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Concert

Coilguns, les pistoleros des Montagnes

Les quatre Chaux-de-Fonniers jouent ce dimanche à Genève, dans le cadre du festival Antigel. L’occasion de revenir sur leur dernier album, «Watchwinders», un disque monstrueux et hanté

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Il y a une espèce de rire fou typique de l’Arc jurassien. C’est celui qu’on entend sous les lettres et les mots quand on lit les entretiens qu’ont donnés ici et là les quatre Chaux-de-Fonniers de Coilguns: quand ils font leur anamnèse, c’est pour dire que le groupe est né d’un excès de rhum et de weed, et d’une envie de monter une formation de d-beat des Montagnes. Le d-beat? On dira qu’il s’agit d’une forme de punk rugueux, tendu, corrosif. Mais Coilguns, c’est bien plus que ça. Ou plutôt: c’est ça et autre chose. Ils le savent, et c’est bien en vertu de cette confiance méritée qu’ils rigolent.

Donatien Thiévent, Luc Hess, Jona Nido et Louis Jucker (dont les productions en soliste s’avèrent tout autant merveilleuses) sont des serpents. Ce n’est pas une insulte, c’est une description: les ophidiens ont cette particularité de pouvoir mettre leur puissance musculaire au service d’une souplesse infinie. Ecoutez Watchwinders, l’album que Coilguns a sorti l’an passé chez Hummus (label dont le boss n’est d’ailleurs autre que Jona Nido): c’est un mélange parfait de rudesse et de psychédélisme chthonien, de propulsion à tombeau ouvert et de virages abrupts, de coups de masse et de moments de suspension blême. La voix de Jucker passe du hurlement au récitatif halluciné, la guitare de Nido navigue de l’averse géométrique de métaux lourds à la percolation d’acides et d’éléments gazeux, les soubassements rythmiques ont la puissance d’une Remington qu’on aurait confiée à un catcheur. Oui, on est indéniablement ici dans le domaine des musiques à guitares dures – la page Bandcamp de Coilguns propose le mot-clé «blackened hardcore», c’est assez parlant. Mais ces quatre-là en étendent considérablement l’ampleur, ils multiplient les greffes: des bruits étranges gravitent dans le champ stéréophonique, il y a des incantations qui amènent presque dans l’orbe pop de David Sylvian (sur Prioress, par exemple), il y a aussi du quasi-blues osseux (A Mirror Bias).

Watchwinders a été ficelé (ou du moins enregistré) en un mois à peine, disent ses maçons. Bel effort. Mais c’est bien cette urgence, ce parti pris de faire confiance aux idées au moment même de leur naissance, qui fait de cet album un tel condensé d’inventivité et d’énergie.


Coilguns à la plateforme des Eaux-Vives. Dimanche 2 février à 17h30. Dans le cadre d’Antigel.