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Image du film «Ours, simplement sauvage».
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La vie, au cœur de l'aventure

Présentés au festival du film d’aventure de La Rochelle en fin d’année dernière, trois documentaires racontent à leur manière ce que la nature, l’aventure et le sport peuvent apporter aux hommes: une vie intense.

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Avec «Ours, simplement sauvage» réalisé par Laurent Joffrion et Vincent Munier, les auteurs nous emmènent dans une nature encore vierge de la cordillère cantabrique (Espagne) à la rencontre des animaux qui la peuplent: loups, ours, fouine ou loutres. L’ours est un animal mythique qui a fait rêver des générations d’écoliers, et le voir ainsi évoluer, grimper aux arbres, escalader les falaises - une activité où il se montre étonnamment agile.

On croisera également au détour des montagnes le grand tétras, le cerf ou le bouquetin, le vautour fauve ou le pic noir. La caméra de Vincent Munier, photographe naturaliste passionné, restitue avec précision la dimension poétique de ce monde sauvage. Ce qui est étonnant dans ce film, c’est de constater l’émerveillement de Vincent Munier à chaque fois qu’il rencontre son sujet : «incroyable, c’est magnifique», lance-t-il quand il aperçoit les trois oursons derrière leur mère. Les commentaires d’un des gardes, défenseurs de l’ours en Espagne, sont assez saisissants : «S’ils ne meurent pas des mains de l’homme, la plupart des animaux arrivent à survivre».

Il est bon également de rappeler qu’il y a trente ans, l’animal était considéré comme «nuisible» dans cette région, et que désormais «son image a changé, il fait partie de notre patrimoine nécessaire». Par ailleurs, de manière exemplaire si on le compare à l’Hexagone, les auteurs soulignent qu’il est «intéressant de noter que le bétail et la faune sauvage cohabitent et que les problèmes sont rares». Et le garde de conclure : «si on pouvait les (ces animaux sauvages) laisser comme ça… Il faut être humble, il faut être fort… Il n’y a pas à être pour ou contre (le retour du loup ou celui de l’ours), on ne va pas éradiquer tout ce qui nous gêne, ce n’est pas l’état d’esprit de demain».

«Ours simplement sauvage» sera diffusé sur UshuaiaTv le 17 mars à 21h40 dans le cadre d’une soirée dédiée à Vincent Munier, avec à 20h40 un portrait intitulé «Vincent Munier éternel émerveillé».

Et vogue le navire

«Ils ont grandi au large» de Jean-Etienne Frère et Fabrice Caër narre l’histoire d’un bateau en bois avec de grandes voiles rouges: La Fleur de Laimpaul. Charles Hervé Gruyer emmène des groupes d’enfants de douze a quinze ans, faire le tour du monde, de l’île d’Yeu à la Mauritanie en passant par la Guyane, les Bahamas et les Açores. Il les lance dans une expédition océanographique. L’aventure vise à fabriquer des équipes de jeunes et d’adultes, de responsabiliser les enfants et leur permettre de dire : «la connaissance c’est comme l’horizon, une limite qu’on repousse au fur et à mesure qu’on avance». Fabrice Vauclair, qui fut de la partie en 1987 explique : «c’était un peu le far-west, une expérience humaine difficile et productive qui a changé la vie de ceux qui l’ont réalisée».

Durant les escales, ils vont à la rencontre de familles vivant sur place – en Mauritanie par exemple où ils apprennent à chasser et pêcher. A bord, ils font les tâches des adultes, organisent les emplois du temps des journées, montent les quarts. «A douze ans, tu apprends à manier la scie circulaire, allumer le moteur du bateau, faire à manger pour quinze», dit l’un d’eux. L’organisateur Charles Hervé en profite pour réaliser des films dont ils seront les acteurs, des livres qui financent les expéditions futures… Emilie, aujourd’hui éleveuse de chèvres et maraîchère assure que, vingt ans plus tard, des traces de leurs passages restent. Que cette expédition lui a donné l’opportunité «de prendre les décisions et de ne pas subir».

Charles Hervé prolonge : «on a eu des leçons de vie de nos maîtres aux pieds nus, on était accueilli dans une ouverture du cœur; quand je vois ce qu’on fait avec les réfugiés aujourd’hui, j’ai honte. Les enfants vivaient intensément. Leurs familles connaissaient en même temps le vide et l’absence. J’admire ces parents qui leur ont permis de vivre une telle aventure. C’est une belle preuve de confiance et de liberté données».

