Coronavirus : « Pourquoi nous ? », inquiétude à Carry-le-Rouet avec l’arrivée des Français rapatriés

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Les Français rapatriés de Wuhan, dont aucun ne porte les symptômes du coronavirus, se sont posés en milieu de journée sur la base militaire d'Istres.HECTOR RETAMAL AFP

L’avion en provenance de Wuhan a atterri ce vendredi, vers midi trente, à Istres. 200 Français vont passer ensuite 14 jours dans un centre de vacances, à une trentaine de kilomètres de Marseille.

Dans la petite station balnéaire de Carry-le-Rouet, sur la Côte bleue, près de Marseille, les habitants s’étonnent de devoir accueillir quelque 200 Français rapatriés de Wuhan, épicentre de l’épidémie de coronavirus. 

Au pied du vaste centre de vacances dans lequel ces Français rapatriés de Chine vont passer 14 jours confinés à partir de la mi-journée, dans une pinède de 3,5 hectares accessible par une étroite impasse, plusieurs gendarmes surveillent déjà le portail. Sur le parking de la résidence, derrière la grille, quatre véhicules de gendarmerie et quatre véhicules de la sécurité civile sont visibles. 

Peu avant 9 heures, ce vendredi matin, un impressionnant déploiement de CRS a été constaté sur les lieux de la résidence qui devrait être totalement inaccessible aux badauds et aux médias lors de l’arrivée des rapatriés de Wuhan. Le vol s’est posé vers 12h30 sur la base militaire d’Istres.

Les passagers, dont aucun ne présente de symptôme de la maladie, ont applaudi leur retour sur le sol français, une douzaine d’heures après leur départ de Wuhan. Le trajet s’est déroulé dans le calme, sans mesure sanitaire particulière à l’exception d’une distribution de masques chirurgicaux qui devaient être changés régulièrement par les passagers après s’être désinfecté les mains. Un sac en plastique jaune était déposé au pied de chaque rangée pour récupérer les masques usagés.

« Un lieu agréable »

Une équipe médicale a fait le vol à leur côté pour les rassurer. Une grande partie des passagers a dormi durant le trajet, et quelques-uns ont occupé le temps en lisant. Pendant leur période d’isolement, les rapatriés vont faire l’objet d’une surveillance médicale pour s’assurer qu’elles ne sont pas contaminées par le virus.  

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Un important dispositif de sécurité a été mis en place dans la petite commune des Bouches-du-Rhône.Crédit photo : GERARD JULIEN/ AFP

A leur arrivée, ces rapatriés, en majorité des Français, et quelques étrangers, dont des conjoints chinois de Français, ont été accueillis sur le tarmac par la ministre de la santé Agnès Buzyn. A une dizaine de mètres d’eux, derrière un ruban, elle a assuré qu’elle aurait aimé leur serrer la main, mais que les circonstances l’en empêchaient. « Nous nous sommes assurés que les conditions d’accueil à Wuhan… à Carry-le-Rouet, seront à la hauteur de votre soulagement », a déclaré la ministre, son lapsus suscitant quelques rires. « Tous les Français vous attendent (…) Reposez-vous, bon retour sur le sol français », leur a-t-elle lancé.

La ministre a aussi précisé que les visites extérieures seraient interdites lors de leur confinement dans le centre de vacances mais qu’ils pourraient recevoir des colis. 

« Pourquoi nous ? »

À quelques kilomètres de là, dans le centre-ville, au petit matin, les commerçants de Carry-le-Rouet, petite ville de 5 800 habitants à une trentaine de kilomètres de Marseille, ont encore du mal à y croire. 

« Je suis très étonné, pourquoi nous, il y a plein d’autres endroits », s’étonne Frédéric Vernet, boucher. « Pas inquiet » pour sa santé, le quadragénaire n’a cependant pas pris de précaution particulière et ne veut surtout pas « tomber dans la psychose ».  Mais ce qui l’inquiète le plus, ce sont « les affaires ». La ville s’apprête en effet à célébrer les « oursinades », une fête populaire au cours de laquelle la commune, pendant un mois, se déclare capitale des oursins qui seront dégustés sans modération.

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Les rapatriés de Wuhan vont rester pendant 14 jours dans ce centre de vacances à Carry-le-Rouet.Crédit photo : GERARD JULIEN AFP

« J’ai bien peur que cette nouvelle nous cause du tort, c’est pas du tout une bonne pub », craint Frédéric Vernet derrière son étal, craignant que des gens mal informés annulent leur visite. Quant aux rapatriés de Wuhan, il les « plaint ».

Mais ils seront bien logés, c’est un beau lieu de vacances, c’est mieux qu’un gymnase, c’est le paradis". 

L’hôtel d’à côté n’a pas enregistré d’annulation. Au contraire, il a récupéré quatre clients qui devaient séjourner dans la résidence réquisitionnée par les autorités. « On va voir comment ça évolue, mais il ne faut pas céder à la panique », témoigne le gérant Julien Carraretto, qui a reçu de nombreux coups de fils et SMS de proches l’invitant à rester prudent. 

« Un virus, ça se propage »

« Tout va bien s’ils ne sortent pas du lieu de confinement, mais je crains que 14 jours ce soit long et qu’ils ne respectent pas ces consignes », s’interroge Elisabeth, infirmière à la retraite. « Un virus ça se propage et ça mute. C’est sûr qu’on est plus exposés que le reste des Français", angoisse la vieille femme qui a appris  »stupéfaite" la nouvelle la veille au soir. 

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Le centre de vacances de Carry-le-Rouet où les rapatriés vont passer 14 jours en quarantaine.Crédit photo : GERARD JULIEN/ AFP

Lors d’une conférence de presse jeudi en fin de journée, le préfet des Bouches-du-Rhône, Pierre Dartout, avait tenu à rassurer par avance sur les risques de propagation du virus : les rapatriés de Wuhan « pourront sortir dehors, dans l’enceinte du centre, mais ils prendront les équipements nécessaires pour se protéger et protéger les autres, par exemple des masques". 

Et il leur sera bien sûr interdit de quitter le périmètre du site : ils devront signer « un engagement » à respecter la quarantaine, a insisté M. Dartout, après avoir précisé que les résidents seraient répartis  »par familles, dans des chambres distinctes". 

Pour l’heure, environ 8 900 cas d’infection à ce nouveau virus ont été détectés en Chine continentale (hors Hong Kong) et 213 patients en sont morts. Une centaine de malades ont été répertoriés dans une vingtaine d’autres pays, dont six en France, mais aucun patient n’est mort hors de Chine.