La SNCF verse des primes de « 300 à 1500 euros » à des non-grévistes, les syndicats s’insurgent

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Plusieurs syndicats envisagent de saisir la justice.JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

La direction de l’entreprise ferroviaire a « confirmé et assumé » cette décision, estimant que ces primes ont été versées à des « agents qui se sont mobilisés de façon exceptionnelle (…) pour assurer la continuité du service public pendant la grève ».

Des syndicats ont dénoncé jeudi des primes versées par la SNCF à des non-grévistes avec leur paie de janvier pour les remercier de leur « professionnalisme », « implication » et « grande disponibilité » pendant la grève contre la réforme des retraites débutée le 5 décembre.

« Dans la bataille contre la réforme des retraites, le patronat met les moyens des entreprises au service de la politique du gouvernement. Et après, c’est nous qu’on traite de partisans !!! La CGT-Cheminots va engager des procédures !", a protesté dans un tweet Laurent Brun, secrétaire général du premier syndicat de la SNCF.  »La stratégie est en consultation avec notre conseil juridique", a-t-il précisé, en s’appuyant sur les articles L2511–1 et L1132–2 du Code du Travail, ainsi que sur « la jurisprudence de la Cour de cassation ».

« Professionnalisme »

Accusant la direction de « pratique illégale et discriminatoire », SUD-Rail « ne s’interdit pas de saisir la justice », a indiqué le troisième syndicat du groupe ferroviaire, qui dénonce aussi « d’autres procédés pour gratifier les non-grévistes, comme une soirée organisée dans un grand hôtel » à Paris. Auparavant, Bérenger Cernon, responsable de la CGT-Cheminots à la gare de Lyon, à Paris, signalait dans un tweet que la direction de la SNCF avait octroyé des primes « de 300 à 1500 euros » à des non-grévistes. « Dans le même temps, elle nous explique que l’on doit vendre des actifs et faire des économies drastiques », critiquait-il.

Dans son tweet, il reproduit un extrait d’un courrier où un salarié se voit décerner « une gratification exceptionnelle de 500 euros » sur sa « paie de janvier » afin de le « remercier pour (son) professionnalisme, (son) implication et (sa) grande disponibilité dans le cadre du mouvement de grève ayant débuté le 5 décembre ». Ce salarié – « un cadre » – a décidé de verser sa prime à une caisse de grève pour « soutenir financièrement » les grévistes, faute d’avoir pu lui-même faire grève, a déclaré Bérenger Cernon.

« Discriminatoire »

« Ce n’est pas la première fois » que des non-grévistes reçoivent des primes, a ajouté Bérenger Cernon. « D’habitude, les choses étaient faites de manière plus sournoise », avec des « invitations au restaurant ou en boîte de nuit, journées libres, ou primes n’ayant rien à voir avec l’assiduité en période de grève », a indiqué Laurent Brun. De son côté, dans une déclaration à la presse, la direction de la SNCF « confirme et assume l’attribution par des managers locaux de primes exceptionnelles à certains agents qui se sont mobilisés de façon exceptionnelle et sur une période particulièrement longue pour assurer la continuité du service public pendant la grève".

 »L’engagement et le surcroît d’activité de ces agents non-grévistes ont permis aux trains de circuler y compris les week-ends et pendant les fêtes, aux postes d’aiguillage d’être tenus, et aux voyageurs d’être correctement informés pendant toute la période", ajoute la direction. Avocat spécialiste en droit du travail, Me Éric Rocheblave a souligné que "la Cour de cassation a déjà jugé qu’'est discriminatoire l’attribution par l’employeur d’une prime aux salariés selon qu’ils ont participé ou non à un mouvement de grève’". Selon la Cour, « pour attribuer une prime aux seuls salariés non-grévistes, l’employeur doit caractériser un surcroît de travail » pour ces salariés, a-t-il ajouté.