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Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites.(Reuters)

Retraites : Jean-Paul Delevoye, atout ou faiblesse pour le gouvernement?

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Avec Agnès Buzyn, Jean-Paul Delevoye reçoit lundi les partenaires sociaux afin de "tirer les conclusions" de la concertation sur les retraites relancée en septembre. Mais le haut-commissaire, vanté pour ses qualités d'écoute, a-t-il vraiment été un atout pour le gouvernement?

C'était le 14 septembre 2017. Jean-Paul Delevoye, ancien ministre de Jacques Chirac devenu proche d'Emmanuel Macron, est nommé haut-commissaire à la réforme des retraites. Charge à lui de coordonner et piloter ce dossier, promesse de campagne du nouveau président. A la sortie du Conseil des ministres, Christophe Castaner, alors porte-parole du gouvernement, explique que l'objectif est de "mettre en place un système universel de retraites par répartition", qui fasse "en sorte qu'un euro cotisé donne à tous les mêmes droits". A l'époque, cette nomination est saluée par bon nombre d'acteurs, Jean-Paul Delevoye connaissant à la fois le sujet, les syndicats et le mouvement En marche. Depuis, il est entré au gouvernement - en gardant l'intitulé de sa fonction - en septembre, mais son attitude des derniers mois a pu compliquer la donne. Alors, atout ou boulet? Le JDD fait le point.

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Delevoye complique la donne car…

1. il a un côté franc-tireur

C'est son côté : je dis ce que je pense. Une sorte d'authenticité. Pas toujours simple à gérer sur un sujet aussi délicat et compliqué à mettre en œuvre que la réforme des retraites. En avril dernier, Jean-Paul Delevoye menace de démissionner après des propos contradictoires de membres du gouvernement sur un éventuel recul de l'âge de départ à la retraite, aujourd'hui fixé à 62 ans. "Si les engagements pris devant les partenaires sociaux concernant l'âge minimum étaient remis en cause, il en tirerait les conséquences", expliquait alors l'un de ses proches à l’AFP.

A la rentrée, il est en quelque sorte désavoué par Emmanuel Macron alors qu'il préconise dans son rapport rendu en juillet un âge-pivot à 64 ans. Au 20 Heures de France 2, le chef de l'Etat affirme au contraire préférer "un accord sur la durée de cotisation plutôt que sur l'âge". L'âge-pivot est "un élément de solution", dira finalement le Premier ministre, Edouard Philippe, en novembre. De quoi créer de la confusion.

Idem sur la "clause du grand-père" : Jean-Paul Delevoye a été rappelé à l'ordre après avoir affiché sa ferme opposition à une mesure évoquée par… le chef de l'Etat lui-même. "Je vous demande de ne pas expliquer dès maintenant ce que serait une bonne ou une mauvaise réforme en dehors de ce que disent le président de la République ou le Premier ministre", a déclaré Emmanuel Macron en Conseil des ministres, selon des propos rapportés.

2. il n'a pas tout dit dans sa déclaration d’intérêts

L'information a été révélée lundi par Le Parisien et suscite des interrogations sur la crédibilité du haut-commissaire. Jean-Paul Delevoye n'a pas déclaré auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) sa fonction d'administrateur de l'Institut de formation de la profession de l'assurance (Ifpass) qu'il occupe depuis 2016. Une "erreur" et "une omission par oubli", a-t-il réagi auprès du quotidien, reconnaissant que "ce n'est pas responsable".

"C'est une fonction bénévole, je n'y vais quasiment jamais, car je n'ai pas le temps. Je ne connais rien dans le domaine de la formation des assureurs (…) S'il y a incompatibilité, je vais rectifier cela et démissionner de ce mandat exercé de façon extrêmement faible", a assuré Jean-Paul Delevoye.

"Pur hasard si le gouvernement a accordé une fiscalité super avantageuse pour ceux qui placent leur argent dans des fonds de pension en avril dernier" ; "on voit le vrai visage de cette réforme des retraites" où "tout est fait pour pousser les futurs retraités vers des fonds d'assurance" ; "le monde de l'assurance, lui, n'a pas oublié de déclarer ses liens avec la réforme des retraites" ; "la macronie a quelque chose de désespérant dans sa constance à donner des leçons de morale et se croire au-dessus des règles"... ont réagi les oppositions.

