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Manifestation du mouvement des Sardines contre l’extrême droite, à Milan le 1er décembre.
© Sipa Press

Les Sardines italiennes, le mouvement anti-Salvini qui rate sa cible

Né en réaction au populisme de droite, ce tout récent mouvement de la société civile fait concurrence... aux partis de gauche

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En à peine un mois, le mouvement des Sardines – au départ une simple manifestation contre un meeting du chef de file de la droite dure, Matteo Salvini – a suscité une vague d’intérêt de la population italienne et des médias. Ses leaders écartent pour le moment toute entrée dans la vie partisane et électorale.

Depuis quelques semaines, un nouveau joueur a fait irruption dans le monde politique italien : le mouvement des « sardines ». Il s’agit d’une mobilisation spontanée qui a pris pied dans la zone d’Italie où la gauche est traditionnellement hégémonique, et entend contrecarrer le discours de Matteo Salvini et du populisme souverainiste.

L’épicentre du mouvement est la ville de Bologne, en Émilie-Romagne, région clé de la période politique actuelle. En effet, les élections régionales s’y tiendront le 26 janvier et constitueront l’événement électoral de l’année 2020 en Italie. Le scrutin revêt un caractère national : la gauche y gouverne depuis 1970 et la droite n’y a jamais pesé beaucoup. Mais cette fois, le résultat est loin d’être acquis, au contraire : la coalition de droite, guidée par La Ligue, est en tête dans les sondages d’opinion. Une victoire du parti de Matteo Salvini mettrait sous pression l’alliance entre Parti démocrate et Mouvement 5 étoiles, déjà très conflictuelle et impopulaire dans le pays.

Le 14 novembre, en riposte à un meeting de Matteo Salvini à Bologne, un petit groupe de jeunes a organisé une contre-manifestation dans le centre de la ville, en espérant de mobiliser les citoyens « contre le populisme » et l’agressivité portée par La Ligue au centre du débat public. Leur but, remplir la Piazza Maggiore avec 6 000 « sardines », « serrées comme dans une boîte ». Le résultat a dépassé les attentes, avec 15 000 manifestants, et a débordé depuis Bologne: les manifestations se sont multipliées dans toute l’Italie et les leaders du mouvement enchaînent les plateaux de télévision.

Oxygène. Selon un sondage Demos publié dimanche, 25 % des Italiens se disent prêts à voter pour les Sardines, qui continuent pourtant à répéter ne pas vouloir fonder un parti mais « réveiller le pays » désormais habitué aux populismes. C’est peut-être là leur paradoxe : le mouvement est contre Salvini, mais le leader de La Ligue ne semble pas affecté par ces manifestations contre lui. La coalition de droite est proche de 50 % de popularité, un record historique, et Salvini a la confiance de 48 % des Italiens. Au contraire, ils montrent la faiblesse de la gauche, qui ne parvient ni à comprendre ce mouvement, ni à le récupérer : comment représenter des gens qui descendent dans la rue contre Salvini parce qu’ils estiment que la gauche n’est pas capable de l’affronter ?

Voilà pourquoi, au QG du Parti démocrate, on s’interroge sur la ligne politique à tenir face à un mouvement qui parvient néanmoins à remobiliser le peuple de gauche : « Les Sardines sont de l’oxygène pour notre démocratie », dit le secrétaire du Parti démocrate, Nicola Zingaretti, interpellé par un phénomène social et politique qu’il n’avait pas vu venir. Pire, il est train de prendre la place des partis de gauche dans l’imaginaire de l’opinion publique : « On a du respect et de l’attention par rapport à un mouvement qui partage nos valeurs. Mais en profiter politiquement est très difficile, compte tenu, hélas, de notre faible crédibilité », explique à l’Opinion un cadre du Parti démocrate.