L’étonnante rémunération que versait France Inter à Bernard Guetta, son chroniqueur vedette

INFO CAPITAL : Avant de devenir député européen en mai sous la bannière d’Emmanuel Macron, Bernard Guetta avait fait les beaux jours de la chronique géopolitique de France Inter pendant 27 ans. Avec un joli salaire à la clef.


1991-2018… de la chute de l’URSS à la poignée de mains historique entre Donald Trump et Kim Jong-un, le journaliste Bernard Guetta a inlassablement décrypté la marche du monde durant ses 27 années aux commandes de la chronique géopolitique de France Inter. Une longévité exceptionnelle, qui a valu à l’eurodéputé macroniste un traitement de faveur au sein de la station. Avant qu’il passe la main à Pierre Haski, à la rentrée 2018, France Inter lui versait ainsi un salaire net annuel de 94.500 euros selon la déclaration d’intérêts qu’il a dû récemment transmettre à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) en raison de son élection comme député européen. Soit un montant voisin de 123.000 euros bruts par an. La HATVP exige des responsables publics qu’ils communiquent les rémunérations perçues durant les cinq années qui précèdent l’élection.

Inchangé depuis au moins 2013, ce salaire annuel représente un peu plus de 10.000 euros bruts par mois. Ramené au jour et donc à la chronique - cinq par semaine, du lundi au vendredi - ce sont donc 500 euros bruts environ que Bernard Guetta empochait à chaque passage dans le studio de France Inter. Précision importante : contrairement à son successeur Pierre Haski, embauché en contrat de piges “à la saison” - de septembre à juin - le récipiendaire du prix Albert Londres 1981 avait signé un CDI, au sein de la maison ronde. Cette nuance pousse à réévaluer l’importance de son salaire à la hausse, puisque Bernard Guetta se faisait remplacer durant l’été (début juillet à fin août) et au moins une partie des vacances scolaires, tout en continuant à être payé.

Quel temps de travail ?

La question de son temps de travail à France Inter mérite également d’être abordée, sachant que l’animation de la case de 8h17 était l'unique mission de Bernard Guetta dans l'entreprise. Un chroniqueur, dont le temps d’antenne se réduit à quelques minutes — trois, en l’occurrence — par jour, peut-il être considéré comme un salarié à temps plein ? Oui, selon Pierre Haski : “C'est de fait un plein temps ! Entre la veille d’actualités, les recherches, le choix du sujet et de son angle, j’y pense tout le temps, même quand je dors !”, témoigne auprès de Capital le successeur de Bernard Guetta. Sans surprise, le service communication de France Inter abonde dans le même sens, en mettant l’accent sur le temps de travail hors-antenne qu'exige le job de chroniqueur.

Ce “temps plein” de Bernard Guetta à Inter ne l’empêchait toutefois pas de cumuler d’autres activités lucratives. Ses chroniques pour le magazine économique Challenges et le média transalpin Internazionale lui rapportaient ainsi entre 1.000 et 5.000 euros bruts mensuels chacune, selon les (très vagues) fourchettes de rémunérations que les eurodéputés doivent communiquer au parlement, concernant leurs activités des trois années précédant leur entrée en fonction. Auréolé de son statut d’expert géopolitique, Bernard Guetta a également publié plusieurs ouvrages à intervalles réguliers, entre 1991 et 2018. Selon sa déclaration d’intérêts au parlement européen, les droits d’auteurs liés à ces diverses parutions lui rapportaient entre 500 et 1.000 euros bruts par mois, au moment de son entrée en fonction.

Même Guillaume Meurice peut jalouser son ex-collègue

Comment France Inter justifie-t-il cette rémunération exceptionnelle, au sein d’un service public de l’audiovisuel où les très hauts salaires sont rares, et en pleine grève des salariés contre la réduction de la masse salariale ? “La rémunération accordée à Bernard Guetta peut surprendre mais elle correspond à sa compétence, sa notoriété, et son expérience. Sa longévité au sein de France Inter et le pic d’audience de la chronique géopolitique sont des critères à prendre en compte pour apprécier ces chiffres”, indique le service communication de France Inter. Certes, mais les rédacteurs en chef les plus capés de Radio France, dont le salaire est bloqué à un peu plus de 5.000 euros bruts mensuels maximum (hors ancienneté), ne seront pas forcément d’accord !

“Il est clair qu’aujourd’hui, on n’offrirait plus un tel salaire”, admet tout de même notre interlocuteur à France Inter. La preuve : selon nos informations, même l’humoriste Guillaume Meurice, star de l’antenne, est payé “seulement” 250 euros bruts la chronique, pour un salaire mensuel d’environ 4.000 euros bruts par mois. Et encore, il vient tout juste d’être légèrement revalorisé par la direction de la station. Et Pierre Haski, dans tout ça ? Auprès de Capital, le successeur de Bernard Guetta affirme être “loin” du salaire de son prédécesseur, qu’il a d’ailleurs eu peine à croire lorsque nous lui avons soumis. Quoi qu’il en soit, le président de Reporters sans frontières a maintenant de sacrées billes pour réclamer une augmentation.