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Le président Emmanuel Macron, à Paris, le 9 décembre 2019.
Photo Ludovic Marin. AFP

Retraites : «La base de LR ne supportera pas un recul comme en 1995»

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La grève des transports se poursuivait ce lundi, à deux jours des annonces d’Edouard Philippe sur la réforme des retraites. Pour Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’Ifop, le succès de l’exécutif dépendra de sa capacité à maintenir sa «sainte alliance» avec l’électorat de droite.

Emmanuel Macron a-t-il raison de penser que le succès de sa réforme conditionne le reste de son quinquennat… et le suivant ?

Probablement. Sa cote de popularité se situe quelque part entre 33 et 38% de l’opinion : dans un scrutin à deux tours, cela peut assurer une réélection. Mais l’un des ressorts majeurs de ce socle, c’est qu’il est différent de ses prédécesseurs et qu’il s’est montré capable jusque-là de transformer le pays. Un recul total sur les retraites serait un coup mortel pour lui, une manœuvre extrêmement dangereuse en vue de la présidentielle. Les conséquences d’un éventuel recul partiel restent à mesurer.

Alors qu’ils ont jusqu’ici été nombreux à le soutenir, les sympathisants de droite sont partagés sur cette réforme…

C’est ce que j’avais appelé la «sainte alliance» entre ces sympathisants de droite et ceux de La République en Marche : un rapprochement, voire une fusion sur plusieurs grandes réformes, comme celles du code du travail ou de la SNCF. Cette convergence avait rendu légèrement majoritaire l’acceptation de ces réformes par l’opinion. C’est à nouveau un enjeu majeur aujourd’hui. Or, dans les enquêtes réalisées avant le début de la grève, les sympathisants de droite étaient très clivés : plus de 40% soutenaient le mouvement. Les sondages réalisés par la suite ont révélé une baisse de ce soutien, mais la situation reste moins claire que lors des précédentes réformes.

Pourquoi ?

L’opinion de droite admet sans difficultés qu’on fluidifie le code du travail ou qu’on réforme la SNCF. Mais les retraites sont un autre sujet, très anxiogène et qui concerne une bonne partie de cet électorat. Notamment la tranche d’âge 50-64 ans : celle à qui on demande de travailler plus mais qui se fait le plus souvent mettre dehors des entreprises, qui est confrontée à la dépendance de ses proches…

De quoi expliquer que le «ni-ni» des Républicains, opposés à la réforme et aux grèves ?

Oui, en plus du trauma récent causé par leur soutien aux gilets jaunes : leur électorat avait alors vite adopté une posture anti-chienlit et s’était replié vers Macron. Ce qui est sûr, c’est que la base de LR ne supportera pas un «1995 bis», même s’il est encore imprudent de comparer les deux mouvements. A l’époque, en effet, la propre base de Chirac lui reproche d’avoir rompu ses engagements de campagne, alors que Macron peut encore compter sur la sienne.

En cas de conflit dur, le gouvernement pourra donc jouer sur le réflexe régalien de l’électorat de droite. Il faudra aussi voir les effets de la prochaine intervention d’Edouard Philippe : issu de la droite, il y conserve une forte popularité qui en fait un véritable atout pour Emmanuel Macron. Si le Premier ministre trouve les mots, il pourrait arrimer à l’exécutif une partie plus importante de l’électorat LR.