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Sébastien Chenu, député RN de la 19e circonscription du Nord, porte-parole du parti.
© Sipa Press

Municipales 2020: Sébastien Chenu (RN) se prépare le terrain à Denain

Le député du Nord, porte-parole du Rassemblement national, prône un discours social et populiste dans l’une des villes les plus pauvres de France. Un avant-goût de campagne...

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Sébastien Chenu fait partie de la poignée d’élus RN ayant fait une apparition dans la rue, non loin des grévistes, le 5 décembre. Il a tenté d’aller à la rencontre de manifestants de la CGT et de FO à Prouvy (Nord) ; vivement insulté, il n’est resté que deux minutes. Le député se montre très présent à Denain, dans sa circonscription. Le parti de Marine Le Pen espère présenter 40 listes aux municipales dans le département du Nord.

Comment Denain n’est-elle pas déjà aux mains du Rassemblement national ? En mai 2017, plus d’un habitant sur deux de cette ville pauvre de la banlieue de Valenciennes a voté pour Marine Le Pen (57,5 %), après l’avoir portée en tête au premier tour (40 %). Un mois plus tard, le chef-lieu de la 19e circonscription du Nord envoyait son premier député FN, Sébastien Chenu, à l’Assemblée nationale. Avec à peine 20 000 habitants, l’ancienne cité du charbon et de l’acier saisie dans l’œil du photographe Vincent Jarousseau illustre cette « France qui n’est pas en marche » (Les Racines de la colère, Les Arènes, 2019). Un symbole de conquête pour le RN qui rêve d’étendre son emprise sur le bassin minier du Nord-Pas-de-Calais. Sébastien Chenu s’y attelle.

Le frontiste y est omniprésent. Il a déjà ravi son siège parlementaire à la maire socialiste Anne-Lise Dufour-Tonini, longtemps proche de Martine Aubry. Maintenant l’hôtel de ville ? Interrogé en mai par La Voix du Nord, il confiait se poser « sérieusement la question » : « Il faut redonner un cap à Denain, un projet à long terme, et je suis bien décidé à m’y employer ». Il a délégué à un militant RN, Joshua Hochart, l’animation d’un collectif baptisé Nous sommes Denain. Cette petite association ambitionne de « dépasser les étiquettes » mais « avec le soutien du Rassemblement national », comme à Perpignan. « Ce sera une liste d’ouverture, assure Sébastien Chenu à l’Opinion. Tout est prêt, je n’ai plus qu’à appuyer sur le bouton si je décidais d’être candidat moi-même. » Il laisse passer Noël et l’annoncera début janvier.

Selfie d’Halloween. Le porte-parole RN s’affiche déjà avec le collectif : soirée déguisée d’Halloween, match de football américain, loto du boxing club, cérémonie du 11-Novembre... Il cible la maire sans relâche. Le 27 octobre, il fustige face caméra « le manque total de professionnalisme à la tête de la mairie de Denain » pour un chantier de cinéma en retard, et réclame d’y voir le neuvième Star Wars qui sort en décembre. Une semaine plus tard, rebelote ; il interpelle l’édile depuis le Palais Bourbon et conclut : « Nous exigeons des réponses, parce que nous sommes Denain ». Le 6 novembre, il juge qu’elle n’a « plus aucune crédibilité » du fait des liens supposés d’un de ses collaborateurs avec les Frères musulmans. Le 3 décembre, il critique « les décisions autoritaires et unilatérales de Mme Dufour » sur l’assainissement d’eau. Et ainsi de suite...

Il peut compter sur l’un de ses assistants parlementaires qui photographie la maire et la raille sur les réseaux sociaux. Celle-ci a exprimé son « ras-le-bol » et saisi le CSA — mais les règles de temps d’antenne électoral n’opèrent pas avant le 6 février. « Je n’ai pas annoncé de candidature, je continue donc de jouer mon rôle de porte-parole », maintient habilement Chenu.

Sur le terrain, les membres de son équipe expérimentent la méthode d’En Marche en 2016. Leur page Facebook indique qu’ils veulent rassembler des « Denaisiens de tous bords », faire du porte-à-porte auprès de 1 000 foyers pour « recueillir des propositions », « rencontrer le député Sébastien Chenu afin de lui remettre ces propositions » et « construire un programme abouti ». Mi-novembre, Chenu annonçait l’une d’elles sur LCI, sans attendre : l’évaluation de la situation d’emploi de tous les moins de 25 ans. « Cela existe déjà depuis 37 ans, nuance l’antenne locale de la mission Jeunes du Valenciennois. Nous suivons 3 000 jeunes sur Denain et nous démarchons les ‘‘invisibles’’, ceux qui ne se signalent pas. »

Skate park. D’autres propositions du RN suivront : obtention du label Ville fleurie, ouverture d’un skate park, accompagnement des seniors dans l’espace public... « Décidément, Denain a besoin de changement », signe toujours Sébastien Chenu. Si d’autres pontes frontistes poussent l’« union des droites » pour siphonner l’électorat LR, lui joue localement la ligne sociale du « gaucho-lepénisme » développé par Marine Le Pen en direction des catégories populaires.

A Denain, les ouvriers représentent 40 % des actifs. Un habitant sur trois est au chômage, selon l’Insee. La pauvreté frappe 43 % de la population (14 % au niveau national) et moins de 20 % des foyers fiscaux sont imposables. Nulle surprise que Marine Le Pen, conseillère régionale des Hauts-de-France, y soit venue en campagne présidentielle début 2017... Elle y avait parlé immigration et insécurité : « Pourquoi il y a un problème ? Il y a un problème, je crois, parce qu’il y a 1 000 Roms sur la ville ! ». Une alerte lancée à l’époque par la maire PS. « On en revient à la problématique de Calais », à 150 km plus au nord, poursuivait Marine Le Pen, et à « cette immigration massive qui peut – et on le voit aujourd’hui totalement – déstabiliser la sérénité d’une ville, son équilibre ». Un discours dont l’écho ne faiblit pas : en mai, la liste RN est arrivée en tête aux européennes avec 44,3 % des voix, très loin devant le parti de Jean-Luc Mélenchon (10,2 %) ou les formations de gauche (3 % à 7 %).