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Nimes, le 29 novembre 2019. Michael Guigou, joueur de l'équipe de France de handball et membre du Club de Nimes (USAM).
Nanda GONZAGUE

Michaël Guigou, toujours pas rassasié

Ce monstre du handball international est passé à Nîmes après près de vingt ans à Montpellier. Avec en ligne de mire les JO de Tokyo, pour lesquels l’équipe de France n’est pas encore qualifiée.

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2020, année olympique. Elles et ils rêvent d’être de la fête aux Jeux de Tokyo, du 24 juillet au 9 août. Pour une consécration, une revanche, un tour d’honneur, une rédemption. Tout au long de cette année qui s’achèvera pour elles et eux dans des larmes de joie, de douleur ou de déception, Libération suit quatre sportifs en pleine préparation : Quentin Bigot, athlète dingue de marteau, Michaël Guigou, baroudeur des terrains de hand, Marie Oteiza, discrète pentathlète, et Ysaora Thibus, fine lame. Pour ces quatre-là, l’essentiel sera de participer aux JO. Et si possible de briller.

«C’est gentil d’avoir pensé à moi, mais pour l’instant, les JO, on n’y est pas !» Ainsi parle un homme qui reste, au cours des trois dernières éditions olympiques, sur deux médailles d’or et une d’argent. Moins iconique qu’un Nikola Karabatic, moins spectaculaire qu’un Luc Abalo, moins démonstratif qu’un Thierry Omeyer en son temps, Michaël Guigou, 37 ans, fait pourtant partie des monstres du handball international. Tour à tour clinique à la finition, génial à la création, imperturbable dans l’exercice des penalties… on confesse un faible pour l’ailier gauche des Bleus, titulaire de la chaire depuis une quinzaine d’années. Il y a là un brin d’admiration pour un homme au physique «normal» (1,80 m pour 78 kilos), dans un sport qui a fait la part belle, depuis vingt ans, aux double-mètres option déménageurs. Mais aussi une reconnaissance envers le joueur, qui, selon la légende, a fait de l’équipe de France une machine à gagner, à son corps défendant.

1er février 2007, dans l’Arena de Cologne. La France et l’Allemagne sont au coude-à-coude en demi-finale du Mondial. Il reste vingt secondes à jouer au cours de la deuxième prolongation et la sélection allemande mène d’un but. On ne sait trop comment, Michaël Guigou parvient à subtiliser le ballon des mains adverses avant de lâcher un tir qui permet à la France d’égaliser. La paire arbitrale en décide autrement, préférant rendre la possession aux Bleus mais sans valider le but. L’Allemagne part en finale, qu’elle remportera. Côté français, passées l’énorme colère et frustration, la défaite de Cologne déclenche une prise de conscience collective : les Bleus sont forts, certes, mais pas assez pour se mettre à l’abri de décisions arbitrales litigieuses. Ils reprennent les bases de leur jeu. Efficace, puisque entre 2008 et 2012, ils gagnent toutes les compétitions auxquelles ils participent, sauf une. Bilan : deux titres olympiques, deux mondiaux, et un européen. Autant d’aventures auxquelles Michaël Guigou a largement contribué.

«Un travail quotidien et de fond»

Le temps a passé, mais le natif d’Apt (Vaucluse) a physiquement peu changé, hormis des tempes plus éclaircies. L’été dernier, sa carrière a pourtant connu un grand chambardement. Après vingt années passées au sein du club de Montpellier, le plus titré du handball français, l’ailier a décidé de mettre les voiles, fâché avec Patrice Canayer, l’emblématique entraîneur de l’équipe héraultaise. Direction Nîmes, à 60 kilomètres de route. Si Guigou a rejoint le rival gardois, «c’est pour prendre du plaisir, jouer au handball et continuer [sa] carrière». Avec, en ligne de mire, les JO de Tokyo (24 juillet-9 août), pour lesquels, en effet, l’équipe de France n’est pas encore qualifiée.

«On reste sur deux dernières compétitions positives, conclues par des médailles de bronze, mais avec à chaque fois de gros échecs en demi-finale», explique Michaël Guigou. Les règles de qualification pour les Jeux au Japon prévoient douze places. Quatre nations étant déjà qualifiées, seuls huit sièges restent à garnir. Le prochain champion d’Europe (début 2020) aura le droit à un, tandis que les derniers prétendants devront passer par un tournoi de qualification au printemps. Un exercice risqué que Guigou voudrait éviter : «Il y a un tel niveau parmi les équipes européennes que cela peut être compliqué.»

Après quasiment vingt saisons dans l’élite, le bonhomme pense avoir l’expérience pour gérer au mieux cette année pré-olympique. «C’est un travail quotidien et de fond, décrit-il. Le but est de tenir jusqu’au bout, mentalement et physiquement, avec une saison qui pourra dépasser les 80 matchs pour certains joueurs. A mon âge, j’essaie surtout d’aller du mieux possible. Il y aura des moments cruciaux dans la saison, où il faudra tout faire pour montrer qu’on mérite sa place.»

«Je ne me vois pas ne pas en être»

Le sélectionneur Didier Dinart ne pourra en effet emmener que 14 joueurs dans l’aventure olympique. «Si je suis en forme, je ne me vois pas ne pas en être, certifie Guigou. Parce que j’ai du respect pour moi-même et ce que je peux apporter à l’équipe.» Une motivation qu’il dit aussi avoir trouvée en 2016, après la défaite (26-28) en finale des JO contre le Danemark. «J’ai mis un long moment à m’en remettre, mais dès mon retour de Rio, je me suis dit que je ne pouvais pas m’arrêter sur un truc comme ça. J’étais quasiment persuadé que je pourrais être dans la situation d’aujourd’hui, à faire une interview sur ma participation aux Jeux de Tokyo.»

Pour quel objectif ? Les supporteurs de l’équipe de France de handball ont-ils été trop bien habitués par les années où l’or tombait immanquablement dans les mains bleues ? «A cette époque, on savait que si tout le monde évoluait à son niveau, personne ne pouvait nous battre, rembobine Guigou. Forcément, tel ou tel joueur allait sortir un gros match, gagner ses duels…» Au hasard, Nikola Karabatic, Daniel Narcisse ou Thierry Omeyer… Les deux derniers sont à la retraite, alors que le premier sort d’une saison pourrie par une opération au pied. Après avoir connu un renouvellement générationnel massif, le collectif français a-t-il atteint l’âge de la maturité ? «Je pense qu’on en est capables, mais on ne l’a pas encore prouvé, pointe Guigou. Au contraire on s’est écrasés quand on en a eu l’occasion.» Il résume la situation ainsi : «On n’est plus champions de rien du tout.»