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Manifestation à Hong Kong, dimanche 8 décembre.
© Sipa Press

Après six mois de manifestations, impasse politique et dégradation économique à Hong Kong

Malgré une nouvelle manifestation de quelque 800 000 personnes dimanche, les autorités hongkongaises ne semblent pas disposées à répondre aux revendications pro-démocratie

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Après avoir infligé une sévère défaite au pouvoir en place lors des élections des conseils de district, il y a deux semaines, les Hongkongais sont massivement descendus dans les rues, dimanche, pour montrer que leur mobilisation était toujours forte. Avec quelque 800 000 personnes dans le cœur de l’ancienne colonie britannique pour marquer les six mois de combat contre le gouvernement, la manifestation s’est déroulée en grande partie de manière pacifique.

De quoi rappeler les rassemblements des premières semaines où l’on avait pu recenser jusqu’à deux millions de personnes, le 16 juin. La pression du nombre n’avait alors pas réussi à faire plier les autorités locales refusant de supprimer la loi d’extradition – il aura fallu attendre septembre, lorsque la violence a commencé à prendre le dessus sur les défilés pacifiques, pour que celle-ci soit définitivement abandonnée.

Même si quelques incidents ont éclaté dimanche en fin de journée lorsque quelques manifestants radicaux ont jeté des cocktails Molotov à l’entrée de la Haute cour de justice, la marche, autorisée par la police, a permis de montrer que les Hongkongais restaient déterminés à obtenir des concessions de la part du gouvernement local, notamment au sujet de leur expression démocratique.

Six mois après la première manifestation du 9 juin, Carrie Lam a cédé sur la loi d’extradition, mais ses tergiversations ont conduit les manifestants à demander plus, notamment sur l’usage du suffrage universel pour l’élection du chef de l’exécutif, point sur lequel elle n’est pas en mesure de céder sans l’aval de Pékin. Or le gouvernement chinois n’est pas disposé à offrir aux Hongkongais la possibilité d’élire un responsable gouvernemental prêt à le défier. D’autant que le résultat du dernier scrutin pour les conseils de district a montré que la population hongkongaise était plus que jamais en faveur du camp pro-démocratie.

L’épouvantail de l’indépendance. La principale crainte des autorités chinoises porte sur la possibilité de voir l’émergence d’un mouvement en faveur de l’indépendance, qui pourrait être porté par un candidat issu des formations les plus engagées en faveur de la démocratie. Leur peur n’est sans doute pas sans fondement puisque, selon la dernière étude réalisée par l’Université de Hong Kong, seulement 11% des Hongkongais se sentent aujourd’hui « chinois », le niveau le plus bas jamais enregistré depuis que cette enquête régulière a été lancée en 1997, date de la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine populaire.

Voilà pourquoi Carrie Lam ne met aucune hâte à satisfaire les revendications des manifestants. Lors de la rencontre qu’elle a eue avec Xi Jinping, début novembre, ce dernier a dû lui expliquer que la politique « un pays, deux systèmes » qui régit actuellement le statut de Hong Kong était la seule, et qu’il n’y aurait pas de nouveaux aménagements. Pékin ne peut pas céder car cela reviendrait à perdre la face.

Par ailleurs, les autorités chinoises ont résisté jusqu’à présent à faire usage de l’armée pour mettre un terme aux manifestations, tout en la mobilisant régulièrement pour rappeler que l’option était sur la table. Toutefois, il semble bien peu probable que les soldats chinois répriment le mouvement hongkongais comme cela avait pu être le cas de la mobilisation étudiante en 1989 à Pékin. Le pouvoir chinois a trop à perdre dans une éventuelle intervention militaire et se contente pour l’instant d’une « guerre » psychologique contre les éléments les plus radicaux et les interventions étrangères, tout en défendant le principe d’« un pays, deux systèmes » qu’il voudrait aussi mettre en place à Taïwan.

Grain à moudre. Dès lors, Hong Kong est sans doute parti pour vivre encore plusieurs mois de face-à-face entre des manifestants de plus en plus déterminés et le gouvernement local soutenu par Pékin, car personne ne veut faire de concession. D’autant que la question hongkongaise a pris, au fil des mois, une dimension qui dépasse le cadre purement local. Elle a été instrumentalisée de part et d’autre pour devenir un sujet de relations internationales. Donald Trump a récemment promulgué la loi américaine sur les droits humains et la démocratie à Hong Kong. Non seulement cela a ajouté aux difficultés relationnelles entre les deux premières puissances de la planète, mais cela donne du grain à moudre aux deux parties pour camper sur leurs positions.

Pour le pouvoir hongkongais et son soutien pékinois, il n’est pas question de reculer devant l’Occident. D’autant moins que la rétrocession de Hong Kong incarne justement le retour d’un territoire cédé il y a plus de 150 ans sous la pression étrangère. Cette humiliation reste fortement ancrée dans la mentalité chinoise. Du côté des manifestants, cela les conforte dans leur lutte. D’ailleurs, dans les récents défilés, la présence de drapeaux américains ou britanniques indique clairement qu’ils lient leur détermination à l’appui de l’Occident. On peut donc craindre un retour de la violence dans les prochains jours, dans la mesure où aucune solution politique n’est aujourd’hui offerte des deux côtés.

La seule certitude, après six mois de manifestations, c’est la dégradation de la situation économique de l’ancienne colonie britannique. Et ce qui ne manque pas d’inquiéter, c’est que son avenir risque de s’assombrir dans la mesure où l’on constate que son destin est de moins en moins lié à celui de la Chine. Alors que sur le continent, on observe quelques signes optimistes de reprise, à Hong Kong, tout indique le contraire. L’indice PMI de Caixin mesurant l’activité en Chine a atteint en novembre 53,2 (au-dessus de 50, la croissance est au rendez-vous). Du côté hongkongais, l’indice PMI était à 38,5, son niveau le plus bas depuis 2003. Ce facteur pourrait devenir un élément déterminant pour trouver une issue après six mois d’impasse.