Pensions de retraite : En attendant l’abattement total, Benchaâboun fait une “petite” fleur
by Soubha Es-Siari
Le passage de l’abattement de 55% à 60% des pensions de retraite a été voté vendredi dernier devant la Chambre des Conseillers avec une majorité de 30%. Un effort, bien qu’il soit important aux yeux des pouvoirs publics, demeure limité pour une frange importante de la population.
Mettre du beurre dans les épinards de ses vieux jours est le souci de tout un chacun. C’est un souhait qui reste difficile à réaliser dans une conjoncture où chacun tire la corde de son côté. En effet, après la Loi de Finances 2015 ayant introduit des réaménagements dans l’épargne retraite, cinq ans après c’est le projet de Loi de Finance 2020 qui prévoit un abattement des pensions de retraite ne dépassant pas 168.000 DH. Ledit abattement sera de 60% contre 55% actuellement.
Une exonération qui reste tout de même limitée si l’on prend en considération que le pensionné aujourd’hui en retraite a pendant longtemps contribué durant les années de dure labeur aux recettes fiscales tout en étant prélevé de l’impôt sur le revenu. Il est même insensé que pour ses vieux jours, il continue à être frappé par l’impôt sur le revenu.
Une double imposition fort pénalisante pour une catégorie de salariés à faible pouvoir d’achat. Cette double imposition a pendant longtemps cristallisé les débats mais sans aboutir in fine à une exonération totale. Avec le PLF 2020, ce différentiel de 5 pts reste faible aux yeux des citoyens et ce dans une conjoncture assez difficile et pour la même raison d’ailleurs ledit différentiel est un effort en soi de la part des équipes de Mohamed Benchaâboun. A ceux qui revendiquent la suppression des pensions de retraites de la liste des revenus imposables, le ministre des finances a répondu lors du vote du PLF 2020 à la Chambre des Conseillers que le passage de l’abattement de 55% à 60% coûte 10 Mds de DH au Budget de l’Etat. Autant dire que Mohamed Benchaâboun a pris tout le monde de court, puisqu’il pouvait invoquer l’article 77 de la constitution qui donne le pouvoir au gouvernement de s’opposer à toute mesure qui réduit les recettes ou augmente les dépenses affectant le budget de l’Etat.
Outre les pensions de retraite, le ministre des finances a fait un geste en faveur des pensionnés invalides en les exonérant totalement d’impôt sur le revenu.
Une action à saluer, chaleureusement, mais cela n’empêche pas de dire que pour une Loi de Finances qui prône l’inclusion sociale, les mesurettes préconisées dans le PLF 2020 en faveur des pensionnés restent tout de même dérisoires.
L’épargne retraite reste timide
Ajoutons à cela que les Marocains souscrivent peu aux produits commercialisés par les banques et les compagnies d’assurance en guise de complément de retraite.
Bien que les chiffres publiés par l’ACAPS attestent d’un rythme crescendo de la branche Vie & Capitalisation au cours des dernières années ( février 2019 elle a bondi de 18,3% s’établissant à 1.964,8 MDH contre 1.661,4 MDH à fin février 2018, soit une hausse de 18,3%), mais sans pour autant atteindre sa vitesse de croisière.
Nonobstant cette amélioration, l’épargne retraite reste insuffisante eu égard aux besoins croissants de l’économie. Pour quelles raisons ?
Interrogé sur l’impact fiscal, un courtier d’assurance explique : « Cette situation est due plus à une question de pouvoir d’achat. Je peux dire qu’au Maroc, l’offre en termes d’incitation fiscale en matière d’épargne et aussi en ce qui concerne la partie retraite est très équilibrée ». Et d’enchaîner : « On est à un niveau qui ne coûte pas trop cher à la collectivité mais qui est pour autant incitatif pour les assurés qui souhaitent cotiser en retraite ».
En dehors même du pouvoir d’achat ou de fiscalité, les gens souscrivent timidement à la retraite complémentaire. Si l’on prend l’exemple du produit Atakmili de la Caisse marocaine des retraites, la contribution commence à partir de 50 DH et le produit offre une retraite complémentaire intéressante. D’où l’effort de sensibilisation déployé par la Caisse pour sensibiliser les actifs cotisants à y souscrire.
Ceci étant, pour une économie en développement comme la nôtre, l’épargne retraite devrait jouer un rôle important dans le financement de l’économie. Or, elle demeure peu développée pour des raisons de pouvoir d’achat, mais également pour des croyances religieuses qui renient l’assurance. Le Takaful pourrait être une aubaine face à la résistance aux produits de l’épargne de retraite actuels.
Dans une récente rencontre, le président de l’ACAPS H. Boubrik a indiqué que probablement le premier trimestre 2020 verrait un démarrage effectif du Takaful. Ce produit participatif pourrait répondre à un besoin précis parce que une frange importante de la population attend l’assurance participative.