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 © NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Delevoye : on vous explique la polémique autour du M. retraites de Macron

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Le haut commissaire à la réforme des retraites a "oublié" de signaler ses activités professionnelles d'administrateur de l'Ifpass, l'Institut de formation de la profession de l'assurance. Jean-Paul Delevoye a démissionné de ce poste d'administrateur ce lundi.

[Mis à jour le 9 décembre 2019 à 12h22] En plein mouvement de contestation sociale, alors que nombreuses organisations syndicales exigent le retrait du projet de réforme des retraites, voilà une information qui vient - pour le moins - contrarier les plans de communication de l'exécutif, qui se prépare à faire de grandes annonces ce mercredi. La déclaration d'intérêts de Jean-Paul Delevoye, membre du gouvernement et haut-commissaire à la réforme des retraites, a été publiée ce samedi et n'a manifestement pas été parfaitement remplie. Comme tous les membres de l'équipe ministérielle, Jean-Paul Delevoye devait indiquer à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ses sources de revenus, pour que tout risque de conflit d'intérêt soit rendu public. Et le Monsieur retraites d'Emmanuel Macron n'a pas indiqué sur ce document officiel qu'il est l'un des administrateurs de l'Ifpass, l'Institut de formation de la profession de l'assurance, comme le rapporte Le Parisien. Une fonction qu'il occupait jusqu'alors de manière bénévole.

Ce lundi, Jean-Paul Delevoye a pris la décision de démissionner de son mandat d'administrateur au sein de l'Ifpass. "Depuis ma nomination en tant que Haut-Commissaire à la réforme des retraites en octobre 2017 puis Haut-Commissaire aux retraites en novembre 2019, je n'ai assisté qu'à 3 conseils d'administration, ma dernière participation remontant au 4 décembre 2018. Pour clore toute polémique, j'ai démissionné ce matin de mes fonctions d'administrateur de l'IFPASS, cette démission prenant effet immédiatement.", a-t-il écrit dans un communiqué transmis à la presse.

Que dit la loi de 2013 relative à la transparence de la vie publique ? Le premier article de cette loi stipule que "les membres du Gouvernement, les personnes titulaires d'un mandat électif local ainsi que celles chargées d'une mission de service public exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité et veillent à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d'intérêts." L'article 4 de cette loi précise que "chacun des membres du gouvernement adresse au président de la Haute Autorité, ainsi qu'au Premier ministre, une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de sa nomination et dans les cinq années précédant cette date." Ce même article de loi donne plus loin la liste des éléments concernés par cette déclaration d'intérêts, mentionnant notamment "les fonctions bénévoles susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts." Nommé le 3 septembre 2019, Jean-Paul Delevoye avait donc selon la loi deux mois à partir de cette date pour faire cette déclaration d'intérêts, qu'il a déposée le 15 novembre dernier sur le site de la HATVP, avant qu'elle ne soit officiellement publiée le 7 décembre.

Au sujet de cette déclaration, des questions émergent désormais sur ces liens existants entre l'homme qui porte la réforme des retraites et le monde de l'assurance. Contacté par le Parisien, qui pointe des risques de conflit d'intérêt, Jean-Paul Delevoye regrette "une omission par oubli" et assure ne pas "avoir pensé une seconde" à indiquer sa mission à l'Ifpass. "Je reconnais que ce n'est pas responsable", admet-il toutefois. Interrogé sur le sujet, le leader de la CGT, Philippe Martinez, a considéré que ce lien avec le monde des assurances était "gênant". "On voit que dans la période, les assureurs privés montrent plus que le bout de leur nez, ils sentent bien qu'il y a un coup à jouer, si l'on peut dire, avec la réforme des retraites, pour sortir les salariés du régime général et de ce qui se fait bien en France pour capter une autre forme de retraites, par capitalisation". Et de regretter que le membre du gouvernement "conseille" les assureurs, alors qu'il prépare la réforme des retraites.

