Les océans manquent de plus en plus d'oxygène
by Futura avec RelaxnewsUn rapport de l'UICN alerte sur le taux particulièrement faible d'oxygène dans les océans, surtout près des côtes. Accéléré par le réchauffement climatique, le phénomène a pris de l'ampleur depuis 1960 et menace aujourd'hui les poissons et ceux qui dépendent de cette ressource.
Déjà menacés par le réchauffement climatique et la surpêche, les océans souffrent aussi d'une perte en oxygène inquiétante, selon une étude publiée samedi 7 décembre par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Le rapport, qui s'appuie sur les travaux de 67 experts, est présenté comme le plus important à ce jour sur ce sujet mal connu. Il en ressort que cette perte d'oxygène « constitue une menace croissante pour la pêche et certains groupes d'espèces comme les thons, les marlins et les requins », avertit l'UICN, qui fait référence pour les espèces menacées avec sa « liste rouge ». La directrice générale de l'UICN, Grethel Aguilar, avertit sur le fait que le manque d'oxygène dans les océans, lié à leur réchauffement, met en péril l'équilibre délicat de la vie marine.
Le fragile équilibre océanique déjà modifié
Ce sont environ 700 sites à travers le globe, souvent sur des côtes et dans des mers semi-fermées, qui souffrent en 2018 de faible teneur en oxygène, contre seulement 45 dans les années 1960. Au cours de la même période, le volume des eaux anoxiques dans les océans mondiaux, c'est-à-dire des zones complètement vides d'oxygène, a quadruplé.
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La désoxygénation s'explique principalement par deux phénomènes : l'eutrophisation (prolifération de certains végétaux, en général des algues) qui, selon le rapport, est due au ruissellement des nutriments provenant des continents et aux dépôts d'azote provenant de l'utilisation de combustibles fossiles ainsi qu'au réchauffement des eaux océaniques imputé au changement climatique. À l'échelle mondiale, le taux d'oxygène dans les océans a diminué d'environ 2 % entre 1960 et 2010, selon le rapport.
En temps normal, la quantité d'oxygène dissous dans les eaux océaniques est comprise entre sept et huit milligrammes par millilitre. Quand ce taux diminue en dessous de deux milligrammes par millilitre, l'équilibre de la vie marine est bouleversé. Les espèces tolérantes à l'hypoxie (les micro-organismes et les méduses par exemple) sont favorisées au détriment d'espèces qui y sont sensibles, comme les thons, les marlins et les requins par exemple. Si les conséquences de la désoxygénation des océans pour les humains sont encore mal connues, l'UICN relève toutefois la dépendance de populations côtières, en particulier dans des pays en développement, à l'océan et plus généralement de l'Homme à la pêche.
Un cri d’alarme durant la COP25
« Pour limiter la perte d'oxygène dans les océans, parallèlement aux autres effets dramatiques des changements climatiques, les dirigeants mondiaux doivent s'engager à réduire immédiatement et de manière substantielle leurs émissions », exhorte Grethel Aguilar alors que se tient la COP25 sur le climat à Madrid. Ils pourraient encore perdre 3 à 4 % de leurs stocks d'oxygène d'ici à 2100 si les émissions continuent à croître au rythme actuel. Le rapport indique que la majeure partie de cette perte se concentrant dans les premiers 1.000 mètres de la colonne d'eau, où la richesse et l'abondance des espèces sont les plus élevées.
Les OMZ, zones de minimum d’oxygène, s'agrandissent dans l'océan mondial
Articlé publié le 9 mai 2008 par Jean-Luc Goudet
De larges zones de l'océan, en milieu tropical, présentent un taux d'oxygène très faible. Ce phénomène, naturel et saisonnier, s'est étonnamment intensifié depuis une cinquantaine d'années d'après une étude récente et pourrait mettre à mal la vie marine.
Pour différentes raisons, la teneur de l'océan mondial en oxygène dissous est loin d'être uniforme. La première cause est la température : une eau chaude retient moins d'oxygène qu'une eau froide. En certains endroits, l'hypoxie (manque d'oxygène) est maximale et affecte fortement l'activité biologique dans les premières centaines de mètres de profondeur. Ces Zones de Minimum d'Oxygène, ou OMZ (open-ocean oxygen-minimum zones), s'observent dans les régions tropicales, dans le Pacifique Est et dans le nord de l'océan Indien. Elles sont associées à des zones d'upwelling et leur étendue augmente en été pour se réduire en hiver. Elles restent plutôt mal connues, bien moins en tout cas que les régions froides, plus riches en poissons et d'intérêt économiques plus grand.
Le réchauffement climatique devrait contribuer à étendre ces OMZ ou à y intensifier l'hypoxie. Les modèles indiquent bien que le taux moyen d'oxygène devrait baisser. Mais l'effet de la circulation océanique joue un rôle sans doute important et cependant mal compris. Pour savoir ce qu'il en est aujourd'hui, une équipe internationale a réalisé une étude bibliographique, compilant toutes les données accumulées depuis 1960 sur les teneurs en oxygène dans six régions tropicales, au niveau d'OMZ connues.
Les OMZ s'épaississent
Mené par Lothar Stramma (Institut des sciences marines de Leibniz, IFM-Geomar, Kiel, Allemagne), ce groupe d'océanographes a complété ses données avec les mesures effectuées récemment par leurs propres organismes de recherche (dont la Scripps Institution of Oceanography, de l'université californienne de San Diego). Les chercheurs ont également utilisé les mesures de flotteurs Argo, qui surveillent automatiquement la température et la salinité dans tous les océans de la planète. Sur les trois mille qui ont été déployés, 150 disposent d'instruments de mesure de l'oxygène, ce qui fait dire à Janet Sprintall, de la Scripps Institution of Oceanography, que cette proportion devrait être notablement augmentée, vu la qualité des données recueillies.
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Les résultats, qui viennent d'être publiés dans Science, ont étonné les auteurs de l'étude eux-mêmes. Les chiffres indiquent que ces OMZ se sont en un demi-siècle agrandies dans le plan vertical, vers la surface et vers le fond, tandis que les teneurs en oxygène se sont affaiblies. La diminution moyenne est de 0,09 à 0,34 micromole par kilogramme et par an. En valeur relative, le maximum de l'appauvrissement atteint 15%, dans l'Atlantique, au nord de l'équateur et à l'ouest de l'Afrique. « Les résultats ont dépassé nos suppositions » confie Janet Sprintall.
Cette extension verticale plus grande a de quoi compromettre le développement du plancton et de toute la chaîne alimentaire, jusqu'aux poissons. C'est ce que craignent les océanographes ayant participé à l'étude et ceux qui l'ont commentée.