Peut-on vraiment tout privatiser et serait-ce souhaitable ?
En novembre, l'introduction en Bourse de la Française des Jeux a relancé le mouvement de désengagement de l'État après plus de trente ans marqués par de nombreuses privatisations. Mais peut-on vraiment tout privatiser et est-ce souhaitable ? Pour répondre, le Débat Capital a reçu Dominique Plihon, professeur émérite à l’Université Paris XIII et Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l'ESCP Europe.
Si l’on consulte le cours de quelques actions emblématiques de l’histoire des privatisations en France, on constate que la bonne affaire n’a pas toujours été au rendez-vous : ainsi en fut-il avec EDF, dont le cours de l’action était de 32 euros lors de l’émission en novembre 2005, contre 9 euros en novembre 2019. Idem avec France Télécom (devenue Orange) dont l’action valait 27 euros en octobre 1997 au lancement de l’ouverture du capital, contre 0,80 euros début novembre 2019. A l’inverse l’action BNP valait 17 euros en octobre 1993, contre 48 euros début novembre 2019 ou encore Total, avec une action à 3 euros en janvier 1989 lors de l’émission, contre 49 euros en avril 2019 (Source : Euronext. Prix arrondis. Cotation brute, hors dividendes).
Plus récemment, c’est Jean-Marc Ayrault, à la tête du premier gouvernement de François Hollande, qui relança entre 2012 et 2014 des cessions de participations dont Safran et EADS. Manuels Valls en fit autant jusqu’en 2016, avec Safran et plusieurs aéroports dont Toulouse-Blagnac, Lyon-Saint-Exupéry et Nice-Côte-d’Azur. Dans une certaine continuité, le gouvernement d’Edouard Philippe entend défendre sa vision de l’Etat-stratège en cédant ses participations dans La Française des Jeux, ADP et Engie. Mais peut-on vraiment tout privatiser et est-ce souhaitable ? Pour répondre, le Débat Capital a reçu Dominique Plihon, professeur émérite à l’Université Paris XIII et Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l'ESCP Europe.
Pour ce dernier, cela ne fait aucun doute, il faut privatiser et Jean-Marc Daniel affirme même que “l’Etat a davantage vocation à être maître d’ouvrage que maître d’oeuvre”. Autrement dit, l’Etat devrait se cantonner à définir les règles et “se concentrer sur les vrais enjeux notamment énergétiques, climatiques et écologiques”. Il rappelle d’ailleurs qu’au-delà des services publics, le portefeuille des participations de l’Etat “n’est pas une histoire rationnelle mais une histoire politique”. Et de citer en guise d’exemple le cas du constructeur automobile Renault “qui n’est devenu propriété de l’Etat que pour sanctionner le comportement de ses dirigeants pendant l’Occupation...”
A contrario, Dominique Plihon conteste ce mouvement de privatisations qu’il décrit comme un “capitalisme actionnarial” fondé sur “la primauté de l’actionnaire” et qu’il entend remettre en question pour l’améliorer. Comment ? D’abord par la mise en place d’instances dirigeantes dans les entreprises où se retrouveront aux côtés des actionnaires, “des représentants des usagers, des salariés, des collectivités publiques…” De quoi créer une forme de “contrôle social des entreprises”, selon Dominique Plihon. Pour en savoir plus sur les privatisation en France, retrouvez ci-dessus notre Débat Capital en vidéo.