On était à la cérémonie du Ballon d’or (d'un club de R3)
by Florent CafferyVendredi soir, le club de quartier du Calais Beau-Marais (Régional 3, le huitième échelon national) organisait sa propre cérémonie du Ballon d’or. Une contre-soirée, un pied de nez à la véritable institution mondiale. Ici, pas question de la jouer ambiance feutrée. C’était du sérieux, avec une belle dose de chambrage. Du foot, quoi !
Oubliez la capitale, les paillettes et le somptueux décor du Châtelet. Direction les bords de la Manche, une légère bruine typiquement calaisienne et la Cité de la dentelle, héritage d’une industrie à son apogée à l’aube du XXe siècle. C’est là, dans l’auditorium du musée, que, vendredi dernier, environ 200 membres du Calais Beau-Marais, issu d’un quartier populaire, avaient sorti du placard la tenue de gala pour leur Ballon d’or. Pas de tapis rouge, mais une cérémonie avec un cachet certain, en présence d’élus locaux, excusez du peu. « Il y a deux ans, en voyant la cérémonie à la télé, j’ai dit à ma femme : "Pourquoi pas nous ?", retrace Ezedine Kara, le président du Beau-Marais, à l’origine de la renaissance d’une entité au bord du gouffre en 2017. On est toujours en train d’idolâtrer ceux qu’on ne voit qu’à l’écran, mais ceux qui viennent jouer le dimanche matin ont aussi le droit à ces moments particuliers. Nous n’aurons peut-être jamais un Calaisien qui aura le véritable Ballon d’or, mais peu importe. Même si on ne forme pas de grands footeux, on formera des mecs avec des valeurs. »
Un Ballon d’or qui travaille en entreprise
De la meilleure joueuse de l’équipe féminine, en passant par le plus beau but de la saison écoulée et le Pierre Richard du groupe, le palmarès valait le coup d’œil. Jordan Sellier, victime d’une déchirure de cinq centimètres à l’adducteur il y a un an, s’est retrouvé sous les projecteurs. Le jury (composé des éducateurs du club) l’a épinglé. Trop peu sur le terrain, il s’est vu affublé du titre de joueur en mousse dans un vacarme à faire surchauffer un sonotone. « Franchement, je ne m’y attendais pas, lâchait-il avec son trophée entre les mains. Je pensais surtout à mon collègue Sébastien Pauchet qui n’arrive jamais à terminer un match sans un claquage. (Rires.) Je viens de temps en temps jouer, et là, on me met ça dans la figure. C’est dur. (Rires.) » Pas rancunier, il est resté pour le sacre d’Alexis Cottigny. Le Barça a beau avoir sa Pulga et ses six Ballon d’or, le Beau-Marais (300 licenciés) a son milieu offensif, 28 ans, agent de production chez Alcatel, l’un des géants de la conception de câbles de télécommunication. « Sur coup franc, il fait mouche une fois sur deux, juge Ezedine. Ce mec-là, il a une main à la place du pied. C’est une juste récompense pour notre capitaine, notre leader technique, d’avoir ce Ballon d’or. Il bosse deux matins, deux après-midi, deux nuits et il est toujours à l’entraînement. »
Messi dans le viseur
Le héros du soir était tout proche d’avoir la petite larme au coin de l’œil, au moment de soulever un trophée quasi similaire au véritable (avec l’or en moins). « Si on m’avait dit qu’un jour j’aurais le Ballon d’or en étant amateur, c’était impensable. (Rires.) Il y a encore quelques jours, je regardais la cérémonie à la télé, et là, j’ai le droit à un prix identique, mais à notre niveau. » Bourlingueur des clubs du secteur (Fort-Vert, Marck, Calais Pascal), il a atteint, vendredi dernier, le climax de sa carrière. « J’ai un peu d’expérience dans le football. C’est peut-être aussi ça qui a joué. J’ai toujours écouté les anciens. » Et à seulement 28 ans, on a encore le droit de rêver d’aller rattraper Leo Messi au palmarès ? « Il me manque encore cinq Ballon d’or, mais vu mon âge, c’est jouable. » Le génie argentin a sa statue de l’autre côté de l’Atlantique, à Buenos Aires. Il se trame à Calais qu’Alexis Cottigny devrait avoir la sienne près des Six-Bourgeois. Respect.