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En Chine, l’activité aérienne est en diminution de 24% par rapport à une période normale.© Adrian DENNIS / AFP
Matières premières

Le coronavirus pousse le marché pétrolier au bord de la panique

La suspension des vols vers la Chine affaiblit la demande en carburant et l’OPEP envisage de réduire la production pour enrayer la baisse des cours

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Quel sera l’impact de l’épidémie de coronavirus sur l’économie mondiale? S’il est encore trop tôt pour formuler des réponses précises, il est au moins un secteur qui en sent déjà les conséquences: depuis le début de l’épidémie, les cours du brut ont chuté, passant en une semaine de 62 dollars le baril à 57, avant de remonter à 58 dollars vendredi.

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La logique est assez simple. La croissance de la demande chinoise tire à elle seule le marché du brut depuis des années. Si elle vacille, c’est tout l’édifice pétrolier mondial qui tremble. Premier importateur et deuxième consommateur du monde, la Chine a besoin de toujours plus de pétrole pour alimenter sa croissance économique, alors qu’elle en produit de moins en moins. «Tout ralentissement prolongé pourrait entraîner une révision majeure de la demande mondiale», prévient auprès de l’AFP Robbie Fraser, analyste chez Schneider Electric. «A court terme, il est quasiment certain que l’activité des raffineries et la demande en produits raffinés seront perturbées, mais la question clé reste de savoir si la maîtrise du virus deviendra un défi prenant beaucoup de temps, avec de vraies conséquences économiques», estime-t-il.

Baisse de la demande dans l’aviation

C’est cette question qui a projeté traders et analystes au bord de la panique. Plus de 50 millions de personnes sont en quarantaine en Chine, l’économie tourne au ralenti dans une partie du pays, et en particulier les transports. La réduction des vols internes et de certains vols internationaux, notamment en provenance d’Europe en direction de la Chine, a déjà des conséquences sur la demande de carburant pour l’aviation. «Attention, pour l’heure, cette baisse de la demande concerne principalement l’aviation. Déterminer jusqu’où les cours peuvent baisser dans une période d’épidémie est extrêmement difficile. Le marché a adopté une approche «on vend d’abord, on pose des questions ensuite», est-il expliqué dans une note de RBC Capital.

Si, les premiers jours de l’épidémie, la baisse de la demande était plutôt contenue, les indicateurs de ces derniers jours sont significatifs: selon les analystes de RBC, les cinq principaux aéroports chinois ont annulé plus de 3200 vols en moins d’une semaine. L’activité aérienne est en diminution de 24% par rapport à une période normale. «Dans la période actuelle, le marché pétrolier ne s’inquiète pas de l’offre, il se concentre sur la demande», a résumé jeudi le patron de Shell, Ben van Beurden.

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Selon Goldman Sachs, la baisse de la demande liée à cette situation pourrait atteindre 260 000 barils par jour en 2020. Dans un marché où la consommation atteint 100 millions de barils par jour, cela pourrait paraître anecdotique, mais cette crise intervient à un moment où le marché pétrolier est déjà volatil et orienté à la baisse.

Certains analystes pensent que le pétrole pourrait descendre jusqu’à 50 dollars dans les prochains jours, avant un éventuel rebond

Malgré la signature, mi-janvier, de la première phase d’un accord entre la Chine et les Etats-Unis, les risques de guerre commerciale sont toujours présents, ce qui pèse sur le prix du brut. Surtout, la production américaine de pétrole ne cesse d’augmenter et les Etats-Unis, devenus premiers producteurs mondiaux, inondent le marché mondial de leur pétrole de schiste. A tel point que, depuis 2017, le cartel de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), mené par l’Arabie saoudite, a mis en place une alliance avec la Russie et s’astreint à d’importantes réductions de production.

L’équilibre économique des pays de l’OPEP menacé

Face à cette nouvelle baisse des cours, l’OPEP n’a pas exclu de réduire encore sa production pour tenter de faire remonter les prix. Le ministre de l’Energie saoudien, le prince Abdulaziz ben Salman, s’est voulu rassurant en déclarant, mercredi, que la baisse était principalement causée par des «facteurs psychologiques» et une vision «extrêmement négative» de certains acteurs du marché. Le prochain sommet de l’OPEP doit avoir lieu en mars, mais l’Arabie saoudite pourrait pousser ses partenaires à organiser une rencontre avant pour faire face à la crise. A moins de 60 dollars le baril, l’équilibre économique de la quasi-totalité des pays de l’organisation se trouve menacé, tant leur dépendance au pétrole est grande. Certains analystes pensent même que le pétrole pourrait descendre jusqu’à 50 dollars dans les prochains jours, avant un éventuel rebond.

Cette baisse est d’autant plus marquante qu’au même moment tout devrait pousser à faire monter les cours. En Libye, la guerre civile à laquelle se livrent le gouvernement de Fayez el-Sarraj et le maréchal Khalifa Haftar a interrompu la production pétrolière du pays, retirant plus d’un million de barils quotidiens du marché mondial. Mercredi, les rebelles yéménites opposés à l’Arabie saoudite ont revendiqué une offensive contre des installations pétrolières de Saudi Aramco. Les cours du baril ont connu un bref sursaut avant de reprendre leur tendance à la baisse. L’attention est focalisée sur la situation chinoise.