3. il ne s'entend pas bien avec Edouard Philippe

"Pour qu'il y ait réconciliation, il faut qu'il y ait divorce" : en débat sur la réforme des retraites à Pau mi-novembre, le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye a récusé toute brouille avec Edouard Philippe. "On n'était pas fâché", a abondé le Premier ministre, qui a assuré qu'il y aurait "toujours des discussions". Pour autant, si le haut-commissaire peut se vanter d'être un proche d'Emmanuel Macron - qui lui avait demandé de présider la commission d’investitures d’En marche pour les législatives de 2017 - il ne peut pas en dire autant avec le chef du gouvernement.

Jean-Paul Delevoye ne partage pas la même vision de la réforme en cours que les "technos de Matignon", qui plaident pour une solution "paramétrique". "Matignon n'a jamais voulu de cette réforme et ne souhaitait initialement que bouger sur l'âge de départ ou la durée de cotisation", dit un habitué des lieux dans Le Figaro.

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Delevoye est un atout car…

1. il connaît très bien son sujet

Malgré tout, et c'est sans aucun doute pour ces raisons qu'Emmanuel Macron a pensé à lui pour ce poste, Jean-Paul Delevoye a de nombreux arguments à faire valoir pour mener à bien cette réforme. Premièrement, il maîtrise le dossier. L'ancien ministre de la Fonction publique de Jacques Chirac a déjà copiloté, avec François Fillon, la réforme des fonctionnaires en 2003, qui a aligné la durée de cotisation des fonctionnaires (pour une retraite à taux plein) sur celle des autres salariés, à savoir 40 annuités.

"Notre objectif n'est pas de sacrifier la fonction publique sur l'autel de l'équité mais de sauver collectivement nos systèmes de retraite", expliquait à l'époque celui qui avait réussi à ramener les syndicats autour de la table après plusieurs mois de conflit. Depuis 2017, fort de son expérience passé, Jean-Paul Delevoye est à la manœuvre de cette concertation. Il est devenu le "Monsieur Retraites" de la Macronie.

2. il sait dialoguer avec les syndicats

C'est peut-être sa qualité première, celle qui est souvent mise en avant par ses partenaires de discussions. Jean-Paul Delevoye a une expérience de la négociation ; il sait faire en d'autres termes. Sans braquer. "Avec le haut-commissaire Jean-Paul ­Delevoye, ça se passe bien : la CGT l'a vu 22 fois depuis décembre 2017, n'en déplaise à ceux qui racontent que la CGT a fait la politique de la chaise vide. Delevoye, c'est quelqu'un qui a un peu plus d'expérience et une vraie conception de la démocratie sociale, même si nous proposons un tout autre projet de réforme des retraites que le sien", a reconnu le patron de la CGT, Philippe Martinez, ce dimanche dans le JDD.

Comme il y a quinze ans, ses interlocuteurs louent son écoute. "C'est un honnête homme, humaniste, pas politicard, reconnaissait Jean-Claude Mailly, l'ancien leader de FO qui est originaire du même département que Jean-Paul Delevoye. Avec lui, il n'y a pas de chausse-trappes." Même teneur du côté de Frédéric Sève de la CFDT : "Il est cordial, pas dogmatique. Il fait tout pour que le dialogue ne soit pas rompu."

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3. il a de bonnes relations avec les députés LREM

S'il connaît bien les syndicats, Jean-Paul Delevoye a une proximité particulière avec les députés d'En marche. Il avait sélectionné les 577 candidats aux législatives en 2017 en tant que président de la commission d'investitures du parti. "Ça créé des liens", confiait au JDD en octobre 2018 le député LREM Laurent Pietraszewski, qui coordonne le travail des parlementaires sur la réforme des retraites.

"Il est un peu notre parrain à tous. Il a de l'empathie, c'est Chirac!", lance l'élu Roland Lescure dans L'Opinion. Que ce soit dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale ou lorsqu'il est présent en réunion de groupe, Jean-Paul Delevoye est toujours très applaudi. Le sera-t-il jusqu'au bout?