L'ordre des médecins sévèrement épinglé par la Cour des comptes
Trop masculin, trop vieux, trop peu soucieux des patients, la Cour des comptes critique fortement l'ordre des médecins dans un rapport rendu public ce lundi matin.
by Eric FavereauC’est un rapport sévère qu’a rendu public ce lundi la Cour des comptes sur l’ordre des médecins, stigmatisant son organisation comme le manque de surveillance de ses dépenses, et son positionnement. D’abord, sur sa façon de fonctionner, la Cour note que, «comme d’autres ordres des professions de santé contrôlés par la Cour, l’ordre des médecins est traversé par des problèmes de gouvernance qui rejaillissent sur la qualité de sa gestion». Elle pointe «la surreprésentation d’hommes (91%) âgés et retraités (40%) au sein du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), ainsi que la longévité des mandats exercés», ce qui pour le moins «ne favorise pas la prise de conscience d’un changement nécessaire».
«Pas suffisamment de rigueur»
Ensuite, l’argent. Les questions du processus de recouvrement des cotisations et de la tenue des comptes ne paraissent pas très au point, alors que cela concerne de gros budgets. Tout est «abandonné sans contrôle aux conseils départementaux de l’ordre». Et les magistrats listent une série de dépenses pas toujours bien justifiées. Autre critique, les magistrats de la rue Cambon s’étonnent du positionnement actuel de l’Ordre. «Celui-ci intervient fréquemment dans le champ de la défense des intérêts professionnels empiétant ainsi sur le rôle des syndicats». Or, dans le même temps, «il n’exerce qu’imparfaitement nombre de ses missions». Et par exemple «le contrôle du respect par les médecins de leurs obligations ou des règles déontologiques de la profession» laisse à désirer. La Cour se montre sévère sur le manque de vigilance de l’Ordre, «au regard des relations avec l’industrie pharmaceutique». Et plus généralement, «l’accès aux soins n’apparaît pas non plus comme une priorité». La Cour se montre même menaçante : «Certains errements de gestion pourront donner lieu à une saisine des autorités judiciaires par l’intermédiaire du parquet général près la Cour.»
Sur le volet des plaintes que reçoit l’ordre des médecins – aussi bien venant des malades que venant des médecins –, là aussi la Cour a un jugement rude : «En matière disciplinaire, le traitement des plaintes des patients n’est pas assuré avec suffisamment de rigueur et l’impartialité de la formation de jugement n’est pas toujours garantie.» Et de prendre des exemples troublants : «Dans un certain nombre de cas, l’absence de poursuites disciplinaires pose question. Ainsi, l’analyse d’une cinquantaine de décisions rendues entre 2016 et 2017 révèle l’existence d’irrégularités de procédure ou un manque de diligence dans le traitement des plaintes pour des faits à caractère sexuel.»
Immobilismes solides
Devant ce réquisitoire, l’ordre des médecins a vivement réagi, rappelant qu’il «s’est engagé depuis 2013, après l’élection d’une nouvelle équipe, dans une transformation profonde avec un objectif de modernisation institutionnelle sur une période de neuf ans». Ce qui est en grande partie vrai : le nouveau président, le Dr Patrick Bouet, médecin généraliste tente, non sans courage, de réveiller les immobilismes solides de cette structure. L’Ordre ne s’excuse pas, en tout cas, d’avoir pris position sur plusieurs projets de loi relatifs à la santé (Claeys-Leonetti, «Ma santé 2022», révision des lois de bioéthique). Des prises de position qui lui avaient d’ailleurs déjà été reprochées dans le passé.
Pour autant, le Cnom ne répond pas aux questions précises, ni à la composition de ses membres, peu conforme aux profils actuels de nouveaux médecins. «Si l’Ordre conteste en grande partie l’analyse portée sur sa gestion, il reste soucieux de poursuivre la modernisation de l’institution d’ores et déjà engagée depuis six ans», conclut-il. Sur ce point, nul ne le contredira.