernement qui ne sont pas soumis à un délai.

«Avec cette stratégie du nombre, certains dans l’opposition font le choix de dégrader la qualité des échanges que les Français attendent, nous le regrettons», a réagi le rapporteur général, Guillaume Gouffier-Cha (LREM). Malgré cette profusion – sous cette législature, la loi LOM d’orientation des mobilités avait généré le dépôt de près de 3 500 amendements –, on reste bien en deçà de la créativité, jamais égalée sous la Ve, des députés qui avaient examiné en 2006 le projet de loi visant à privatiser GDF… et déposé, pour la séance, plus de 130 000 amendements, immortalisés par le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré qui avait posé au perchoir, entre les imposantes piles.