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Le syndicat MG France lance l'opération "samedis noirs" à compter du 14 décembre 2019.  (c) Afp

Opération "samedis noirs": des médecins généralistes en colère fermeront leur cabinet le samedi matin

Dès le 14 décembre, MG France appelle les médecins à fermer leurs cabinets le samedi matin pour protester contre le plan urgences. D'autres syndicats suivront.

Elle a été baptisée l'opération "samedis noirs". A l'unanimité, lors d'une assemblée générale le samedi 7 décembre, le premier syndicat de médecins MG France a voté la fermeture des cabinets médicaux les samedis matins à compter du 14 décembre. Ils dénoncent "l'absence des moyens nécessaires pour organiser la continuité des soins" en France. Et ce, alors que la ministre de la Santé Agnès Buzyn s'est engagée en septembre, dans le cadre de son pacte de refondation des urgences, à ce que soit mis en place un service d'accès aux soins (SAS) à compter du 30 juin 2020 sur tout le territoire. Un service qui doit s'appuyer en grande partie sur la médecine de ville pour prendre en charge les petites urgences et ainsi désengorger les hôpitaux.

Problème, l’enveloppe de 340 millions d’euros sur trois ans mise sur la table pour créer ce SAS paraît famélique compte tenu de l’ampleur du chantier. "Cela représente à peine plus de 100 millions d’euros par an à se partager entre tous les acteurs impliqués, notamment les médecins libéraux et les centres de régulation des appels d’urgences du 15", relève le Dr Jacques Battistoni, président de MG France, qui évalue le besoin financier à "au moins le double de ce montant prévu annuellement". Reçu mercredi dernier par le cabinet de la ministre de la Santé, en présence du directeur de l’Assurance maladie, le syndicat –qui avait lancé un préavis de grève le 26 septembre s’il n’obtenait pas un "new deal" pour la médecine générale– n’a pas obtenu gain de cause sur sa demande de moyens supplémentaires.

"Médecins déjà débordés"

"Ce système d’accès aux soins est totalement nouveau pour la médecine de ville, qui va devoir s’adapter pour informer la population, répondre à des nouveaux besoins par téléphone et par Internet", ajoute le président de MG France, qui compte d'ailleurs s'adresser désormais directement à Gérald Darmanin à Bercy ou à Edouard Philippe, qui tiennent le cordon de la bourse. "On ne peut pas demander plus à des médecins qui sont déjà débordés, travaillent plus de 50 heures par semaine, sans améliorer leurs conditions de travail, notamment en valorisant davantage ces astreintes."

Le sujet est brûlant au sein des cabinets médicaux. D’après un sondage* mené par le syndicat, bon nombre de médecins généralistes souhaitent revoir les règles du jeu en matière de permanence de soins (PDS), dont les consultations sont mieux rémunérées. Inscrite dans la loi, la PDS s’organise la nuit (de 20 heures à 8 heures) en semaine, les week-end (à partir du samedi à midi) ainsi que les jours fériés. Les tours de garde sont répartis, par territoires, entre les médecins volontaires. Or, 70% des médecins sondés par MG France aimeraient que le samedi matin soit désormais inclus dans la permanence de soins, et 44% souhaiteraient que les horaires de ces gardes démarrent dès 18 heures en semaine.

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"Les médecins généralistes disent clairement stop aux horaires de travail extensifs. Eux aussi ont droit à une vie de famille et à des loisirs. C’est même la condition indispensable pour rendre à la médecine générale libérale son attractivité. Et pour maintenir une offre de soins primaires sur tout le territoire", a ainsi averti le syndicat en publiant les résultats de son sondage. De fait, selon un rapport publié en mars dernier par le Conseil de l’ordre des médecins (Cnom), le taux de volontariat national des médecins pour s’inscrire à ces gardes s’élevait à 38,6% en 2018, soit 23.197 médecins volontaires pour 60.131 médecins susceptibles de participer à la permanence de soins.

"Siphonner l'activité de la médecine ambulatoire"

Manque de médecins dans de plus en plus de territoires, difficultés à libérer du temps médical pour prendre des charges supplémentaires… Au-delà des craintes sur leurs conditions de travail, les médecins généralistes se sentent surtout les laissés pour compte de la réorganisation globale du système de soins mise en branle par Agnès Buzyn et encore trop "hospitalo-centrée" aux yeux de la médecine de ville. Même le fameux service d’accès aux soins (SAS) promis par la ministre, censé soulager les services d’urgences, est placé "sous l’égide de l’hôpital", ont dénoncé en chœur les syndicats de médecins libéraux dans un communiqué conjoint le mois dernier. "Le SAS ne doit pas être le 15 rebaptisé!" martèle le Dr Jacques Battistoni, en soulignant qu’"aujourd’hui deux appels sur trois traités par le 15 relèvent de la médecine de ville et ce n’est pas normal".

A l’unisson avec les autres syndicats (FMF, SML et CSMF) sur ce front-là, le président de MG France milite pour la mise en place de deux systèmes d’accès aux soins distincts afin de "ne pas mélanger les soins de ville avec les urgences médicales". Autrement dit, il faudrait donc créer une filière spécifique aux soins de ville pour les soins non programmés - c'est-à-dire pour toutes les pathologies et blessures bénignes qui nécessitent une prise en charge rapide mais ne relèvent pas de l'urgence vitale- disponible via un numéro dédié. Faute de quoi, selon les syndicats de médecins libéraux, le SAS tel qu’imaginé par Agnès Buzyn serait condamné à l’échec et les hôpitaux devraient continuer à être saturés de cas non urgents. "Les hôpitaux ne s’y sont pas trompés quand ils décident de créer des unités de soins non programmés dans leurs locaux, commençant ainsi à siphonner l’activité de la médecine ambulatoire", grincent-ils par ailleurs dans leur communiqué commun.

"Grève des gardes"

En colère, les médecins de ville veulent retrouver "la place qui leur revient". Et l’opération "samedis noirs" lancée par MG France risque bien de faire tache d’huile. Selon nos informations, le Syndicat des médecins libéraux (SML) doit décider ce lundi soir de rejoindre ce mouvement. La Fédération des médecins de France (FMF), de son côté, réunit aussi son bureau ce soir. Si, comme les autres, elle ne compte pas rester "inactive", la FMF penche plutôt de son côté pour "une grève des gardes". En clair, les risques sont grands, pour ceux qui tomberont malades dans les prochains jours, de trouver porte close au cabinet de leur médecin samedi matin.

* Méthodologie: Sondage réalisé du 05 au 22 novembre sur le site MG France, 2.125 répondants et 3.195 réponses (deux réponses possibles).

SOS Médecins envisage (aussi) une grève à Noël

La fédération SOS Médecins, qui s’estime exclue des réunions et travaux du ministère de la Santé sur le pacte de refondation des urgences, a boycotté son audition prévue le 8 octobre dernier sur la future plateforme téléphonique d’urgence –le Service d’Accès aux Soins (SAS)– et envisage de voter une grève avant les fêtes de fin d’année si ses propositions sur les soins non programmés (SNP) ne sont pas entendues. "Il faut faire très attention au risque d’ajouter une couche bureaucratique supplémentaire et inutile, qui irait à l’encontre de l’objectif de la ministre de renforcer la qualité et la rapidité des prises en charge des patients", avertit Pierre-Henry Juan, président de SOS Médecins.