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Une couronne de branches et de pierres sculptées posée sur une île, comme surgie d'un rêve : la ruine du château de La Mothe Chandeniers (photo) a servi samedi de décor à la fête de Noël de 350 propriétaires du lieu devenu emblématique du sauvetage du patrimoine par le financement participatif. /Photo prise le 7 décembre 2019/REUTERS/Stéphane Mahé STEPHANE MAHE

Noël à La Mothe Chandeniers, ruine poétique aux 25.000 propriétaires

par Elizabeth Pineau

LES TROIS-MOUTIERS, Vienne (Reuters) - Une couronne de branches et de pierres sculptées posée sur une île, comme surgie d'un rêve : la ruine du château de La Mothe Chandeniers a servi samedi de décor à la fête de Noël de 350 propriétaires du lieu devenu emblématique du sauvetage du patrimoine par le financement participatif.

La magie du décor diffusée dans les médias et sur les réseaux sociaux, ajoutée à l'engouement pour les vieilles pierres et les lieux de mystère, ont transformé en aventure collective le site abandonné aux plantes et aux oiseaux après un incendie, en 1932.

La campagne de récolte de fonds lancée fin 2017 via la start-up "Dartagnans" et l'association "Adopte un château" a permis à quelque 25.000 personnes de 115 pays de devenir propriétaires du château pour la modique somme minimum de 50 euros, gonflant une première enveloppe de 1,6 million d'euros.

Un record pour ce type de financement né d'internet, désormais au service d'un patrimoine multiséculaire dont l'Etat était jusqu'ici le garant principal.

Et pour les copropriétaires, un rêve éveillé, que nombre d'entre eux sont venus voir de leurs yeux à l'occasion du "Noël des châtelains" organisé face à l'île où trône la ruine désormais étayée par des échafaudages, d'où surgissent nuées d'oiseaux et branches d'érables dépouillées par l'hiver.

"UN RÊVE D'ENFANT"

"C'est un rêve d'enfant. Petit garçon, j'étais fasciné par les châteaux donc aujourd'hui, devenir copropriétaire, c'est extraordinaire", a confié à Reuters Willy Nanlohij, venu spécialement des Pays-Bas avec son épouse Hilda pour cette garden party qui a donné lieu à un goûter, un échange de cadeaux au pied du sapin et un feu d'artifice dans la nuit poitevine.

"On n'aurait jamais pu s'offrir ça. Là, on se dit qu'il y a une pierre dedans qui nous appartient", dit Chantal Descottes-Castro, aide-soignante de 51 ans venue de Tulle (Corrèze).

Bonnet de père Noël sur la tête, Katia et Adelia de Azevedo, deux soeurs de Saint-Etienne (Rhône), font partie des propriétaires bénévoles occupés à vendre des produits dérivés - T-shirts, vin local cuvée "La Mothe Chandeniers", briquets, bonnets - dans les anciennes écuries.

"Quand on a vu la photo, on est tombées raides dingues du lieu", raconte Katia. "On a acheté des parts avant même de venir et nous avons organisé nos vacances d'été tout autour."

"J'ai hâte de connaître le premier bébé issu d'une rencontre entre propriétaires de La Mothe Chandeniers, ça arrivera forcément un jour !", sourit Romain Delaume, cofondateur de "Dartagnans", start-up d'une dizaine de salariés née en 2015 à l'origine du projet.

Après les Français, les Américains et les Anglais ont été les plus nombreux à répondre à l'appel.

CHARME INTACT

"Nous en avons entendu parler par des invités venus loger chez nous", a raconté à Reuters Robert Powell, Britannique qui propose avec son épouse Suzanne des chambres d'hôtes à Loudun, non loin du château. "Le fait que ce soit rénové non avec des standards modernes mais dans un souci de préservation de la ruine la rend encore plus belle."

Installé sur son île depuis le XIIIe siècle, le château a été transformé au XIXe siècle dans un style gothico-renaissance inspiré de chefs d'oeuvres voisins que sont les châteaux de Blois et Azay-le-Rideau, au goût de ses riches propriétaires, le baron Edgar Lejeune et son épouse Marie Ardoin.

Lors de l'incendie, l'escalier d'honneur et une partie de la tour de l'Horloge ont échappé aux flammes mais le toit s'est envolé, laissant place à la nature qui s'est engouffrée dans les ouvertures en quête de lumière. Son insularité a protégé le site du vandalisme, contribuant à garder son charme intact.

"Il y a un équilibre instable entre une approche sensible du lieu magnifié par l'état de ruine et une nécessité, malgré tout, de l'empêcher de se dégrader. Jusqu'où aller ? La question se pose", a dit à Reuters le castellologue Christian Corvisier.

"Dartagnans", qui consulte par mail les co-propriétaires à chaque grande décision, a entrepris de sécuriser le site sans le dénaturer, avec l'idée de le louer pour des événements afin de financer de futurs travaux. En 2019, celle qui n'est plus une ruine secrète a attiré 15.000 visiteurs.

(Elizabeth Pineau est au nombre des 25.000 copropriétaires du château).

(Avec Udi Kivity)