Plusieurs blessés à Tripoli lors d'échauffourées devant le domicile de Karamé

Routes bloquées au Liban-Nord et dans la Békaa au lendemain du report des consultations parlementaires

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Route coupée par des contestataires entre Minié et Abdé, au Liban-Nord, le 9 décembre 2019. Photo Ani
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Des manifestants rouvrant la route à Taalabaya, le 9 décembre 2019. Capture d'écran LBCI

Plusieurs personnes ont été blessées lundi en fin de journée lors d'échauffourées entre des manifestants et des gardes du corps du député Fayçal Karamé, à Tripoli, alors qu'au 54e jour du mouvement de contestation contre la classe dirigeante, la mobilisation était surtout importante au Liban-Nord.

L'incident est survenu alors que les contestataires effectuaient une tournée des maisons des députés et responsables politiques de la capitale du Nord, à l'entrée desquelles ils lançaient des sacs de déchets. Devant le domicile de M. Karamé, les gardes du corps de ce dernier ont réagi, en renvoyant les déchets en direction des manifestants. La tension est alors montée d'un cran entre les deux parties qui se sont échangées des jets de pierres. Certaines personnes présentes sur les lieux ont également accusé les gardes du corps de Fayçal Karamé de s'en être pris de manière violente aux protestataires, hommes et femmes confondus, au moyen notamment de matraques électriques. Alors que plusieurs personnes ont été blessées et ont dû être hospitalisées, l'armée s'est déployée sur place et a dû faire usage de gaz lacrymogène pour séparer les deux parties.

Réagissant à ces échauffourées, le conseiller de Fayçal Karamé, Ala' Jlaylati, a estimé dans des déclarations à la LBC que cet incident avait été "provoqué" par certaines parties. "Les jeunes ne sont pas venus d'eux-mêmes" à cet endroit et étaient animés par une "volonté de créer des problèmes avec les gardiens postés devant la maison du député Karamé", a-t-il indiqué. Il a souligné que cette campagne contre le député sunnite a été lancée "suite aux propos" de M. Karamé qui avait critiqué la veille Dar el-Fatwa, autorité religieuse sunnite au Liban, pour avoir "plébiscité Saad Hariri avant même la tenue des consultations parlementaires, violant l'accord de Taëf". M. Jlaylati a annoncé que Fayçal Karamé donnera une conférence de presse mardi pour s'exprimer sur ces derniers développements.

Routes fermées dans les régions majoritairement sunnites
Dans le courant de la journée, la contestation était surtout concentrée dans les régions majoritairement sunnites du Liban-Nord et de la Békaa, où de nombreuses routes avaient été coupées à la circulation.

A Tripoli, où un appel à la grève générale avait été lancé la veille, les principaux axes de la localité ont été coupés, et la plupart des établissements scolaires ont été fermés. Dans le Akkar, la route principale de Halba a été bloquée, tout comme la route reliant Bireh à Kobeyate, ce qui a provoqué des embouteillages dans le secteur où les écoles ont également fermé leurs portes. L'autoroute côtière reliant le nord au sud du Liban a aussi été coupée à l'aube à hauteur de Minié, ainsi que plusieurs routes périphériques, notamment la route principale de Beddaoui, au moyen de barrières. Dans ce secteur, la plupart des écoles ont fermé.

Dans la Békaa, plus précisément dans le caza de Zahlé, les routes avaient été bloquées en tout début de matinée par des contestataires à hauteur de Saadnayel et Taalabaya, avant que les manifestants rouvrent la route.

Plusieurs axes routiers ont en outre été coupés dans les régions de Rachaya et de la Békaa-Ouest, dans les localités de Kamed el-Loz, Jeb Jennine, Ghazé, Marj, Hoch el-Harimé, Souweyri et Rafid. Malgré des appels à la grève générale lancés dans ces régions, la plupart des écoles, des administrations publiques et des banques étaient ouvertes.

Par ailleurs, à Beyrouth, les locataires d’anciens immeubles, en conflit depuis des années avec les propriétaires d’immeubles qui louent sur base des anciens baux, ont manifesté devant le siège du ministère de la Justice pour réclamer leurs droits. Une délégation de ces locataires a été reçue par le ministre sortant de la Justice, Albert Serhane.

Une tentative de bloquer la circulation sur la voie-express du Ring, dans le centre-ville de Beyrouth, a été par ailleurs empêchée par les forces de l'ordre en début de soirée. Les manifestants se sont alors dirigés dans les quartiers avoisinants de Saïfi et Gemmayzé, où ils ont fermé des routes secondaires.

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Albert Serhane (droite) avec une délégation des locataires d’anciens immeubles. Photo Ani

Cette nouvelle mobilisation intervient au lendemain du report d'une semaine des consultations parlementaires en vue de nommer un Premier ministre après le désistement de Samir Khatib - jusque là donné favori pour diriger le prochain cabinet - au profit de Saad Hariri, qui avait démissionné le 29 dernier sous la pression de la rue.

Dimanche, l'homme d'affaires Samir Khatib, vice-PDG de la compagnie Khatib & Alami, a annoncé, depuis la Maison du Centre, qu'il retirait sa candidature, à l'issue d'un entretien avec Saad Hariri. Il avait auparavant été informé par Dar el-Fatwa, la plus haute instance religieuse sunnite du Liban, qu'il y avait une entente "musulmane" pour désigner le Premier ministre sortant lors des consultations parlementaires contraignantes. Dans la foulée, Baabda a reporté les consultations parlementaires qui devaient avoir lieu aujourd'hui au lundi d'après, soit le 16 décembre 2019.

"Nous sommes aujourd'hui face à de nouvelles données. Nous voulons savoir ce que veut Saad Hariri", a déclaré dans la journée le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, Mohammad Raad. "Nous sommes prêts à faire des concessions, mais pas au détriment de la dignité et de la souveraineté nationale", a-t-il ajouté. Le chef de l’État et ses alliés, dont le Hezbollah, sont en faveur d'un gouvernement dit "techno-politique", alors que la rue réclame un cabinet formé intégralement d'experts indépendants.

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