Des appels à la démission ou au retrait de la réforme des retraites

Des réactions émergent de tous bords politiques ce lundi matin. Du côté de la France Insoumise, les députés Adrien Quatennens et Bastien Lachaud ont réagi, ce dernier déclarant : "Delevoye démissionne de sa fonction bénévole auprès du lobby des assurances. Il ferait mieux de démissionner du gouvernement. Halte aux lobbies", ou encore "Delevoye travaille pour les lobbies. Essaye de le cacher. Se fait prendre. A l'image de cette réforme inégalitaire qui sert les intérêts des fonds de pension, pas les Français." Fabien Roussel, le secrétaire national du PCF, a de son côté estimé cet oubli "fâcheux", et a tweeté : "Delevoye a oublié qu'il avait des liens avec les assurances... En réalité, c'est toute la réforme Macron qui prévoit de livrer nos retraites aux assurances et au fond de pensions."

A droite et à l'extrême-droite également, les réactions sont nombreuses. Valérie Boyer, députée LR, a ainsi déclaré sur le réseau social : "La macronie a quelque chose de désespérant dans sa constance à donner des leçons de morale et se croire au dessus des règles, aujourd'hui c'est Delevoye, le M. Retraite qui a "oublié" de déclarer ses liens avec le monde de l'assurance. Qui sera le prochain ?" Marine Le Pen, la dirigeante RN, a déclaré de son côté que "Macron ne gouverne pas dans l'intérêt des Français, il déconstruit tout notre modèle au profit d'intérêts particuliers et de puissances d'argent. Nouvelle illustration avec la réforme des retraites et le cas Delevoye. Cette réforme doit être enterrée," a-t-elle conclu. Nicolas Dupont-Aignan et Florian Philippot ont également réagi, ce dernier estimant que "sa réforme des retraites se faisant largement au bénéfice de l'assurance privée, M. Delevoye n'a pas d'autre choix que de présenter sa démission dès aujourd'hui." 

Qui est Jean-Paul Delevoye ?

Jean-Paul Delevoye est un grand habitué des arcanes du pouvoir. Cet ancien maire de Bapaume, dans le Pas-de-Calais, fut député, sénateur et ministre de la Fonction publique sous le quinquennat de Jacques Chirac, entre 2002 et 2004. Le septuagénaire est présenté comme un homme de compromis, qui sait convaincre, synthétiser et imposer une décision. Des qualités qui lui ont permis de présider l'Association des Maires de France pendant 10 ans. Cet ancien négociant en aliments pour bétail a aussi pris la tête du Conseil économique, social et environnemental de 2010 à 2015. Ce médiateur professionnel n'en a pas oublié de faire une carrière politique, militant depuis les années 1980 pour un gaullisme social qu'il a toujours revendiqué incarner. C'est sur ces convictions qu'il s'engagera aux côtés d'Alain Juppé lorsque celui-ci briguait l'Elysée. Une fois battu par François Fillon, il fera néanmoins le choix de rejoindre l'équipe d'Emmanuel Macron.

Pour le candidat d'En Marche, cette démarche ne passe pas inaperçue. Au contraire : Jean-Paul Delevoye a choisi de se détourner de François Fillon, qu'il connaît bien pour avoir porté avec lui au gouvernement, en 2003, la réforme des retraites des fonctionnaires. Emmanuel Macron apprécie l'homme, qu'il estime droit dans ses bottes autant que dans ses convictions, et lui confie alors le soin de diriger la Commission nationale d'investiture de LREM pour les législatives. Quelques semaines plus tard, le président disposera d'une majorité à l'Assemblée nationale... Jean-Paul Delevoye était depuis le "monsieur retraites" sur lequel s'appuyait le gouvernement pour préparer la future réforme : après avoir mené des consultations avec les organisations syndicales et patronales, il a officiellement présenté ses recommandations le 18 juillet. Il est désormais missionné par le Premier ministre pour mettre en place la réforme du gouvernement.