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Une salle de tribunal dans le nouveau Palais de justice de Paris, conçu par l'architecte Renzo Piano, le 26 mars 2018 dans le quartier des Batignolles, au nord-ouest de Paris
Photo CHRISTOPHE ARCHAMBAULT. AFP

«Le juge a prononcé sa mise sous curatelle»

C’est un métier à la fois mal connu et peu compris. Les mandataires judiciaires accompagnent des majeurs protégés pour défendre leurs droits et leurs intérêts. Nancy Burgart veille sur une vingtaine de personnes dans le Haut-Rhin. Elle raconte son quotidien et la force des binômes qu’elle forme avec les personnes dont elle a la charge.

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«En tout début de carrière, j’ai accompagné une dame qui était en très grande difficulté. Quand le juge a prononcé sa mise sous curatelle renforcée, elle n’avait aucune ressource, était en rupture sociale et s’apprêtait à être expulsée de chez elle. C’était une situation d’urgence. Je l’ai aidé à faire valoir ses droits à la retraite, à faire les démarches pour obtenir des aides financières, à remplir un dossier pour obtenir un logement social. Petit à petit, elle a pu emménager dans un appartement tout neuf, et retrouver une certaine stabilité. Je ne la suis plus, mais je sais qu’elle vit toujours dans ce logement. C’est un dossier qui m’a beaucoup marquée parce que grâce à cette mesure de protection, sa situation a vraiment changé.

Dans l’imaginaire collectif, la mise sous tutelle ou sous curatelle signifie la perte des droits. C’est tout le contraire. Ces mesures protègent les droits. Quand une personne présente des difficultés pour défendre ses propres intérêts, à cause d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles, le juge des tutelles peut prononcer une mesure de protection: la mise sous tutelle, ou la mise sous curatelle, qui est plus souple. Il désigne le tuteur ou le curateur. Si aucun membre de la famille ne peut assumer ce rôle, un mandataire judiciaire est nommé. Nos missions dépendent vraiment du type de protection prononcée par le juge. On peut intervenir sur la gestion du compte courant, l’aider à construire son budget, ou simplement assister les actes juridiques. C’est très variable.

Les moments de rencontre avec les majeurs protégés sont très importants. Il faut qu’on apprenne à se connaître, qu’on explique pourquoi on est là. Et qu’on les rassure ! Ce n’est pas parce qu’on intervient qu’ils seront constamment contrôlés. On n’a pas notre mot à dire sur le choix de leurs lieux de vie, ou sur leurs déplacements par exemple. Une relation de confiance doit s’établir, c’est crucial. S’il n’a pas confiance en son mandataire, le majeur protégé n’osera pas exprimer ses désirs, ses besoins. On doit fonctionner en binôme, un peu comme un couple. Le problème, c’est que construire cette relation prend du temps. C’est sûrement la partie la plus difficile de notre métier. Parce que ce temps-là, on ne l’a pas toujours facilement. On n’attend jamais de remerciement. Mais il arrive qu’un majeur qu’on accompagne nous dise qu’il ne sait pas comment il aurait fait sans nous. Ces mots sont toujours très gratifiants. On a un rôle important pour eux.»