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En Namibie, le principal enjeu de la redistribution des terres réside dans la formation des populations à la gestion des fermes.© Gianluigi Guercia / AFP

Namibie : la question de la terre revient au centre du débat

C'est le résultat de l'échec de la politique de restitution volontaire de terres par les Blancs contre des « compensations justes » au profit des Noirs.

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La question des terres est de nouveau sur le devant de la scène en Namibie. Secondaire durant de nombreuses années, le sujet occupe aujourd'hui le centre du débat politique. En cause : une réforme agraire qui n'a pas porté ses fruits. Rappel : en 1990, à l'indépendance, la Namibie opte en effet pour une mesure fondée sur le volontariat. Les agriculteurs qui souhaitent vendre leurs fermes doivent proposer en priorité leurs terres à l'État, qui les redécoupe en petites parcelles ensuite attribuées à des « Namibiens anciennement défavorisés », la majorité noire. Une stratégie, qui de la bouche même du chef de l'État Hage Geingob, n'a pas permis d'obtenir « les résultats escomptés ». Et de souligner déjà l'an dernier que « le statu quo » ne pouvait continuer. À la suite de ces déclarations, des amendements constitutionnels pour exproprier, en échange de « compensations justes », des fermiers blancs avaient été annoncés. Un nouveau programme de 40 résolutions, le Revised National Resettlement Policy 2018-2027 avait d'ailleurs été lancé, largement consacré à la restitution des terres ancestrales.

Un sujet au cœur des discussions électorales

Si plusieurs de ces mesures sont toujours en discussion, le sujet a largement alimenté la campagne présidentielle de novembre, au terme de laquelle le président sortant a été réélu pour cinq ans. Bernardus Swartbooi, ministre adjoint des Terres de 2015 à 2017, en a fait, durant le scrutin, son cheval de bataille. Sous les couleurs de son parti, le Mouvement des gens sans terre qui a recueilli 4,9 % des voix, il a accusé le pouvoir d'utiliser la réforme pour servir « une petite élite », et a indiqué que celle-ci ne « bénéficie pas » aux « plus pauvres ». Lors de la campagne, Hage Geingob s'est engagé à confier 43 % des terres arables aux Noirs d'ici 2020, dans un pays où, à l'heure actuelle, 70 % des surfaces agricoles sont détenues par les Blancs, des descendants de Sud-Africains et de colons allemands, qui ne représentent que 6 % de la population.

Un pari risqué que de redistribuer les terres sans former les populations

Pour Helmut Halenke, à la tête d'une ferme de plusieurs dizaines d'hectares près de Windhoek, le pari est osé. « On ne peut pas prendre un homme sous un arbre et le mettre dans une ferme », insiste-t-il auprès de l'AFP en citant le cas de la plantation horticole d'Ongombo West, près de Windhoek, qui a dépéri une fois redistribuée à des familles mal formées et sans moyens. Si le projet n'est « pas bien mené », avertit-il, il risque de perturber la production agricole comme au Zimbabwe. Dans ce pays d'Afrique australe, la réforme agraire voulue par Robert Mugabe ne s'est pas bien passée. Après l'expropriation, à partir du début des années 2000, de milliers de fermiers blancs, la production agricole s'est littéralement effondrée, faute de moyens et par manque de formation de leurs nouveaux occupants. Entre 1990 et 2003, le taux de pauvreté dans le pays est passé de 25 à 60 %.

En Afrique du Sud, le sujet est tout aussi sensible. Et avec l'accession au pouvoir de Cyril Ramaphosa, la question a pris une tout autre dimension. Le gouvernement a fait de la réforme agraire une priorité en se prononçant pour des expropriations sans indemnisation. Objectif : « réparer les injustices de l'apartheid ». En Namibie, le gouvernement se propose de racheter les terres qui ne trouveront pas preneurs afin d'appréhender tout affaiblissement du secteur. Mais en aura-t-il les moyens ? Selon le syndicat des fermes commerciales, depuis 1990, environ 8 millions d'hectares de terre ont été proposés au gouvernement… qui n'en a acheté que 3. Une réalité qui donne une idée de la tâche qui attend les autorités sur cette question des terres.