« Urgence internationale » face au coronavirus : qu’implique cette classification de l’OMS ?
by SudOuest.frLe virus, qui a provoqué le décès de 213 personnes en Chine, continue de s’étendre, si bien que l’OMS a décrété jeudi soir « l’urgence internationale ». Le dispositif promeut une mobilisation accrue des différents acteurs.
La nouvelle était attendue depuis plusieurs jours. Jeudi soir, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l'épidémie du coronavirus 2019-nCoV, apparue en Chine et qui s’est étendue à plusieurs régions du monde, constitue une urgence internationale, appelant toutefois à ne pas limiter les voyages. 213 personnes sont décédées en Chine, et près de 10 000 patients sont contaminés.
Quelles conditions pour déclencher une USPPI ?
Dans son histoire, l’OMS n’a déclenché une urgence de santé publique de portée internationale qu’à cinq reprises : pour la grippe H1N1 (2009), la poliomyélite (2014), Ebola (2014), Zika (2016) et à nouveau d’Ebola (2018). L’OMS explique que déclencher une USPPI s’impose lorsqu’"un événement extraordinaire, dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres États en raison du risque international de propagation de maladies", est détecté. La réponse sanitaire doit alors prendre la forme d’une « action internationale coordonnée ».
Pour en arriver à cette solution de dernier recours, la situation doit être « grave, soudaine, inhabituelle ou inattendue ». Elle doit également avoir « des implications pour la santé publique dépassant les frontières nationales de l’État affecté » et, de fait, « nécessiter une action internationale immédiate ». Autant de critères auxquels répond le coronavirus chinois.
Sur quels éléments se fonde la décision ?
La décision de déclencher cette urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) dépend du Règlement sanitaire international (RSI), révisé pour la dernière fois en 2005. Il s’agit d’un « instrument juridique international qui a force obligatoire pour 196 pays dans le monde", assure l’OMS. Son objet est d’éviter »la propagation internationale des maladies, à s’en protéger, à la maîtriser et à y réagir par une action de santé publique proportionnée et limitée aux risques qu’elle présente pour la santé publique, en évitant de créer des entraves inutiles au trafic et au commerce internationaux".
Dans le cas présent, comme lors de chaque alerte sanitaire d’ampleur, « un Comité d’urgence », composé « d’experts internationaux », rend « un avis technique au Directeur général de l’OMS ». C’est lui qui, in fine, prend la décision. La liste d’experts du RSI réunit des experts internationaux dans des domaines tels que la lutte contre les maladies, la virologie, la mise au point de vaccins ou l’épidémiologie des maladies infectieuses. Au moins un membre du Comité d’urgence est un expert désigné par l’État sur le territoire duquel l’événement se produit, en l’occurrence la Chine.
L’OMS s’était refusée la semaine dernière à déclarer cette urgence. Mais la donne a changé mardi dernier, quand une première contamination confirmée entre humains a été observée sur le sol européen, en Allemagne, avant que des cas similaires soient observés au Japon et au Vietnam, laissant planer la crainte de l’émergence de nouveaux foyers de contamination hors de Chine.
Qu’implique une USPPI ?
En se fondant sur l’avis du Comité d’urgence et sur les informations recueillies, des recommandations temporaires sont formulées. Elles concernent le pays d’où est partie l’épidémie, mais aussi d’autres pays, si les experts estiment que cela est nécessaire. Ces recommandations temporaires « parviennent automatiquement à expiration 3 mois après leur publication », rappelle l’OMS. Mais elles peuvent être modifiées autant que nécessaire.
Avec cette USPPI, les 196 pays sont invités à accroître leur surveillance et faire preuve de la plus grande transparence vis-à-vis de la situation sanitaire sur leur territoire. Dans le cas du coronavirus, qui touche 18 pays en plus de la Chine, le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a indiqué qu’il n’y a pas lieu de limiter les voyages et les échanges commerciaux avec la Chine. « L’OMS (…) s’oppose même à toute restriction aux voyages », a-t-il insisté.
La Russie, qui n’a pour l’instant déclaré aucun cas, a pourtant annoncé la fermeture de sa frontière, longue de plus de 4 000 kilomètres, avec la Chine. L’Italie a annoncé la suspension de tous les vols « de et vers » la Chine. Plusieurs compagnies aériennes, dont Air France, British Airways et Lufthansa, ont suspendu leurs vols vers la Chine continentale. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et les États-Unis déconseillent de s’y rendre. Le comité d’urgence a expliqué que ces restrictions à la circulation des personnes et des biens pendant une urgence de santé publique peuvent être « inefficaces », perturber la distribution de l’aide et avoir des « effets négatifs » sur l’économie des pays touchés.