Municipales: le Conseil d'Etat suspend l'essentiel de la circulaire Castaner
by Auteur(s): Par Dominique CHABROL - Paris (AFP)Le Conseil d'Etat a suspendu vendredi les principales dispositions de la circulaire Castaner limitant l'attribution d'une couleur politique aux candidats aux municipales, infligeant un nouveau revers au gouvernement, déjà contesté par l'instance sur son projet de réforme des retraites.
L'attribution des nuances par les préfets "dans les seules communes de 9.000 habitants et plus" et les conditions de la nuance "Liste divers Centre+", les deux dispositions vivement dénoncées par l'opposition, sont suspendues.
Egalement suspendu: le classement de la nuance "Liste Debout la France" dans le bloc "extrême droite", selon l'ordonnance du Conseil publiée vendredi.
Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a aussitôt indiqué que "la circulaire sera modifiée", "sans renoncer à répondre aux demandes des élus locaux et à correspondre aux mutations du paysage politique français".
Six recours avaient été déposés contre le texte, notamment par Les Républicains, le Parti socialiste et Debout la France.
L'envoi mi-décembre de la circulaire aux préfets avait provoqué une levée de boucliers de l'opposition qui dénonçait des tentatives de "tripatouillage" du gouvernement pour brouiller la lecture des résultats des municipales de mars et gonfler les scores de LREM.
Le texte relevait de 1.000 à 9.000 habitants le seuil des communes à partir duquel les préfets sont appelés à procéder au "nuançage" (attribution d'une couleur politique) des listes et candidats "à des fins d'analyse électorale".
Le juge des référés a relevé qu'"une telle limitation conduit, dans plus de 95% des communes, à ne pas attribuer de nuance politique et exclut ainsi de la présentation nationale des résultats les suffrages exprimés par près de la moitié des électeurs".
Le Conseil a par ailleurs estimé que les conditions d'attribution de la nuance "Liste divers Centre" instituait "une différence de traitement entre les partis politiques et méconnaissait dès lors le principe d'égalité".
-Vers un nouveau seuil-
Il a enfin jugé que le classement de la liste "Debout la France" dans le bloc "extrême droite" ne "s'appuyait pas sur des indices objectifs". Un tel classement n'ayant pas pris en compte "le programme de ce parti et l'absence d'accord électoral conclu avec le Rassemblement national".
Le 24 janvier, le Conseil d'Etat avait déjà sévèrement critiqué le projet de réforme des retraite du gouvernement, déplorant notamment les "projections financières lacunaires".
La gauche et la droite se sont réjouies vendredi d'un nouveau revers de l'exécutif. "Le Conseil d'Etat vient de donner une leçon au gouvernement", a estimé Bruno Retailleau, le patron des sénateurs LR.
Et pour le premier secrétaire du PS Olivier Faure, La République en Marche "ne se dérobera ni aux principes élémentaires de notre démocratie ni à la vérité du scrutin".
"Et pan sur les doigts ! Encore un désaveu cinglant et mérité pour Macron", ont réagi les sénateurs communistes.
Christophe Castaner avait justifié sa décision de limiter le nuançage par le refus de nombres d'élus de petites communes de se voir attribuer des couleurs politiques approximatives.
Le choix d'un seuil de 9.000 habitants, soit 96% des communes et 53% des électeurs, en dessous duquel les préfets ne devaient plus attribuer de nuances politiques, alimentait en revanche les soupçons de manipulation. LREM réalise en effet ses meilleurs scores électoraux dans les grandes villes.
Autre disposition dénoncée par l'opposition : l'apparition d'une nuance "Liste divers Centre" qui regrouperait les listes de la majorité présidentielle, mais aussi celles simplement soutenues par l'un des partis de la majorité. Une mesure susceptible de gonfler la catégorie "divers centre" et les scores de LREM.
Les nuances doivent permettre "de disposer de résultats électoraux faisant apparaître les tendances politiques locales et nationales". Et le seuil de population pour le nuançage a varié dans le temps.
Il s'appliquait en 2008 aux communes de plus de 3.500 habitants, puis en 2014 à celles de plus de 1.000. Reste au gouvernement à fixer un nouveau seuil à six semaines des municipales.