Dans le film le père d’Elsa abonde : «j’avais envie que ma fille s’ouvre, lui donner cette chance». A bord, dans le huis clos du large, les relations humaines peuvent devenir délicates et complexes. Alors pour éviter les dérapages, des règles strictes sont imposées. Aucune relation préférentielle et encore moins intime, pas de sous-groupe. Des spécialistes sont accueillis sur le bateau pour livrer leurs enseignements. Guillaume : «on rencontrait les premiers humains du monde, et les meilleurs scientifiques de la terre».

A l’heure où les voyages scolaires sont difficiles à monter, au point de voir des responsables d’établissement bloquer eux-mêmes les voyages programmés pour leurs classes, on devrait pouvoir méditer les propos prononcés par Charles Hervé : «la société était plus ouverte pour les expériences alternatives. On se met aujourd’hui nos propres limites».

Le retour au bercail fut parfois difficile. «Là, c’est comme si on nous coupait les ailes, on se sentait attachés à la table et la chaise, de retour à l’école». Certains étaient perdus. Tous ont été marqués par l’expérience. L’un est devenu océanographe et skipper, telle autre professeure des écoles, qui tente d’agir pour ceux qui n’ont pas eu la chance de partir. Un troisième est ébéniste d’art. Ivan a appris qu’il pouvait ne pas travailler à plein temps et faire ce qu’il voulait. Ce jeune homme s’est consacré à l’étude des coraux à Hawaï. Sa mère confesse aujourd’hui : «peut-être que s’il n’était pas parti sur La Fleur, il serait aujourd’hui à Brest à étudier les turbots».

Tous partagent aujourd’hui la maxime de Mark Twain: «on ne savait pas que c’était possible alors on l’a fait».

Des planches pour arrêter les balles

Avec ce grand film sur le Surf au Liberia, «Water get no ennemy», on change totalement de registre. Les acteurs sont des jeunes adultes qui ont connu la guerre qui a ravagé leur pays. On les voit sur les vagues, tout souriants. «Lorsque je surfe, je me nettoie l’esprit de tout le passé de la guerre, c’est là que je trouve la paix», explique ce jeune sportif. Si le Liberia est l’une des premières nations d’Afrique à avoir obtenu son indépendance, elle est celle qui a connu une des conflits les plus sanglants de l’histoire moderne. Quinze ans de guerre civile et 250000 morts, dont nombre d’enfants.

Damien Castera et Arthur Bourbon, les réalisateurs du film, sont surfeurs et vidéastes, ils ont suivi ces enfants de la guerre qui ont troqué des mitraillettes contre des planches, notamment dans le quartier de Dukor, township de Westpoint. Voilà Peter, un ado qui raconte comment il s’est enfui avec sa mère, et a appris à se débrouiller avec une poignée de riz pour sept personnes. «A l’époque toute personne valide était engagée pour devenir soldat», dit-il. Des enfants de douze ans pouvaient être munis d’une arme, aux check points. Aujourd’hui Peter sourit: «quand ils me voient surfer, les enfants de Monrovia croient que je marche sur l’eau».

Nous voilà à Robert’s Port. Il ne faut pas grand-chose pour être satisfait. «Un toit pour la tête, une moustiquaire pour la nuit, des kilomètres de vagues à découvrir». Un jeune homme l’avoue : «le surf me rend heureux, c’est mieux que de traîner dans la rue». Benjamin est tombé de sa planche les deux premières fois, a tenu deux secondes la troisième fois.... Maintenant, il est à l’aise. «Le surf, c’est juste de la pratique».

Au Liberia, on se partage les planches, car il est malaisé de trouver du matériel. Augustine 15 ans, raconte comment, enfant, on lui a donné une arme, «ils essayaient de nous embrigader de nous former, on coupait les mains des gens qui désobéissaient… j’ai décidé de fuir. Nous ne jouions pas comme des enfants normaux». Un autre conclut : «Quand je surfe, j’ai l’impression d’être riche, j’oublie tout, désormais je vis comme s’il n’y avait jamais eu la guerre. Le Liberia, ce ne sont plus des enfants soldats» (1).

(1) Ce film coup de poing est servi par une bande-son particulièrement soignée avec notamment les titres Sirra (Keita baba Toumani), A Soweto 2 § 3 (de Pete Masiti et John Andrew Barrow), et de Douala Limbe, (Silveno Michelino).

Prochaines diffusions: RDV de l’Aventure, le 12-15 mars 2020, à Lons le Saunier - Outdoor Festival 06, le 1er mai 2020, à Villefranche-sur-mer - Sheffield Adventure Film Festival, le 20 au 22 juin 2020, en Angleterre.

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