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«Réforme des retraites: les méfaits du flou». La chronique de Frédéric Gonand

« Le chemin le plus efficace – y compris pour la croissance de l’économie – est celui d’une hausse de l’âge moyen effectif de départ en retraite : un totem et un tabou à la fois des finances publiques françaises depuis les années 1990, et qui n’a à ce jour été abordé de front qu’en 2010 »

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Pour avoir travaillé au sein d’un précédent gouvernement lors de la réforme de 2010 qui a augmenté l’âge de départ à la retraite, et avoir auparavant encore médité sur le sujet à l’occasion de son doctorat, l’auteur de ces lignes s’invite humblement dans le débat sur la réforme des retraites afin de souligner quelques points.

Le premier problème des retraites, c’est évidemment leur déficit, qui constitue une injustice massive à l’encontre des générations futures appelées à payer la facture à notre place. Le premier objectif d’une réforme des retraites doit donc, pour ce motif, consister à supprimer durablement le déficit des retraites. Celui, mis en avant aujourd’hui, qui cherche à habiller les 42 régimes d’un costume Mao identique pour tous, semble davantage guidé par la satisfaction maniaque des organigrammes au carré et de l’ordre à tout prix – fût-ce au prix politique d’un échec final, ou d’une réforme inutile car étalée sur quarante ans.

Equité. Le deuxième point est relatif au caractère contributif des régimes des retraites. Il existe de multiples manières de traiter le problème. L’une d’elles consiste à faire passer le nombre d’années prises en compte dans le calcul de la pension de 25 à 40 ou 42 années. Cette voie avait été évoquée en 2010 lors de la préparation de la réforme d’alors, mais repoussée au motif décevant qu’elle soulevait un problème d’équité vis-à-vis des fonctionnaires dont la retraite n’est liée, comme on le sait, qu’aux six derniers mois de rémunération…

Le troisième point est celui de la transparence. La plupart des Français – comme on les comprend… – ne savent pas très bien calculer le montant de leur pension de retraite dans le système actuel. Les pouvoirs publics, depuis deux ans, annoncent que le mode de calcul va complètement changer, et que nos compatriotes y comprendront d’autant moins quelque chose que rien de très précis n’a encore été annoncé jusqu’à début décembre 2019. Difficile de faire plus anxiogène. Difficile de vendre plus mal une réforme d’inspiration déjà passablement technocratique.

Sur le fond, le passage à un régime par points ne s’imposait pas nécessairement. Même si le dispositif a, dans l’absolu, des propriétés intéressantes, la transition du dispositif actuel par annuités vers un régime par points déclenche d’inextricables effets redistributifs qui rendent très flou l’objectif pourtant nécessaire de la réforme : le rétablissement de l’équilibre des régimes pour préserver l’équité intergénérationnelle. En la matière, le chemin le plus efficace – y compris pour la croissance de l’économie – est celui d’une hausse de l’âge moyen effectif de départ en retraite : un totem et un tabou à la fois des finances publiques françaises depuis les années 1990, et qui n’a à ce jour été abordé de front qu’en 2010. C’est dommage, car une hausse de l’âge de départ en retraite est la seule réforme qui permet d’augmenter la force de travail donc la croissance tout en diminuant le déficit public et en favorisant l’équité entre les générations.

Frédéric Gonand est professeur à l’Université Paris-Dauphine.